Le Nouveau Spectateur (Bastide): Réponses
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Nivel 1
Nivel 2
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse
Metatextualidad
De Fanni, à
une lettre de son Amant, qu’elle ne m’a point
envoyée.
Vous ne pouvez pas douter de
la tendresse de mes sentimens. Si vous en doutiez, je
croirois que l’amour est un vice de l’ame, dont l’objet
est de corrompre la vertu. Je vous ai donné toutes les
preuves de ce que peut sentir une fille qui a plus
d’ardeur pour le bonheur de son amant, que de respect
pour le préjugé. Mais vous me demandez aujourd’hui
d’enfreindre une loi positive, une loi sacrée ! Je
frémis en voyant votre obstination, & je suis obligée de me demander si vous m’avez aimé
vous-même, en fondant, malgré moi, la profondeur de
l’abîme où vous voulez me plonger. Je n’entrerai dans
aucun détail de mes dangers, parce que je vous estime
encore assez pour croire qu’il n’en faut point pour
justifier mon refus à vos yeux ; un amant ne s’aveugle
pas, quoiqu’il veuille égarer ce qu’il aime ; ainsi vous
sçavez que je ne dois point céder à vos desirs ; vous
sçavez que ma vie & la vôtre même doivent m’être
moins cheres que ma gloire. Cette gloire aide encore à
nous convaincre de la tendresse d’un amant ; car pour
peu qu’on raisonne, on ne doit le croire aimée qu’à
proportion qu’on le sent estimablé. Vous voulez donc
m’enlever ma confiance & mon bonheur, en m’enlevant
l’estime de moi-même ? Comment n’avez-vous pas fait
cette réflexion ? Comment n’avez-vous pas prévu que je
la ferois ? Mais je me trompe ; je vous fais ici une question, & ce n’est qu’un reproche
que vous méritez. Vous avez prévu ma réponse, vous avez
pesé mes raisons, vous les avez trouvées très-bonnes,
& si vous passez pardessus les obstacles qu’elles
vous opposent, c’est que vous avez espéré de me séduire
par un de ces charmes, que l’amour prodigue à l’amant
qui sçait nous faire pitié. Voilà vos sentimens, vos
pensées, votre espérance ; jugez si je puis vous
pardonner de me les avoir laissé deviner si aisement !
Vous me direz que vous souffrez le martyre, que le
ferment que ma mere fit hier de ne me jamais donner à
vous, vous jette dans un horrible désespoir ; je crois
tout cela ; je le croirais, quand vous ne me le diriez
pas : mais n’avez-vous pas de quoi vous consoler dans la
possession absolue de mon cœur ? Vous faut-il des
plaisirs qui me déshonorent, pour pouvoir trouver des
charmes & des consolations dans un amour que vous
avez rendu si tendre ? Vous ne m’avez
donc aimée que dans l’espoir de ces plaisirs ! Ah,
cruel ! sentez-vous tous les doutes, toutes les
inquiétudes, tous les horribles sentimens auxquels je
pourrois me livrer, si je voulois vous juger à la
rigueur ? Mais cette rigueur m’arracheroit des larmes,
me rendroit malheureuse ; & je veux vous l’épargner
par pitié pour moi-même. Je tâche de vous prêter des
excuses ; méritez qu’elles ne désposent pas un jour
contre vous : si vous en abusiez pour insister, il ne
seroit plus alors en mon pouvoir de vous estimer, &
lorsque mon juste courroux vous auroit rendu capable de
repentir, vous éprouveriez toujours que je ne ferois
plus si libre avec vous, si tendre, si caressante, &
vous auriez perdu les plus doux plaisir de l’amour, sans
pouvoir me reprocher de vous aimer moins, ni d’être trop
sévere. Adieu : je vous laisse à vos réflexions,
convaincue qu’il faut que vous en fassiez
pour trouver innocente la sévérité que je vous montre,
& désespérée que vous m’ayez forcée d’en faire qui
ne soient pas des plaisir pour vous.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Seconde Réponse
Metatextualidad
De la même
au même.
Non, Monsieur, je ne vous
hais point. Vous définissez mal la haine quand vous m’en
supposez pour vous. Je veux bien vous apprendre qu’elle
est encore un amour déguisé, lorsque l’on a aimé à
l’extrême. En la connoissant mieux, vous m’en
soupçonnerez moins ; vous ne croirez plus qu’on puisse
n’avoir que de la colere, & être par conséquent
encore capable de retour pour un homme qui a mérité tant
de mépris. Oui, Monsieur, tant de mépris. Celui que vous
méritez est sans bornes. Vous scavez, en vous-même, que
je n’exagere point. Car, puisque vous vous croyez haï,
après tout l’amour que j’eus pour vous,
sans doute vous supposez que toute votre lâcheté m’est
dévoilée ? Elle l’est toute entiere : vous n’avez pas
fait un pas, vous n’avez pas dit un mot, que je n’en
sois à présent instruite. Eh ! il faut bien que la
conscience vous ait parlé ; car encore une fois, comment
supposeriez-vous que je vous hais ? Comment
croiriez-vous qu’un amant si cher, qu’un nom si doux,
que des Lettres si désirées, me soient devenus si
affreux, si, devenu vous-même équitable, à force de vous
être rendu criminel, vous ne vous reprochiez aujourd’hui
d’avoir mérité les noirs sentimens, quels qu’ils soient,
que vous me supposez pour vous ? Vous êtes donc
démasqué, & de plus, vous sçavez que vous l’êtes ?
Jugez-vous, Monsieur. Quand je vous méprise, quand je ne
vous connois plus, quand j’en fais vanité, croyez-vous
que je m’exagere vos crimes ? croyez-vous que la
vivacité du sang ait part au profond
dedain que m’inspire votre personne. Non, vous ne le
croyez pas ; ou si vous le croyez, vous êtes encore bien
criminel, bien incapable de repentir. Mais je ne le
pense pas ; vous ne m’avez pas perdue sans connoître le
prix de ce que vous perdez ; je vous ai trop aimé pour
ne m’être pas gravée dans votre cœur ; & vous
m’estimez trop à présent, vous m’aimez trop peut être
pour ne pas me regretter beaucoup. Mais il n’est plus
temps de me connoître, ni de me regretter. Votre lettre
m’apprend que vous êtes au désespoir ; je suis vengée,
mais vous n’êtes pas puni, vous ne pouvez jamais l’être
assez. Je suis instruite de tout. Je sçais que vous
n’aviez nul dessein de m’épouser, que vous avez brusqué
ma mere & le Directeur pour mettre un obstacle
éternel entre vous & moi, que vous avez un commerce
réglé avec la Marquise ; que vous n’avez fait à Bibi, ni
assez de menaces pour la subjuguer, ni
assez de promesses pour la séduire. Je sçais tout enfin.
Vous avez concerté mon deshonneur avec un artifice
abominable ; j’en fais remonter le projet jusqu’au
moment où vous m’avez connue ; je ne vous ai inspiré que
d’infames desirs ; ma tendresse, ma bonne foi, mes
caresses, toujours si constantes, malgré mes chagrins,
mes principes toujours si purs, malgré ma foiblesse ;
rien n’a pu vous donner des sentimens, ni des remords.
Si vous m’en montrez aujourd’hui, c’est parce que vous
me perdez ; vous poussez vers moi ces soupirs qu’arrache
toute proie qui s’envole. Ils ne m’honorent ni ne
m’attendrissent ; vous regrettez plus vos plaisirs que
mon cœur, & il est décidé que vous penserez toujours
assez mal, pour m’outrager toujours. Adieu, Monsieur. Je
finis cette lettre déjà trop longue pour moi ; je la
finis sans aucun regret qui puisse m’avilir. Je sens qu’elle va vous accabler, & je ne
trouve dans votre douleur qu’un châtiment trop juste qui
doit à peine me satisfaire. Je vous défends de m’écrire
jamais. Le plus vif repentir ne peut plus me persuader ;
vous vous êtes placé à un point de vue, d’où je ne puis
plus vous considérer que du côté le plus défavorable.
Nivel 2
Nivel 3
Carta/Carta al director
Réponse
Metatextualidad
De Fanni, à
une lettre de son Amant, qu’elle ne m’a point
envoyée.
Vous ne pouvez pas douter de
la tendresse de mes sentimens. Si vous en doutiez, je
croirois que l’amour est un vice de l’ame, dont l’objet
est de corrompre la vertu. Je vous ai donné toutes les
preuves de ce que peut sentir une fille qui a plus
d’ardeur pour le bonheur de son amant, que de respect
pour le préjugé. Mais vous me demandez aujourd’hui
d’enfreindre une loi positive, une loi sacrée ! Je
frémis en voyant votre obstination, & je suis obligée de me demander si vous m’avez aimé
vous-même, en fondant, malgré moi, la profondeur de
l’abîme où vous voulez me plonger. Je n’entrerai dans
aucun détail de mes dangers, parce que je vous estime
encore assez pour croire qu’il n’en faut point pour
justifier mon refus à vos yeux ; un amant ne s’aveugle
pas, quoiqu’il veuille égarer ce qu’il aime ; ainsi vous
sçavez que je ne dois point céder à vos desirs ; vous
sçavez que ma vie & la vôtre même doivent m’être
moins cheres que ma gloire. Cette gloire aide encore à
nous convaincre de la tendresse d’un amant ; car pour
peu qu’on raisonne, on ne doit le croire aimée qu’à
proportion qu’on le sent estimablé. Vous voulez donc
m’enlever ma confiance & mon bonheur, en m’enlevant
l’estime de moi-même ? Comment n’avez-vous pas fait
cette réflexion ? Comment n’avez-vous pas prévu que je
la ferois ? Mais je me trompe ; je vous fais ici une question, & ce n’est qu’un reproche
que vous méritez. Vous avez prévu ma réponse, vous avez
pesé mes raisons, vous les avez trouvées très-bonnes,
& si vous passez pardessus les obstacles qu’elles
vous opposent, c’est que vous avez espéré de me séduire
par un de ces charmes, que l’amour prodigue à l’amant
qui sçait nous faire pitié. Voilà vos sentimens, vos
pensées, votre espérance ; jugez si je puis vous
pardonner de me les avoir laissé deviner si aisement !
Vous me direz que vous souffrez le martyre, que le
ferment que ma mere fit hier de ne me jamais donner à
vous, vous jette dans un horrible désespoir ; je crois
tout cela ; je le croirais, quand vous ne me le diriez
pas : mais n’avez-vous pas de quoi vous consoler dans la
possession absolue de mon cœur ? Vous faut-il des
plaisirs qui me déshonorent, pour pouvoir trouver des
charmes & des consolations dans un amour que vous
avez rendu si tendre ? Vous ne m’avez
donc aimée que dans l’espoir de ces plaisirs ! Ah,
cruel ! sentez-vous tous les doutes, toutes les
inquiétudes, tous les horribles sentimens auxquels je
pourrois me livrer, si je voulois vous juger à la
rigueur ? Mais cette rigueur m’arracheroit des larmes,
me rendroit malheureuse ; & je veux vous l’épargner
par pitié pour moi-même. Je tâche de vous prêter des
excuses ; méritez qu’elles ne désposent pas un jour
contre vous : si vous en abusiez pour insister, il ne
seroit plus alors en mon pouvoir de vous estimer, &
lorsque mon juste courroux vous auroit rendu capable de
repentir, vous éprouveriez toujours que je ne ferois
plus si libre avec vous, si tendre, si caressante, &
vous auriez perdu les plus doux plaisir de l’amour, sans
pouvoir me reprocher de vous aimer moins, ni d’être trop
sévere. Adieu : je vous laisse à vos réflexions,
convaincue qu’il faut que vous en fassiez
pour trouver innocente la sévérité que je vous montre,
& désespérée que vous m’ayez forcée d’en faire qui
ne soient pas des plaisir pour vous. Metatextualidad
De Fanni, à
une lettre de son Amant, qu’elle ne m’a point
envoyée.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Seconde Réponse
Metatextualidad
De la même
au même.
Non, Monsieur, je ne vous
hais point. Vous définissez mal la haine quand vous m’en
supposez pour vous. Je veux bien vous apprendre qu’elle
est encore un amour déguisé, lorsque l’on a aimé à
l’extrême. En la connoissant mieux, vous m’en
soupçonnerez moins ; vous ne croirez plus qu’on puisse
n’avoir que de la colere, & être par conséquent
encore capable de retour pour un homme qui a mérité tant
de mépris. Oui, Monsieur, tant de mépris. Celui que vous
méritez est sans bornes. Vous scavez, en vous-même, que
je n’exagere point. Car, puisque vous vous croyez haï,
après tout l’amour que j’eus pour vous,
sans doute vous supposez que toute votre lâcheté m’est
dévoilée ? Elle l’est toute entiere : vous n’avez pas
fait un pas, vous n’avez pas dit un mot, que je n’en
sois à présent instruite. Eh ! il faut bien que la
conscience vous ait parlé ; car encore une fois, comment
supposeriez-vous que je vous hais ? Comment
croiriez-vous qu’un amant si cher, qu’un nom si doux,
que des Lettres si désirées, me soient devenus si
affreux, si, devenu vous-même équitable, à force de vous
être rendu criminel, vous ne vous reprochiez aujourd’hui
d’avoir mérité les noirs sentimens, quels qu’ils soient,
que vous me supposez pour vous ? Vous êtes donc
démasqué, & de plus, vous sçavez que vous l’êtes ?
Jugez-vous, Monsieur. Quand je vous méprise, quand je ne
vous connois plus, quand j’en fais vanité, croyez-vous
que je m’exagere vos crimes ? croyez-vous que la
vivacité du sang ait part au profond
dedain que m’inspire votre personne. Non, vous ne le
croyez pas ; ou si vous le croyez, vous êtes encore bien
criminel, bien incapable de repentir. Mais je ne le
pense pas ; vous ne m’avez pas perdue sans connoître le
prix de ce que vous perdez ; je vous ai trop aimé pour
ne m’être pas gravée dans votre cœur ; & vous
m’estimez trop à présent, vous m’aimez trop peut être
pour ne pas me regretter beaucoup. Mais il n’est plus
temps de me connoître, ni de me regretter. Votre lettre
m’apprend que vous êtes au désespoir ; je suis vengée,
mais vous n’êtes pas puni, vous ne pouvez jamais l’être
assez. Je suis instruite de tout. Je sçais que vous
n’aviez nul dessein de m’épouser, que vous avez brusqué
ma mere & le Directeur pour mettre un obstacle
éternel entre vous & moi, que vous avez un commerce
réglé avec la Marquise ; que vous n’avez fait à Bibi, ni
assez de menaces pour la subjuguer, ni
assez de promesses pour la séduire. Je sçais tout enfin.
Vous avez concerté mon deshonneur avec un artifice
abominable ; j’en fais remonter le projet jusqu’au
moment où vous m’avez connue ; je ne vous ai inspiré que
d’infames desirs ; ma tendresse, ma bonne foi, mes
caresses, toujours si constantes, malgré mes chagrins,
mes principes toujours si purs, malgré ma foiblesse ;
rien n’a pu vous donner des sentimens, ni des remords.
Si vous m’en montrez aujourd’hui, c’est parce que vous
me perdez ; vous poussez vers moi ces soupirs qu’arrache
toute proie qui s’envole. Ils ne m’honorent ni ne
m’attendrissent ; vous regrettez plus vos plaisirs que
mon cœur, & il est décidé que vous penserez toujours
assez mal, pour m’outrager toujours. Adieu, Monsieur. Je
finis cette lettre déjà trop longue pour moi ; je la
finis sans aucun regret qui puisse m’avilir. Je sens qu’elle va vous accabler, & je ne
trouve dans votre douleur qu’un châtiment trop juste qui
doit à peine me satisfaire. Je vous défends de m’écrire
jamais. Le plus vif repentir ne peut plus me persuader ;
vous vous êtes placé à un point de vue, d’où je ne puis
plus vous considérer que du côté le plus défavorable.
Metatextualidad
De la même
au même.