Le Nouveau Spectateur (Bastide): Discours IX.
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Discours IX.
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Je prie mes Lecteurs de me permettre
de placer ici le récit d’une tradition Juive, qui amenera une
aventure digne de l’attention d’un lecteur sensé.
Soyons toujours irréprochables. Il y a
une justice vengeresse qui répand des bras sur la terre à
l’instant que nous devenons criminels ; & le secret de nos
crimes ne sert un jour qu’à faire mieux admirer la vigilance du
juge suprême.
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« Moyse appellé par une voix du
ciel, au sommet d’une montagne, y eut une conférence avec
l’être suprême, qui lui permît de lui faire diverses
questions sur sa <sic> conduite de l’univers. Au
milieu de ce divin dialogue, Moyse eut ordre de regarder en bas sur la plaine. Il y avoit au pied de la
montagne une source d’eau vive. Un soldat à cheval descendit
pour en boire. Celui-ce ne se fut pas plutôt retiré, qu’un
jeune garçon parut au même endroit, où il trouva une bourse
pleine d’or que le soldat avoit laissé tomber, la prit &
s’en alla. Un vieillard accablé de fatigue, & du poids
des années, y vint ensuite, & après avoir étanché la
soif qui le brûloit, s’assit à côté de la fontaine, pour se
reposer. Le soldat qui avoit perdu sa bourse, y retourne
pour la chercher, & la demande à ce vieillard, qui
proteste qu’il ne l’a point vue, & appelle Dieu à témoin
de son innocence. Le soldat ne veut pas l’en croire sur sa
parole & le tue. Là-dessus, Moyse frappé d’épouvante
& d’horreur, tombe sur son visage. Aussitôt la voix de
Dieux se fit entendre, & lui parla en ces
termes :
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Diálogo
Ne sois pas surpris, Moyse,
de cet événement, & ne demande pas pourquoi le
juge de l’univers l’a voulu permettre ; mais sçache
que ce vieillard avoit assassiné le père du jeune
garçon. »
Narração geral
J’étois hier entré dans un café
pour y parler à quelqu’un, & j’y fus témoin d’une
aventure tragique qui me rappelle cette tradition mémorable.
Le Chevalier de * * & le Baron de * * * étoient dans le
même café, & se parloient tout haut de choses
indifférentes. Je remarquai que la Baron ne ménageoit pas le
genre humain, & vouloit passer pour méchant. La Marquise
de * * & sa fille passerent alors dans un carrosse
brillant. Le baron, en les voyant, fit ce cri de petit
maître que l’impertinence a inventé, & qui, accompagné
d’un certain air goguenard, fait tout de suite une
réputation à des femmes, qui très-souvent
méritent l’estime. Ce cri impertinent fit rire tout le monde
dans le caffé, & moi tout le premier. Je n’avois pas
l’honneur de connoître ces Dames ; le Chevalier les
connoissoit & étoit un de leurs plus intimes amis. (J’ai
sçu, depuis, que la mere & la fille ont toujours vécu
irréprochables du côté de la vertu). Il demanda au Baron
s’il les connoissoit.
Le Baron insista. Le Chevalier sortit ; je crus qu’il
prenoit le parti d’un homme prudent, & que cette affaire
n’auroit pas de suite. Le Baron le suivit, quand il eut
lâché toutes ses horreurs. Je me sentis soulagé en le voyant
partir. La calomnie, surtout celle qui part des petits
maîtres, m’a toujours indigné. Je m’entretenois, avec mon
voisin, de l’auteur de ce libelle odieux, & je
souhaitois presque qu’il fût puni un jour de son insolence,
lorsque quelqu’un qui venoit de sortir rentra, & nous
dit que le Chevalier venoit d’être tué par le
Baron.
il n’y avoit que moi, qui le sçut, & je le dis
aujourd’hui.
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Diálogo
Non, répondit-il ; je ne
vais pas chez elles, & je ne sçais pas
pourquoi ; car on y vit joliment. Cela signifie
beaucoup de choses, lui dit le Chevalier, & je
puis vous assurer que comme vous l’entendez, il
n’est rien de plus faux ; on vous en a imposé. Cela
ne se peut pas, reprit le Baron ; car au moins on y
soupe, & elles ne sont pas riches. Je suis
très-bien instruit. Monsieur, j’ai l’honneur d’être
leur ami, dit le Chevalier ; je les vois tous les
jours, & je vous proteste. . . . Eh, non Monsieur, est-ce que des femmes pauvres
sont sages ! L’ami d’une maison est le premier
trompé, je sçais ce que je dis ; & là-dessus il
commença une histoire qui étoit affreuse. Le
Chevalier l’interrompit. Monsieur, j’ai eu l’honneur
de vous dire que j’étois leur ami ; il me semble que
vous ne devez pas aller plus loin.
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Diálogo
Ah ! mon Dieu,
m’écriai-je, ce n’est pas lui qui devoit mourir ; la
providence, en cela, est injuste. Pas tant que vous
le croyez bien, me répondit tout bas cet homme. Il
avoit fait, il y a deux ans, contre le Baron, des
couplets affreux qui ont perdu ce dernier dans le
monde ;
Metatextualidade
Voici deux faits
aussi certains qu’incroyables, arrivés l’un en Angleterre,
l’autre en France.
Narração geral
Il n’y a que peu d’années qu’un
Anglois, nommé Lapirius dans l’auteur où j’ai lu ce fait hérita d’un grand bien par le testament de son
pere, à l’exclusion de son frere aîné, dont la vie avoit été
très-déréglée. Ce dernier, touché de honte & d’un
sérieux repentir, devint dans la suite un modele de raison
& de sagesse. Lapirius, charmé du retour de son frere,
lui écrivit un matin un bilet conçu en ces termes :
Je connois un frere qui n’en a pas si bien agi, à
beaucoup près, dans une occurrence où il ne s’agissoit pas
même d’être généreux. Il est nécessaire de remonter un peu
plus haut que le fait que je veux rapporter. Le
Chevalier de S * * * absent de sa province depuis plusieurs
années, y avoit laissé un frere qu’il aimoit beaucoup, &
à qui il croyoit être cher. Ce frere lui écrivit il y a deux
ans :
Le Chevalier lui répondit sur le champ :
Le Chevalier se dérangeoit lui-même par ces
engagemens ; son frere le sçavoit & ne pouvoit pas
douter que son procédé ne fût admirable. Il ne
put faire accepter ces lettres de change & les renvoya.
Un an après il écrivit cette autre lettre :
Justement, dans le même temps, le Chevalier se
trouvoit obligé de rembourser deux mille quatre cens
livres ; c’étoit un engagement d’honneur, & il y étoit
très-embarassé. Il regarda le mariage de son frere comme un
secours de la providence pour lui. En répondant à sa lettre,
il lui demanda cette somme, & il accompagna sa demande
des meilleures sûretés ; promettant de s’acquitter dans
dix-huit mois, & exigeant qu’on lui permît d’en payer
l’intérêt. Cet indigne frere eut la lâcheté
de le refuser.
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Carta/Carta ao editor
« Je vous envoie ici, mon
cher frere, le testament de notre père. Si Dieu lui
avoit prolongé la vie jusqu’ici, il ne l’auroit pas
fait de même. Il en exclut l’homme que vous étiez
alors, & moi, je le rends à celui que vous êtes
aujourd’hui. » Je suis, &c.
Nível 3
Carta/Carta ao editor
« Je connois ton amitié
pour moi ? Souffre que j’en abuse sans le vouloir.
J’ai perdu hier deux mille livres au jeu. Tu sçais
que tout mon bien t’est substitué ; je ne trouve pas
un écu, je n’ai que ta bourse pour payer. »
Nível 3
Carta/Carta ao editor
« Je n’ai point d’argent
& je ne sçaurois en vérité où en trouver ; mais
je t’envoie quatre lettres de change à des termes
très-courts : comme l’on sçait que tu es dérangé,
l’on prendra plus volontiers mon effet que le tien.
Tâche de la faire accepter. »
Nível 3
Carta/Carta ao editor
« Je me marie ; mon
contrat vient d’être signé. J’épouse une jeune
personne qui m’apporte deux cens mille livres, dont
soixante sont comptans. Je me hâte de t’en faire
part, pour n’avoir pas un plaisir que tu ne partages
avec moi, &c. »