Le Spectateur ou le Socrate moderne: XXXVI. Discours
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Nivel 1
XXXVI. Discours
Cita/Lema
Segnius irritant animos
demissa per aurem,
Quàm quæ sunt oculis subjecta fidelibus, &quae
Ipse sibi tradit spectator.
Hor. A. P. V. 180.
Ce qui frape l’oreille fait moins d’impressions sur les esprits, que ce qui frape les yeux ; & que ce que le spectateur se represente ensuite à lui-même.
Quàm quæ sunt oculis subjecta fidelibus, &quae
Ipse sibi tradit spectator.
Hor. A. P. V. 180.
Ce qui frape l’oreille fait moins d’impressions sur les esprits, que ce qui frape les yeux ; & que ce que le spectateur se represente ensuite à lui-même.
Nivel 2
Metatextualidad
Si je publiois tous les
Avertissemens, sur divers Sujets, qui me viennent de
différentes Personnes, aussi distinguées par leur Qualité
que par les circonstances où elles se trouvent, leur seule
publication, sans les accompagner d’aucune Remarque sufiroit
pour exciter toutes les Passions dont l’Esprit Humain est
capable. Les deux ou trois Lettres Suivantes serviront de
Preuve. Il semble que les Personnes, de qui je les ai
reçuës, hors d’état de pouvoir recourir à l’autorité des
Loix, les ont plûtôt écrites pour se décharger le cœur, que
dans l’esperance d’obtenir justice ou quelque consolation.
Metatextualidad
Lettre
d’une jeune Femme, dont l’Honneur est attaqué par sa
mere & un ami de son Epoux.
Metatextualidad
Lettre
d’une jeune Femme, dont l’Honneur est attaqué par sa
mere & un ami de son Epoux.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Mr. le Spectateur, « Je suis
une jeune Femme, avec quelque beauté & de la
naissance, mariée à un Gentilhomme qui m’adore ; mais
j’ai le malheur d’être l’Objet de la passion criminelle
d’un Seigneur intime de mon Epoux. Cette grande
Familiarité lui donne un accès libre auprès de moi,
& de fréquentes occasions de m’entretenir en
particulier. Mon cœur est dans une agonie extrême, &
la Honte me couvre le visage, lors que je me vois
réduite à vous anoncer que ma mere, la plus intéressé de
toutes les Femmes & gagnée par ce faux Ami, me
sollicite en sa faveur. Mon honête & crédule Epoux
me gronde souvent, de ce que je marque de l’impatience à
la vûë de son Ami ; & je ne suis jamais seule avec
ma Mere, qu’elle ne m’étourdisse de Contes sur les plus
distinguées de la Ville, dont telle & telle sont
aussi coupables que je pourrois l’être moi-même en
suivant son avis. Elle rit de ma surprise, & cherche
à m’insinuer que, malgré sa reputation de Femme
vertueuse, je ne suis pas la Fille de son Mari. Il
seroit bien à souhaiter que la publication de cette
Lettre me délivrât de la cruelle importunité de ma Mere,
& de la perfide galanterie de l’Ami de mon Epoux.
J’aime sincerement la Vertu, & je suis resolue à
conserver mon innocence. Pour prévenir les
suites funestes d’une pareille découverte, &
empêcher que mon Mari ne ressente l’afront que son Ami
lui fait, ou que ma Mere ne soit exposée a l’infamie, je
ne voi pas d’autre moïen que celui d’abandonner le Païs.
Les Personnes interessées verront bientôt que ces
circonstances les regardent ; & quoi qu’elles ne
soient plus sensibles aux principes de l’Honeur, je me
flate que la lecture de cette Lettre pourra leur causer
de la honte & les ramener ainsi à leur devoir. Je
vous prie donc, mon cher Monsieur, si vous avez quelque
compassion pour la Vertu offensée, de vouloir inserer
ces Lignes dans quelcune de vos Feuilles volantes &
vous obligerez infniment &c. » Sylvie.
Metatextualidad
Lettre d’un Epoux
amoureux d’une autre Femme jusqu’à la fureur.
Metatextualidad
Lettre d’un Epoux
amoureux d’une autre Femme jusqu’à la fureur.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Mr. le Spectateur, « J’ai en
partage une Femme de mérite ; mais je suis devenu
amoureux d’une Demoiselle de sa connoissance, qui doit
se marier avec un Gentilhomme qui n’est pas indigne de
la posseder. J’ai le bien de cette Demoiselle en dépôt ;
ce qui fait que mon consentement est requis en quelque
maniere dans cette occasion ; mais je suis au desespoir
lors que je pense au bonheur de cet honnête-Homme, &
j’en ai une si grande envie, que, contre toute sorte de
raisons & d’équité, il n’y a point de
mauvais tour dont je ne m’avise pour retarder les Nôces.
Ce n’est pas que j’aie la moindre esperance : Emilie,
ainsi que j’apellerai cette Demoiselle, est d’une Vertu
la plus rigide ; & son Amant est celui de tous les
Hommes que je choisirois plûtôt pour mon Ami : cependant
la Jalousie, quoi que si mal-placée, me ronge & me
devore, tourmenté et sensible comme un Démon, je maudis
ce que je ne saurois qu’aprouver. Au moins si cet aveu
de ma disposition diabolique étoit la marque de mon
repentir ; mais à l’heure qu’il est j’aimerois mieux
voir la ruïne de ces deux excellentes Personnes que leur
union. Je vous prie, Mr. le Spectateur, de me donner un
Discours sur cette cruelle Envie qui me tourmente, quoi
qu’elle soit si mal-fondée, & de vouloir mettre tout
en œuvre pour exorciser une foule de Gens qui en sont
presque aussi possedez que votre serviteur. » Cannibale.
Metatextualidad
Lettre d’une
Demoiselle outrée de ce que son Amant cherchoit à la
corrompre & non pas à l’épouser.
Metatextualidad
Lettre d’une
Demoiselle outrée de ce que son Amant cherchoit à la
corrompre & non pas à l’épouser.
Nivel 3
Carta/Carta al director
Mr. le Spectateur, « Je n’ai
pas d’autre voie que celle-ci pour rendre mes actions de
graces à un Homme, & marquer mon ressentiment à un
autre. Voici la situation où je me trouve. Il y a cinq
ans passez qu’un Gentilhomme, qui a plus de bien que je
n’en devrois atendre, sur le pié où les choses en font à l’égard de notre Sexe, me fait la
Cour. Vous savez que deux Personnes peuvent vivre d’une
certaine maniere ensemble, que tous leurs Amis &
leurs proches comptent que ce sera un Mariage & que
tout le monde les croit faites l’une pour l’autre.
Cet honnête-Homme & son Epouse font
aujourd’hui mon unique Consolation, & je ne suis pas
plus gênée avec eux que si j’étois seule :
Ainsi j’espere qu’en peu de tems, le mépris & la
haine succederont aux restes de tendresse que je
pourrois avoir pour un Infame & un Vilain. Je suis
&c. » T. Dorinde.
Nivel 4
Relato general
Depuis quelque tems,
on nous a regardez, lui & moi de cet œuil,
& il y a plus de trois années que je l’aime
avec beaucoup de tendresse. Persuadée qu’il est
très-soigneux de sa Fortune, j’avois toûjours cru
qu’il vivoit d’une grande économie pour remplacer
ce qui pouvoit manquer à la mienne, & se
dédommager ainsi de ce qu’une autre auroit pû lui
procurer. Mais je m’aperçus, il y a quelques mois,
qu’il changeoit de conduite à mon égard, qu’il
affectoit de me trouver seule, & qu’il
s’enonçoit en des termes plus passionnez qu’à
l’ordinaire, sous prétexte, qu’il n’étoit plus le
maître de sa Passion, qu’il ne pouvoit plus
resister à mes charmes, & autres belles choses
de cette nature. Malgré la longue fréquentation
qu’il y a eu entre nous, je n’ai pû jamais obtenir
sur moi de lui dire alors qu’il ne dépendoit que
de lui de me posseder. Mais l’autre soir il eut la
franchise & l’impudence de s’expliquer, &
de me déclarer tout-net qu’il ne vouloit de moi
que pour sa Maîtresse. Je répondis à sa
déclaration comme elle le méritoit : sur quoi il
m’ofrit le double de ce qu’il venoit de me
presenter, pour m’engager à me rendre. Sans avoir
même aucun égard à la colere qui m’animoit, il me
dit qu’il étoit fâché d’avoir si mal profité de
ces heureux momens, où nous nous étions trouvez
seuls ensemble, éloignez de tout le monde ; Il est
vrai, ajouta-t-il, que nous le sommes à-present.
Là-dessus je m’enfuïs chez une Dame de mes
Voisines, &, quoi que son Mari fût dans la
Chambre, je me jettai sur un Lit de repos, où je
versai d’abord un torrent de larmes. Aussitôt mon
Amie le pria de se retirer ; mais il ne voulut pas
y consentir par un principe d’Humanité. Il y a,
dit-il, quelque chose de si extraordinaire dans
son état, que je veux prendre part à son
afliction ; &, que ce soit tout ce qui vous
plaira, elle est assez de vos Amies pour être
persuadée qu’elle peut exiger de moi tous les
services dont je suis capable. Il s’assit alors
auprès de moi, & il m’entretint d’une maniere
si fraternelle, que je lui dècouvris tout le sujet
de ma douleur. Il parut si outré du procedé
indigne de mon Amant, il eut tant d’égard à ma
foiblesse, & il m’allégua de si bonnes raisons
pour me détacher de l’amitié que j’avois conçue
pour ce Perfide qui ne pensoit qu’à me corrompre,
que je me flate de le bannir entierement de mon
esprit.