Sugestão de citação: Jean-François de Bastide (Ed.): "Discours IV.", em: Le Nouveau Spectateur (Bastide), Vol.2\004 (1758), S. 139-144, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2000 [consultado em: ].


Nível 1►

Discours IV.

Citação/Divisa► Spectatum admissi risum teneatis amici.

Hor.a.p.v.5

Mes chers amis, pouvez-vous vous empêcher de rire à la vue d’un tel spectacle ! ◀Citação/Divisa

Nível 2► Narração geral► Retrato alheio► Je vois quelquefois un jeune homme qui se plaît dans la compagnie des femmes qui ont de la vertu, qui aspire à leur bienveillance, & la leur demande avec cet air qui fait voir qu’on en connoît tout le prix ; qui [140] amuse sans être méchant, qui fait de très-jolis vers sans s’en vanter, & conserve, parmi les louanges, cette modestie qu’elles font perdre si aisément ; qui respecte dans les hommes leur vertu, malgré leur état, & leur état malgré leurs vices, suivant que l’une renferme plus d’utilité réelle, & l’autre plus de sainteté extérieure : & je me dis, pourquoi mille peres, honnêtes gens, n’ont-ils pas un pareil fils ? ◀Retrato alheio Quand je vois ce jeune homme, je ne puis me dispenser de faire de tristes comparaisons, & d’appeler à mon tribunal tant d’étourdis & de voluptueux qui surchargent la terre. Le nombre pourra bientôt s’en compter par le nombre mêmes des mâles nés une vingtaine d’années auparavant. Tous les jeunes gens tendent aujourd’hui à la corruption. La postérité s’en ressentira. Les calculateurs du bien & du mal n’en conviendront [141] point ; mais les Médecins en sçavent plus que les calculateurs, pour décider de ce qui doit nuire à l’espece humaine, & ils diront que, si on avoit vécu depuis mille ans seulement, comme on vit aujourd’hui, ces jeunes gens qu’on voit si efféminés, si languissans, si inutiles à la société, dans tant de cas différens, auroient encore de quoi étonner par la force de leurs organes & la longueur de leur vie. De père en fils il est impossible que la nature ne se détruise pas, quand de façon ou d’autre on fournit tous les jours aux Médecins l’occasion de créer de nouveaux remedes, dont la plûpart sont encore & doivent être si inutiles. Le Médecin appellé en France il y a quelques années, trouva beaucoup de petits maux pour lesquels il ordonna des remedes simples ; il eut raison : mais ces petits maux deviendront de grandes maladies, en passant successive-[142]ment d’un sang dans d’autres veines, & si M. Tronchin vivoit dans deux cens ans, & qu’il fût encore appellé ; il seroit assez honnête homme pour dire : En voyant vivre vos peres, j’avois compris que des incommodités qui ne demandoient pas d’être guéries, un jour ne pourroient plus être guéries.

Metatextualidade► Je laisse-là cette matiere sur laquelle il n’y a plus rien à dire, & je reviens au jeune homme dont j’ai d’abord parlé. ◀Metatextualidade Retrato alheio► Il est l’espoir & l’amour de sa famille, & sans avoir, ni espérer une grande fortune, on lui offre tous les jours les plus riches partis. Son père lui parle avec une confiance où, l’on voit qu’il entre toute l’estime qu’une profonde connoissance pour donner pour quelqu’un. C’est entr’eux un accord, une familiarité qui surpassent encore, & touchent plus que l’intelligence des deux meilleurs amis. J’ai vu des peres pleurer en les voyant [143] ensemble, & souhaiter de pouvoir acheter de tout leur bien un fils comme celui-ci. Ce que j’estime le plus en lui, c’est la manière dont il repousse l’impertinence qui voudroit le plaisanter sur sa raison. Il a alors un sang froid admirable, par le moyen duquel on ne lui dit jamais que deux mots, & il n’en répond jamais qu’un. Il ne garde point cet extérieur, lorsque c’est la raison des autres qu’on attaque, surtout s’ils sont présens. Il semble qu’il veuille dispenser un honnête homme de la peine de confondre un sot ou un fat ; il n’attend point qu’une plaisanterie ait produit tout son effet, pour se livrer à son génie bienfaisant : plein de la beauté du motif qui l’anime au combat, il regarde un simple signal comme une attaque formée, & j’ai vu quelquefois des impertinens pleins d’esprit, désarmés & honteux, avant que d’avoir fait usage de leurs armes. [144]

Le jeune homme, dont je parle, aime les gens d’esprit & beaucoup plus les gens de lettres. Parmi les premiers, il distingue ceux qui ont des mœurs ; & parmi les autres, ceux qui ont de la politesse. Il lit beaucoup ; & malgré cela, n’achete pas tous les livres, & ne parle pas de tous. Il sçait qu’acheter tout, est une sottise, & parler de tout, une impertinence. Il préfere les littérateurs qui peuvent l’instruire, à ces abeilles brillantes qui portent partout la sue des fleurs dont elles n’ont extrait que la superficie. Il dédaigne même le beau langage, persuadé qu’en général un homme qui parle toujours bien, est un homme qui pense toujours peu, & trouvant qu’il est plus honorable de dire des choses, que de rendre des sons. ◀Retrato alheio ◀Narração geral ◀Nível 2 ◀Nível 1