Dedocet uti
Vocibus;Hor.
L. II. Ode II.
20.
La Vertu aprend au Peuple à parler
juste.
Le I. de ces Memoires est de Mademoiselle
Jeanne
de
Fourbin, qui n’est point mariée. Elle y
represente, en toute humilité, ce qui suit :
Qu’elle sent bien qu’une Personne vaine est la plus insuportable Créature qu’il y puisse avoir dans une Société de Gens pôlis & bien élevez ;
Qu’avant qu’elle paroisse de nouveau en public, elle voudroit bien être assûrée qu’on ne lui feroit pas plus la Cour qu’à toute autre de la Compagnie, quoi qu’on pût lui trouver quelque beauté ;
Qu’une Personne qui entreprenoit d’en louer une autre lui sembloit de se donner par-là une espèce de superiorité ;
Qu’enfin elle s’étoit mise dans l’Infirmerie, pour éviter un certain Gentilhomme qui s’étoit déclaré son Admirateur ;
Qu’ainsi elle suplioit très-humblement la Compagnie de vouloir
déclarer que tout Eloge hors de saison seroit tenu pour une Injure,
& puni avec la même rigueur que la Médisance, puis que celle-ci
ne faisoit que taxer les Gens d’être vicieux, au lieu que l’autre
les rendoit tels.
Malgré la délicatesse & la bonne foi qui paroissent dans ce
Mémoire, on m’écrit que les allégations en furent trouvées sans
fondement, que la prétendue aversion de cette Demoiselle pour les
Eloges fut regardée comme une véritable ruse afin de se les mieux
attirer, & que c’est à cause
Le II. est de Madame Lydie
de
St. Leger, qui
represente à tous les Membres de la Compagnie,
Qu’elle ne se trouve ni bien ni mal,
Que son Mari est un vrai Païsan ;
Qu’elle ne sauroit voir Compagnie ;
Qu’elle souhaite une place dans l’Infirmerie, pendant son séjour à la Camapagne ;
Qu’il plaise aux vénérables Membres de se divertir & badiner avec leur égaux ;
Que Mr. de St. Leger
peut rester avec eux, s’il le trouve bon.
Il fut aussitôt conclu que la Dame Lydie étoit
encore à Londres.
Le III. est de Mr. Thomas
Subtil, Ecuïer & Membre de la Société
des Avocats du Temple interieur : Il y
represente fort humblement,
Qu’il parle fort haut en Compagnie ;
Qu’il a un penchant insurmontable à croire que tout doit être sujet à la Dispute ;
Qu’il resta le dernier dans la Sale d’Westminsther, lors que le Toit en fut ébranlé, parce qu’il
y avoit des Gens qui soutenoient qu’il alloit s’abatre :
Qu’il lui est impossible de convenir jamais de quoi que ce soit ;
Qu’il s’est logé dans l’Infirmerie pour s’oublier lui-même ;
Qu’aussitôt qu’il en sera venu à bout, il se rendra auprès des
membres de la Société.
On jugea là-dessus que son Indisposition le devoit sequestrer de la Compagnie.
Le IV. Memoire est de Mr. François
Jolly, qui avoüe de bonne foi,
Qu’il a dessein de se préparer, par l’abstinence & une bonne diète, à devenir un de leurs Membres ;
Qu’il entre aujourd’hui dans une Assemblée comme un Messager qui vient d’arriver, & qui porte de grandes nouvelles ;
Qu’il a pris un Apartement avec une Anti-Chambre natée, pour s’y exercer à marcher & à se mouvoir sans que personne l’entende ;
Qu’il fait la reverence, parle, boit, mange, & se sert à table devant un Miroir, pour s’accoutumer à prendre un air modeste & retenu ;
Qu’il tâche d’oublier l’Interjection Fi, Fi ;
Qu’il met tout en œuvre pour n’avoir plus besoin de sa Cane ;
Qu’il n’en sera pas plûtôt sevré, qu’il ira voir la Compagnie, &c.
Le V. Mémoire est de Mr. Jean
Purgon, Ecuïer, qui s’y énonce en ces
termes ;
Qu’il n’a besoin d’autre chose au monde que d’avoir de quoi parler ; & que cet unique défaut lui a causé cette malheureuse indisposition ;
Que, de son propre aveu, il n’est bon qu’à rester dans l’Infirmerie, & cet unique défaut lui a causé cette malheureuse indisposition
Que, de son propre aveu, il n’est bon qu’à rester dans l’Infirmerie, & que c’est pour cela même qu’il n’avoit pas atendu qu’on l’y condamnât ;
Qu’il n’y a rien de plus indécent qu’une plainte de cette nature en bonne Compagnie, puis qu’on le croie malade ou non, & que le Plaintif ne peut faire qu’une triste figure, soit qu’on le plaigne ou qu’on se moque de lui.
Qu’il vous plaise enfin lui donner du &c.
On excusa d’abord ce Valetudinaire. D’un autre côté, les Associez résolus, non seulement de jouïr en paix de cette agréable Saison de l’Année, mais aussi de se former des habitudes qui leur puissent être utiles dans la suite, se rendent quelquefois incapables d’observer leurs Régles, pour se donner de l’exercice, & n’avoir parmi eux ni Bourru, ni Homme vain, ni Impertinent, ni Fat qui vienne trembler leur Bonheur. Les grands Calamitez sont si rares, qu’elle n’interrompent guéres la bonne Compagnie ; mais l’indulgence qu’on a pour certaines Fantaisies musquées nous enleve la moitié de notre tems, & nous cause des maux réels.
Entre les divers Reglemens de cette Societé on
y a pris un soin tout extraordinaire pour en bannir les Familiaritez
desagréables. Il est défendu à toute Personne de paroitre en
deshabillé dans les Chambres communes, & de se glisser tout d’un
coup dans l’Apartement d’un autre, sans l’en avoir fait avertir.
Jusques-ici tout le monde en a si bien usé, qu’en dix jours de tems,
on n’a condamné qu’un seul Homme à l’Infirmerie, & cela pour
avoir jetté ses Cartes en jouant à Whisk. Il
s’apelle Geofroi de Bouillon, & il a présenté une Re-
Il la prie très-humblement de vouloir considerer que dans le Jeu il y a divers motifs qui peuvent irriter l’Homme le plus flegmatique ;
Que le desir du Gain & celui de la Victoire sont tous deux croisez par la Perte ;
Que toutes les Societez du Monde ont de l’indulgence dans ce Cas pour l’Infirmité humaine ;
Il demande ainsi, en toute humilité, qu’il lui soit permis de
rejoindre la Compagnie, dans l’esperance qu’à l’avenir, il
soutiendra mieux la bonne & la mauvaise fortune, ou que du
moins, s’il gagne, il n’aura que de la gaité, & s’il perd, qu’il
n’ira pas au-delà du sérieux. »
T.