Zitiervorschlag: Anonym (Hrsg.): "XXXI. Discours", in: Le Spectateur ou le Socrate moderne, Vol.1\031 (1716), S. 193-200, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.1112 [aufgerufen am: ].


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XXXI. Discours

Zitat/Motto► Hætibi erunt artes ; pacisque imponere morem ;
Parcere subjectis, & debellare superbos.

Virg. Æneid. L. VI. 854, 855.

C’est-à-dire, Souvenez-vous de suivre toutes ces maximes ; d’établir des Loix qui procurent la Paix ; de faire grace a ceux qui la demandent avec soumission, & d’abattre les mutains & les orgueilleux. ◀Zitat/Motto

Ebene 2► Il y a une infinité d’hommes, qui auroient besoin d’être toûjours occupez à quelque ouvrage méchanique, & dont le [194] plus grand malheur consiste à n’avoir pas appris quelque Métier. Ce sont ceux que nous appellons des Esprits lourds, gens incapables de reflechir, & qui se mêlent de tout ce qu’ils n’entendent pas plutôt parce qu’ils n’ont rien à faire, que par un principe de curiosité. Metatextualität► Je ne saurois vous en donner une idée plus exacte que celle qui se trouve dans une Lettre que j’ai recuë d’Oxford, & qui me vient de la part d’un Homme, qui est Membre d’une Societé composée de gens de cette espèce. La voici mot pour mot. ◀Metatextualität

Ebene 3► Ebene 4► Brief/Leserbrief► Monsieur,

Metatextualität► « Jai <sic> vû, dans quelques-uns de vos derniers Discours, les ébauches que vous y donnez pour former une Histoire des Coteries ; mais il me semble que vous les exposez dans un faux jour, & que vous en parlez d’une maniere un peu trop badine. Après avoir reflechi mûrement là-dessus, je ne doute pas qu’on ne puisse traiter, dans ces petites Assemblées, beaucoup mieux qu’aucune autre part, des Négociations les plus importantes. Je vous entretiendrai donc en peu de mots, pour servir d’Exemple, & pour le bien du Public, que nous avons tous deux en vûë, à ce que je croi, d’un Etablissement de cette nature, que nous avons fait ici. ◀Metatextualität

J’avouë d’abord qu’il n’y a que trop [195] de ces Coteries, donc le but & tout ce qu’on y agite n’est d’aucune consequence pour l’avantage du Public ou la prosperité de la Nation. Aussi je vous les abandonne de bon cœur. Mais il faut en même tems que vous m’accordiez, qu’il n’y a rien de plus utile ni de plus méritoire, que le Plan que nous suivons. Ebene 5► Exemplum► Pour ne pas nous attirer des sobriquets & des coups de langue, nous avons pris le titre d’Assemblée hebdomadaire  Notre Président doit servir, en cette qualités, du moins une année, & quelquefois même quatre ou cinq. Nous sommes tous des Gens graves, serieux, & qui roulons de nobles desseins dans la tête ; nous croions qu’il est de notre devoir d’empêcher, autant qu’il dépend de nous, que l’Etat ne souffre aucun dommage, Ne quid detrimenti res capiat publica ; de censurer les dogmes & les actions, les Personnes ou les choses, que nous n’approuvons pas ; de regler les affaires de la Nation au dedans, & de pousser la Guerre au dehors, par tout où nous le jugeons à propos, & de la maniere qui nous paroît la plus convenable. Si les autres ne sont pas de notre avis, nous ne saurions l’empêcher ; mais il vaudroit mieux qu’ils en fussent. D’ailleurs, nous avons de tems en tems la complaisance de diriger à quelques égards, les petites affaires de notre Université.

Sans mentir, Mr. le Spectateur, [196] nous sommes fort choquez de l’Acte, qui permet l’entrée des Vins de France  Une ou deux Bouteilles d’excellent Vin de Portugal, moileux & corroboratif, que nous bûmes l’autre soir chez l’honnête George, nous mit tous de belle humeur & bannit toute sorte de reserve. Mais ce maudit Vin rouge de France nous coutera plus d’argent, & nous ferra moins de bien : Si nous avions été informez du Projet de cet Acte, avant qu’on l’eût pousse trop loin, soiez assüré, que nous aurions présenté Requête, pour demander qu’on nous admît à y faire nos oppositions. Mais il n’en faut plus parler, puisqu’il n’y a point de remede.

Je vous avertirai en même tems, mon cher Monsieur, que nous ne saurions approuver la marche d’un certain Prince du Nord, de concert avec les Troupes des Infidelles ; que c’est une innovation très dangereuse, quoi qu’en dise Mr. Palmquist, & que nous ne sommes pas encore trop sûrs qu’il n’y ait au fond de tout ceci quelque intrigue secrete de certaines Gens. Du moins, les avis particuliers, que j’ai là-dessus, d’un de mes Amis qui a beaucoup de pénétration, donnent lieu à un Politique, bien versé dans les affaires de cette nature, à le soupçonner.

Nous croions avoir enfin reduit les Mécontens de Hongrie, & en venir bientôt à une Paix avec eux.

[197] Nous n’avons pas déterminé jusques ici entre nous quelles seront les opérations de l’Armée qui doit maintenir la Neutralité du Nord, ni de celle qui est en Flandres, non plus que la manœuvre de deux ou trois Princes ; mais nous attendons avec impatience l’arrivée du Manuscrit de 1 M. Dyer, qui est, afin que vous le sachiez, notre Oracle en fait de Nouvelles, & notre Aristote en Politique. Aussi faut-il bien qu’il y ait un dernier ressort, & un Juge absolu de toutes les Controverses.

Nous apprîmes en dernier lieu que la brave Milice de Londres, avoit fait la patroüille toute la nuit dans les ruës de cette grande Ville. Nous ne pouvions pas à la verité, en concevoir le sujet, nous n’en avions pas eu le moindre soupçon d’avance, & nous n’étions en rien du secret ; il nous paroissoit même absolument impossible que les Bourgeois de cette Ville & leurs Apprentifs travaillassent ou qu’ils fissent aucun devoir les jours de Fête. Mais le Manuscrit de Mr. Dyer étoit si positif là-dessus, & s’accordoit si bien avec les Lettres de quelques autres Personnes, qui disoient tenir la nouvelle de quelques-uns qui l’avoient apprise de ceux qui en pouvoient être informez, que le President du Comité, que nous avions établi pour examiner cette affaire, nous rapporta, qu’il [198] étoit possible qu’il y en eût quelque chose. ◀Exemplum ◀Ebene 5 Metatextualität► J’aurois bien d’autres particularitez à vous communiquer ; mais Dominique & Slyboots, deux de mes bons amis & Voisins, viennent d’arriver dans ma Chambre, où le Caffe nous attend. Je suis, &c. » ◀Metatextualität

Abraham 2 Froth. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 4 ◀Ebene 3

Metatextualität► Vous voiez par cette Lettre que les Gens, dont il s’agit, ne cherchent que la nouveauté, sans se mettre en peine de ce qu’il y a de vrai ou de faux. Ils seroient au desespoir, s’ils en venoient à quelque certitude, parce que leurs recherches discontinueroient alors, & qu’ils ne les font pas tant pour s’instruire, que pour se donner de l’exercice. Je ne sai si ce n’est pas la veritable raison de ce qu’on voit souvent, que de tels Esprits lourds & flogmatiques se rendent à la fin capables de quelque chose. Les affaires, qui leur donnent de l’occupation, les déchargent, pour ainsi dire, de leur pesanteur naturelle : au lieu qu’elles interrompent le bonheur & les plaisirs de ceux qui ont du feu & de la vivacité. Quoique les amusemens des premiers soient fort innocens, il seroit à souhaiter qu’ils n’eussent jamais de loisir, parce qu’ils l’emploient d’ordinaire à des choses qui servent à découvrir leur foible. Vous ne voiez guéres un Homme de cette trempe, s’il a de l’éducation & du loisir, qui ne se tourne [199] du côté de la Politique ou de la Poësie, deux amusemens assez ordinaires pour les Fous les plus distinguez. La premiere occupe tous les Stupides en genéral ; mais lorsque cette stupidité se trouve dans une Personne d’un temperament robuste & vigoureux, elle éclate par les rimes. On pourroit nommer ici quelques Ecrivains militaires, qui servent à divertir le monde, par cela même que la stupidité de leur Genie est animée par l’allégresse de leur courage. C’est ce qui donne de la force au Galimatias, & qui fait bouillonner l’eau du Bourbier, qui sans cela seroit dormante. Le Prince Breton, ce fameux Poëme, qui parut sous le regne de Charles II, & que les beaux Esprits de sa Cour appelloient à juste titre incomparable, devoit sa naissance à un Genie aussi heureux que celui dont nous parlons. Entre plusieurs endroits que j’en pourrois alléguer & qui nous en fourniroient de bonnes preuves, je n’en rapporterai qu’un seul, où le Poëte nous dit, Que le Prince Voltager étoit orné d’une Veste bigarrée, dont son grand-Pere avoit dépouillé un Picte qui alloit tout nud.

Si l’Auteur n’avoir pas été aussi vif que stupide, il n’auroit jamais oublié, malgré l’ardeur & la fougue de son galimatias, que le Prince Voltager, ni son grand-Pere ne pouvoient ôter un Pourpoint à un Homme nud ; mais un autre Fou, d’une constitution plus froide, auroit eu la patience d’écorcher le Picte, & de faire un [200] Buste de sa peau pour en couvrir le Victorieux.

Quoi qu’il en soit, je souhaiterois qu’on conclût de toutes ces remarques, que nous devrions suivre l’exemple de ces sages Nations, où chaque Homme apprend un Métier. Ne seroit-ce pas un fort joli exercice pour un Damoiseau, si au lieu de badiner éternellement avec sa Tabatiere, il emploïoit quelques heures de son loisir à en faire une ? Cette pratique seroit très-avantageuse pour le Public, en ce qu’elle tendroit tous les Hommes bons à quelque chose ; alors il n’y auroit pas un seul Membre de la Societé civile, qui n’eût quelque Espece de droit à y tenir un certain grade ; comme celui qui vint l’autre jour au 3 Caffé de Guillaume, pour avoir fait la devise d’une Bague. ◀Metatextualität

R. ◀Ebene 2 ◀Ebene 1

1Fameux Nouvelliste de Londres

2Ce mot signifie de l’Ecume

3Le rendez-vous des beaux Esprits.