Zitiervorschlag: Justus Van Effen (Hrsg.): "No. 9", in: Le Nouveau Spectateur français, Vol.1\009 (1723-1725), S. 131-146, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1763 [aufgerufen am: ].
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No. 9
Zitat/Motto► Credula res amor est,
Ovide.
La credulité est inséparable de l’amour. ◀Zitat/Motto
Ebene 2► Ebene 3► 1 Metatextualität► C’est maintenant cette Demoiselle qui parle, & qui rend compte de ce qu’il arriva quand elle eut quitté cet Amant qui ne s’étoit pas encore déclaré de vive voix. ◀Metatextualität
Ebene 4► « J’évitai, dit-elle, dans le reste de la jour-[132]née, de me trouver seule avec lui, & je ne sçai pourquoi je l’évitai ; car j’aurois été bien aise que l’occasion de me parler se fût trouvée, malgré moi. Je crus m’apercevoir qu’il m’observoit tendrement, pendant que nous étions en compagnie, & il vit bien que je m’empêchois de l’observer à mon tour.
Le lendemain, j’étois à peine levée, quand j’entendis beaucoup de bruit dans la maison ; je descendis pour sçavoir ce que c’étoit, j’entrai dans la sale où je vis Madame *** entourée de plusieurs amis, entre lesquels étoient ma mere & mon Amant. Elle pleuroit, & tenoit une lettre dans sa main, dont la vuë lui arrachoit des cris. Voyez, Mademoiselle : voyez ce que m’écrit ma fille, me dit-elle, d’aussi loin qu’elle me vit : lisez ce qu’elle est devenuë ; voyez comme elle me traite ; elle est partie ce matin à six heures, pour se rendre aux Carmelites. Je m’étois défiée de son dessein ; mais je n’y songeois plus : elle me donne un coup de poignard, elle sera contente, & j’en mourrai.
Je pris la lettre, & je la lus, les larmes aux yeux, presque troublée, & même, autant qu’il m’en souvient, saisie de frayeur, en comparant l’état que mon amie embrassoit, à celui dans lequel je restoirs : il me sembloit qu’elle [133] me remettoit sa condition ; qu’elle en choisissoit une meilleure, & qu’elle me laissoit la pire. Il me passa mille triste idées dans l’imagination ; j’eus des présentimens de malheur ; il me prit une envie secrette de suivre mon amie ; en la pleurant, je me pleurois moi-même ; j’enviois son sort, & je craignois le mien.
Au milieu de ces mouvemens inquiets, je jettai la vûë sur mon Amant, qui de son côté, me lança un regard si tendre, si supliant, que je lui répondis par un soûpir que rien ne gêna, de la naïveté duquel je le vis rougir lui-même, & dont je ne connu l’indiscretion que sur son visage.
Je me retirai alors, sous prétexte de chagrin, & j’entrois dans le Jardin, quand tout d’un coup je me sentis embrasser les genoux. C’étoit lui, & ce fut-là sa prémière déclaration d’amour. Juste Ciel ! que je ne me dit-il pas ? quel fonds d’inclination ne se developpa-t’il pas pour lui dans mon cœur ? mes larmes coulèrent avec abondance ; ainsi, mon amour a commencé par des pleurs, & il finit de même. Je lui avoüai mon penchant, je l’en vis pénétré de plaisir & de reconnoissance : j’abrege, je serois trop longue.
Nous revînmes à Paris, & quelque tems après, il songeoit à me faire deman-[134]der à mon pere quand le sien mourut.
Cette mort changea la face de ses affaires, il lui survint un procès, qui intéressoit la plus grande partie de son bien ; il remit donc sa demande, contre mon sentiment. Si votre pere me refuse, que ferez-vous, me dit-il ? je n’épouserai personne, lui repondis-je, j’irai vivre avec mon amie, soyés en sûr.
Cependant, son procès dura longtems ; il tourna mal ; il fut sur le point de le perdre ; je l’en vis au désespoir, la promesse que je lui faisois de n’être jamais qu’à lui, ou de n’être à personne, ne le satisfaisoit plus. Je vais être ruiné, disoit-il. Votre pere me refusera ; vous irez dans un couvent, c’est toujours vous perdre, & je veux mourir. Mes pleurs, & les assûrances de mon amour toujours nouvelles, & toujours vives, le calmoient quelquefois ; ses chagrins le reprenoient ensuite. Je souffrois de le voir si affligé ; ses inquiétudes altéroient sa santé, il tomba malade ; il guérit de sa maladie, & non de sa tristesse. Ah ! s’il étoit mort, je serois peut-être moins à plaindre.
Ne croyez-pas, me dit-il un jour, que je puisse durer davantage avec la crainte de n’être pas á vous. M’aimez-vous ? m’estimez-vous ? voulez-vous que je vive ? devenez mon Epouse ; il [135] ne nous reste que ce moyen pour faire cesser l’obstacle que met à notre mariage le peu de bien qui me va rester après la perte de mon procès. Juste Ciel ! où vous emportez-vous, lui dis-je ? y songez-vous ? ah ! s’écria-t’il, sans me donner le tems d’en dire davantage. Un homme dont vous vous défiez, n’est plus digne de vous : ses sanglots l’interrompirent ; il me fit pitié. Malheur à qui se trouve dans de pareils momens ! Il me vit touchée. Helas ! il m’a bien punie d’en avoir crû ses sermens ; voila tout & vous sçavez, Monsieur, ce que je vous demande. » ◀Ebene 4
Metatextualität► Voici maintenant la lettre que cette Demoiselle adresse à son Amant. ◀Metatextualität
Ebene 4► Brief/Leserbrief► Metatextualität► Ne pouvant vous parler, ni faire passer de lettre jusqu’à vous, puisque je ne sçais où vous êtes, je vous adresse ce billet-ci dans une des Feuilles du Spectateur que vous lisez peut-être. ◀Metatextualität
Allgemeine Erzählung► « Je suis cette malheureuse qui vous fut si chere, à qui vous le fûtes tant vous-même, à qui vous l’êtes, encore, toute deshonorée qu’elle est par vous. Je suis cette déplorable fille sans réputation, sans honneur aux veux de tout le monde ; & dans cet état pourtant, plus respectable pour vous, qu’avant ma honte, & ma misere, dont vous êtes l’Auteur. Je suis celle avec qui il vous falut feindre d’être si estimable, pour pouvoir ensuite être si perfide ; [136] celle, qui pour vous convaincre qu’elle vous croyoit honnête homme, vous mit, comme vous le vouliez, en état de manquer d’honneur ; & celle qui s’est vûë trompée, en vous convainquant qu’elle ne craignoit pas de l’être ; enfin je suis cette Epouse à qui vous niez la foi que vous lui avez donnée, parce qu’elle n’en a que le Ciel pour témoin, parce que vous pouvez la nier devant les hommes, parce qu’elle n’est pas revêtuë de formalitez qui ne la rendroient ni plus sainte, ni plus légitime, & dont le défaut tourne plus à la honte du misérable qui s’en prévaut qu’à la confusion de l’infortunée qui les a négligées dans sa tendresse. Quoi ! des formalitez, qui ne sont necessaires, disiez-vous, qu’avec des scélérats dont il faut prévoir la noirceur, & gêner la perfidie ; qui étonnent par leurs sermens, & qui les font terribles, pour rendre le parjure incroyable ! & je péris pourtant, pour n’avoir pas pris avec vous les précautions qu’il faut prendre avec les scélérats. Quelle affreuse avanture que la mienne ! Je croyois honorer la probité, & je n’ai satisfait qu’un traitre. Cette injure m’est échappée ; elle m’accable ; vous méritez bien que je vous la fasse. Mais méritois-je moi la douleur que je sens à vous la fai-[137]re ? Mon amour dévoit-il devenir ce qu’il est aujourd’hui ? Je me vois dans l’infamie ; c’est vous qui m’y jettez : vous me faites horreur, & je vous aime avec ce mélange affreux de sentimens. Ne vous fais-je pas un peu de pitié ? non ! la punition des plus grands crimes n’est point comparable aux maux que je souffre ; mais je n’en puis plus ; je finis ; vous sçavëz l’état où je suis. Quand je vous eus perduë de vûe, pénétrée ce douleur, je vous écrivis une lettre que mon pere surprit sur ma table, & qui l’instruisit de la situation où je me trouvois. Quelques amis qui se trouvèrent au logis, mes sauvèrent de sa fureur qui éclata ; & je sortis dans ce moment même, sans sçavoir où j’allois, Deux heures après, fatiguée d’avoir marché ; accablée de langueur ; atendrie sur moi-même, j’entrai chez une femme que je touchai par le recit que je lui fis de mon malheur ; elle me garde encore chez elle. Elle n’est pas riche, mais elle est charitable ; je n’y serai pas longtems ; je suis mourante, & il n’y a pas d’apparence que j’arrive à mon terme, si je vis assez pour mettre au jour un enfant qui n’a que le Ciel pour garant de ce que vous lui devez à lui & à sa mere. S’il me survit lui même, vangez-moi par le soin que vous [138] en aurez, de l’état où vous m’aurez laissé mourir, & que son éducation soit le fruit de vos remords. Voila tout ce que je vous demande ; daignez me marquer que vous me l’accordez, par un billet que vous rendrez à une femme qui vous connôit, & qui ira vous parler le 25. de ce mois aux Carmes du Luxembourg, à 9. heures du matin : adieu. » ◀Allgemeine Erzählung ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 4 ◀Ebene 3
Metatextualität► 2 On a eu la bonté de répondre en mon nom à la lettre de l’ami d’une jeune Veuve. J’ai inseré cette lettre dans ma septième feuille, & je donne la réponse aujourd’hui ; mais sans l’adopter entièrement, & en me réservant la liberté de répondre moi-même conformément à des idées, qui peut-être ne seront pas tant du goût du public, que celles de mon correspondant inconnu. N’importe ; je ne suis pas d’humeur à souscrire aux opinions d’autrui. quand elles devroient faire faire fortune à mon ouvrage ; voici la réponce en question. ◀Metatextualität
Ebene 3► Brief/Leserbrief► « Faites vous connoître, Monsieur, &, lors qu’on voudra rendre quelques secrets publics, on vous choisira pour confident. Vôtre aimable Veuve est une indiscrette, & dément le Caractère que vous lui donnez, si c’est de con-[139]cert avec elle que vous m’avez écrit. Et comment vous laver vous-même de perfidie de l’avoir fait connoitre au point que sa passion ne peut plus être ignorée, non seulement de la personne qui la cause, mais même de toutes les personnes qui la fréquentent. Il ne peut arriver de vôtre Indiscretion que l’une de ces deux choses, ou le cavalier quelle aime changera de conduite avec elle, ou il n’en changera point. S’il en change, comment s’assurera-t’elle quelle doit plutôt ce changement à l’aveu de sa tendresse qu’à sa naissance & à ses richesses ; & ne pourra-t-elle pas alors se faire le reproche secrèt quelle a acheté un Epoux ? Bien plus ne pourra-t-on pas lui en faire un reproche public, auquel vous avez donné lieu ? Que s’il ne change point de conduite & que son indifférence continuë, vous avez en quelque sorte prostitué en vain vôtre amie ; & s’il cesse de la voir, ce sera une marque, qu’il la haït, ou la méprise. Elle preféreroit, dites vous, la mort au malheur de s’attirer son mépris. En ce cas là vous serez donc son assassin, & le tout apparemment pour vous faire honneur auprès dé moi de la confidence d’une aimable femme. Voulez-vous, Monsieur, que je vous parle avec franchise, vous avez donné un très méchant conseil à vôtre amie, d’instruire son amant de son bon- [140] heur par une Lettre où régnassent en même-tems l’amour, la sincérité & la sagesse. Et vous avez pris un parti encore infiniment plus mauvais, de vous adresser pour demander conseil, à moi dont le commerce ne sauroit être secrèt, qu’il ne détruise mes vuës & mon intérêt. De sorte que conseils, & démarches de vôtre part, tout tend au même but, qui est de faire connoître vôtre tendre veuve, plus que la bienséance & la modestie ne le permettent.
Vous me répondrez peut-être ce que vous m’avez déja dit : faut-il qu’au dépens de tout son bonheur on s’asservisse à certaines bienséances que les Chimeres humaines ont introduites ? Non, vous dirai-je. Mais n’y a-t’il point d’autre voye que celle d’écrire, & vôtre jeune veuve ne pourroit-elle pas changer de conduite avec son amant, sans que cela tirât autant á conséquence qu’une Lettre ? Vous dites qu’elle le distingue très-désavantageusement, qu’elle est plus froide avec lui qu’avec tout autre ; quelle lui adresse rarement la parole ; qu’il n’est presque jamais l’objet de ses regards. Sa tendresse la rend timide, ajoutez vous, elle craint de se trahir par ses yeux & par ses discours, & vous lui conseillez de se trahir d’une manière plus authentique par une Lettre. En verité vous étes inconcevables. Ne vaudroit-il pas mieux qu’elle traitat cet amant qui ne se [141] déclare point, comme elle traite ceux qui se sont déclarez ? Qu’elle lui adressât la parolle, quelle le regardât, quelle fut moins froide avec lui. Jusques lá personne n’a doit d’y trouver à redire, & peut-être que cette conduite faisant perdre, à cet honnête homme trop timide, l’opinion où il est d’être méprisé á cause de son peu de fortune, ses yeux parleroient, sa langue se délieroit, ce qui déchargeroit la veuve d’une contrainte qui ne fait qu’augmenter inutilement sa passion. Cela ne réussissant pas à chasser cette opiniâtre timidité, la veuve, fans se deshonnorer, ne pourroit-elle pas lui témoigner quelques petites préférences equivoques, le railler obligeament sur une constance qui tient bon contre la mort d’une maitresse ; lui faire quelque confidence de bagatelles, en un mot lui témoigner assez d’estime pour entrer dans ses peines ? Comptez, Monsieur, que si tout cela ne réussit point, il y a plus que de la timidité ; & vôtre amie pourra se le tenir pour dit, sans avoir la mortification de l’apprendre d’une manière plus désobligeante. D’ailleurs par-là elle conservera toûjours à son amour propre la ressource de pouvoir se flatter qu’elle auroit été entenduë, si elle avoit voulu s’exprimer plus clairement, & on sait qu’une semblable ressource n’est pas une petite consolation en pareil cas. C’est là, [142] Monsieur, une partie de ce que ma suggéré à la hâte le respect que je crois qu’on doit avoir pour l’honneur des Dames, & tout ce que le tems me permet de vous marquer, n’ayant que celui d’ajouter que je suis avec toute la sincérité dont je fais profession. »
Monsieur &c. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3
Metatextualität► Pour remplir ce qui manque à cette feüïlle, Voici le Commencement d’un Cahier intitulé, Continuation de mon journal, écrit par un Espagnol, & que le Spectateur de Paris a découvert par hazard, & dont il fait part de la Traduction au public. ◀Metatextualität
Du Lundy septième Février, à Paris :troisième jour de mon arrivée.
Allgemeine Erzählung► Ce matin j’ai ouvert ma fenêtre entre onze heures & midi. A l’instant où je l’ouvrois, il est venu un grand coup de vent. J’allois me retirer, car la place ne me paroissoit pas tenable. Et voiez ce que c’est, j’aurois perdu une leçon de morale. Ce vent m’a fait faire une découverte, il m’a apris qu’il mettoit beaucoup d’hommes dans une situation que j’avois toûjours crû indifférente, & qui cependant les rend à plaindre. Que de peines [143] dans la vie. Helas ! je n’ignorois pas que le vent causoit bien des malheurs, qu’il abattoit des maisons, déracinoit des arbres, qu’il couchoit les bleds à terre, sans parler des ravages qu’il fait sur mer. Je ne mets point en ligne de compte la poussière dont il aveugle, les chapeaux qu’il enleve de dessus la tête, & voilà tous les tristes effets que je lui connoissois. Point du tout ; avec cela, il peut encore affliger les hommes personnellement. Il chagrine leur amour propre. Voici comment. Fremdportrait► Comme j’allois fermer ma fenêtre, j’ai vû passer trois ou quatre jeunes gens dont les cheveux étoient frizez, poudrez, accomodez avec un art dont il n’y a que le François qui soit capable. Vous auriez dit que c’étoit l’amour même qui avoit mis la main à ces cheveux-là. L’air ne paroissoit d’abord agité d’aucun zephir ; & sur la foi de ce calme perfide, ces pauvres jeunes-gens marchoient lestes : ils jouissoient en pleine securité de la beauté de leur chevelure, & de la poudre qui l’ornoit : mais qu’en ce monde nos plaisirs sont de courte durée. Ces jeuens gens étoient contens, Crac, une persecution survient, les voila dans l’embarras, le vent souffle & les prend à l’oreille gauche : Eh vite, ils se baissent, ils se tournent, ils apellent cent differentes postures au secours de ce malheureux côté que le vent insulte. Quel état douloureux : il me touchoit : J’étois [144] faché de m’être mis à la fenêtre. Je combattois contre le vent avec eux, mais il triomphoit : tout alloit en désarroi dans le côté qu’il attaquoit. Bien-tôt il attaque de front, ensuite il fait le cercle autour de la tête ; la voila martyrisée, Tout est perdu. Oh pour lors, ces jeunes gens se sont mis à disputer si péniblement le peu de poudre & d’arrangement qui leur restoit, que je n’ai pû y tenir d’avantage. ◀Fremdportrait J’ai repoussé la fenêtre, & me suis assis, le cœur tout serré de l’affliction où je les laissois.
Mon Hôtesse est entrée un moment auprès, & je n’ai pû m’empêcher de lui demander pourquoi ceux que je venois de voir avoient tant souffert. Ebene 5► Dialog► C’est, m’a-t-elle repondu, que ces Messieurs sont galants : qu’ils voient des femmes, & qu’un homme dépoudré n’a plus bonne mine. Comment, ai-je dit, ces Messieurs ne plairont d’aujourd’hui, d’aujourd’hui ils ne seront aimables, ils ne diront rien de joli ? Ah vent cruel ! mais aussi de quoi se sont avisées les Dames d’ici, de régler leur bienveillance sur le plus ou le moins de poudre qu’un honnête homme peut sauver de la fureur du vent ? Que diantre sur ce pied-là, que n’a-t-on imaginé des machines où l’on puisse enfermer son chef. N’eut-on qu’une cour à traverser, n’en est-ce pas assez pour devenir inhabile à plaire ? Qui pourra se flatter de porter sa tête avec tous ses agrémens chez une femme ? ◀Dialog ◀Ebene 5
Mon Hôtesse est sortie en riant de mes [145] discours : Allgemeine Erzählung► ensuite deux de mes amis sont venus pour m’emmener dîner chez une Dame Françoise ; mais quoi-que nous dûssions monter en Carosse, j’ai songé que le vent continuoit, qu’il ne falloit qu’un malheur pour me voir abandonné de ma poudre ; & comme on venoit de m’en dire les consequences, je n’ay point voulu risquer d’arriver chez des Dames, plus laid que je ne suis naturellement. J’ai remercié mes amis, ils sont sortis, & j’ai gardé la chambre toute la journée, sans oser me remettre à la fenêtre, de peur de voir encore quelqu’ame en peine pour la disgrace que je venois de plaindre. ◀Allgemeine Erzählung
Allgemeine Erzählung► Il est cinq heures du soir, je quitte un Livre que j’ai trouvé ici sur des Tablettes, & qui ne contient que des sermons ; J’en viens de lire un qui combat l’Orgüeil. Ma foi, il faut que la vertu contraire soit d’une pratique bien difficile. Imaginez-vous que c’est la vanité de bien dire, qui a aidé au Prédicateur à prouver qu’il falloit avoir le coeur humble, aussi le sermon est-il fort beau. Il est vrai qu’en le lisant, je n’ai pas été un moment tenté de la vertu qu’on y prêche : mais en revanche je l’ai trouvée très élegamment prêchée. Ajustez cela comme vous pourrez ; je vous rends compte de mes impressions, & si celui qui a fait le Sermon les sçavoit, je suis persuadé qu’il seroit content de moi : Je l’admire, il se passera bien que je me convertisse. A vous parler franchement, je ne suis pas étonné du peu d’effet des prédications : la plûpart ne font que des pieces d’éloquence, où le Prédicateur nous exhorte bien moins à devenir Penitens, qu’à le trouver habile.
Allgemeine Erzählung► Je me souviens qu’un jour j’étois dans une petite Eglise où prêchoit un bon Religieux, on ne l’estimoit pas beaucoup, car il n’avoit que du [146] zele. Ce bon homme monta en chaire, il prêcha, & je me rappelle à cette heure qu’il prêcha mal, je veux dire qu’il n’étoit pas habile homme.
Cependant je l’écoutai, je ne pus m’en empêcher, il gagna mon attention, sans que je m’en aperçûsse. Je ne songeai pas seulement s’il y avoit de l’esprit au monde, le mien se familiarisa je ne sçai comment avec la simplicité du sien ; moi qui n’étois pas dévot, je m’intéressois à tout ce qu’il disoit, cela me regardoit, il traitoit de mes affaires, il parloit comme un homme qui vous apporte la verité, comme un homme qui la croit, & qui sans y emploier d’art inutile, n’a d’autre secret pour vous persuader de ce qu’il dit, que d’en être persuadé lui-même. Vous ne sçauriez croire combien ce ton-là est insinuant, cela ressemble aux entretiens interieurs que nous avons avec nous-mêmes, quand nous réfléchissons sur quelque chose qui nous importe. Vous sentez bien que nous n’y cherchons pas de façon, & que nous ne voulons alors ni briller, ni nous trouver de l’esprit : Nous voulons simplement voir, connoître & nous déterminer. Eh bien ! ce que disoit ce bon Religieux étoit de ce genre-là, cela imitoit tout naturellement nôtre façon de penser alors. Enfin il pensa me convertir, mais je n’achevai pas de l’entendre, car une personne de ma connoissance m’emmena. ◀Allgemeine Erzählung
Metatextualität► On frappe à ma porte ; c’est une visite qui me vient : Quand elle sera finie, je vous dirai ce que c’est. ◀Metatextualität ◀Allgemeine Erzählung ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 4 ◀Ebene 3 ◀Ebene 2
NB. Jean Neaulme avertit qu’il ne recevra ni ne fera aucun usage des Lettres ; qu’on ne lui en affranchisse le port. ◀Ebene 1
