Zitiervorschlag: Anonyme (Claude de Crébillon) (Hrsg.): "N°. 7.", in: La Bigarure, Vol.10\007 (1751), S. 49-60, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.5099 [aufgerufen am: ].


Ebene 1►

N°. 7.

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Un de nos Poëtes Comiques, faisant la description de cette Capitale, & des différentes especes de gens qui l’habitent, lorsqu’il en est à une certaine Classe de mauvais sujets dont elle se passeroit très bien, & qui y sont aujourd’hui en plus grand nombre que jamais, s’écrie :

Ebene 3► Ah ! que Paris abonde en fripons, en Filoux,

En hateurs de pavé, de qui la Metairie,
Le revenu, le fond consiste en industrie,
Et qui n’ont ni rubans, ni galons, ni plumet,
Qu’aux dépens du tribut qu’ils doivent au Gibet !
◀Ebene 3

Metatextualität► Pour peu qu’on ait roulé dans cette grande Ville, on ne reconoit que trop (heureux si on n’en fait pas soi même l’épreuve à ses dépens !) qu’il n’y a rien d’outré dans cette exclamation de notre Poëte. En voici de nouvelles preuves, Monsieur, pour les personnes de votre Société qui voudroient encore en douter ; car pour vous, vous avez trop long-tems séjourné ici pour avoir sur cela le moindre doute. ◀Metatextualität

Allgemeine Erzählung► Il y a quelques semaines qu’un homme, magnifiquement mis, fit arrêter un superbe Carosse, dans le quel il étoit, vis-à-vis la porte d’un ri-[50]che fabriquant de galons d’or & d’argent, de notre rue S. Denis, dont la femme étoit alors dans son Comptoir. Cet homme, étant descendu accosta, galamment la Dame, avec la quelle il causa pendant quelque tems. Il l’entretint de diverses matieres, &, entre autres choses, de certains galons, points d’Espagne, franges, crepines d’or & d’argent, d’un nouveau goût, qu’il vouloit, disoit-il, lui faire faire, tant pour l’habillement de ses gens, que pour l’embellissement de ses meubles. Le resultat, ou le terme de cette conversation, fut, qu’il la pria de vouloir bien lui donner des Louis pour de l’argent.

La bonne mine de ce pretendu Seigneur, l’appas du gain qu’elle esperoit faire sur les marchandises dont il venoit de lui parler, quelques galanteries qu’il lui avoit dites, chose dont on n’est pas chiche envers les femmes dans cette Ville, engagerent celle-ci à lui faire ce plaisir ; de sorte qu’elle lui en changea quelques douzaines. Il l’en remercia très poliment, en la priant encore de vouloir bien lui rendre le même service en d’autres occasions. La Dame fabriquante, charmée de ses politesses, le lui promit. En effet étant revenu, quinze jours après, elle lui fit le même plaisir ; & notre homme redoubla encore ce manége plusieurs fois de suite.

Cependant le Fabriquant, attentif à ses affaires, comme doit l’être tout bon Negociant qui veut y faire honneur, s’aperçut qu’il manquoit à sa caisse une somme assez considerable. Ses premiers soupçons tomberent sur ses Domestiques, puis sur son Commis, ensuite sur ses enfans ; & enfin sur sa femme. Il observa secrettement les uns & les autres, fit des recherches, mit leur fidelité à l’épreuve ; mais il [51] ne put rien découvrir de ce qu’il vouloit sçavoir. Queques <sic> jours après, le changeur revint, à son ordinaire. Le Marchand, qui étoit pour lors à la maison, déja prévenu par ce que sa femme lui avoit dit de ce prétendu Seigneur, & des emplettes qu’il avoit dessein de faire, le reçut avec beaucoup de politesse. La conversation roula, comme la premiere fois, sur les Marchandises de nouveau gôut qu’il vouloit faire faire <sic>, & même qu’il commanda. Elle se termina, à l’ordinaire, par un nouveau change qu’il proposa. Le Frabriquant eut la même complaisance qu’avoit eu sa femme, & fut attrapé de même. Ne s’en étant aperçu que quelques moments après, il ne douta point que ce ne fut un tour du changeur ; mais comme celui-ci étoit déja loin, & qu’il lui auroit été fort inutile de courir après, il prit le parti d’attendre que la fortune le ramenat chez lui, comme il avoit promis d’y revenir.

Si le Filou avoit sçu qu’on s’étoit aperçu de son larcin, il se seroit bien gardé de reparoitre chez le Marchand ; Mais le succès nous aveugle bien souvent ; & comme jusqu’alors ses coups de main avoient été fort heureux, il se flatta qu’ils lui réussiroient encore, & revint à la charge. Le Fabriquant, qui l’attendoit, avoit prévenu quelques uns de ses gens qu’il chargea du soin de l’observer. Ils le firent effectivement, & remarquerent que cet adroit Filou, pendant qu’il amusoit leur Maitre, mettoit la main dans une corbeille pleine de Louis que celui-ci venoit d’apporter pour lui changer son argent, & qu’il avoit même déja commencé à en escamoter quelques uns. Ils ne s’en furent pas plus tôt aperçus, que, sans aucun respect pour sa preten-[52]due qualité, ni pour ses magnifiques habits, ils se jetterent sur lui, & lui saisirent les Louis, qu’il avoit encore dans les mains. Leur Maitre ne doutant plus alors qu’il n’en eût fait autant, à chaque fois que sa femme lui avoit changé son argent contre de l’or, & que c’étoit de là que venoit son mécompte, se joint à ses gens, & veut envoyer chercher la Garde & le Commissaire, pour le mettre entre les mains de la Justice. Alors le Filou, se croyant perdu sans ressource, offrit de rendre tout ce qu’il avoit pris, si on lui permettoit d’aller le chercher chez lui. On n’eut garde d’entendre à cette proposition. Toute la grace qu’on put lui faire, fut qu’il avoueroit son larcin, & qu’il en rendroit sur le champ la valeur, faute de quoi on l’alloit faire conduire en prison, d’où il ne sortiroit que pour être pendu, comme il le méritoit.

Effraye’ de cette menace, le fripon avoua son vol & la valeur. Comme il ne se trouvoit point en argent (car effectivement il n’avoit pas un sol sur lui, comme on s’en convainquit en le fouillant), voyant qu’on persistoit à le vouloir livrer à la Justice, il offrit, en restitution de ce qu’il avoit pris, une magnifique Tabatiere d’or, guillochée, & son épée, qui ne paroissoit guére moins précieuse. A la vue de ces deux piéces, le Marchand, qui sçavoit qu’en le faisant pendre il ne lui reviendroit rien de ce qu’il lui avoit volé, se laissa fléchir aux prieres du Filou. Cependant, comme il se doute, avec raison, que celui-ci ne lui a pas déclaré au-juste la valeur de ce qu’il lui a pris, pour plus de sureté, il joint encore à ces pieces une Montre qu’il lui voit, & qu’il croit d’or. Il y auroit, sans doute, encor joint son habit, qui étoit [53] magnifiquement galonné ; mais l’ayant regardé de près, & s’étant aperçu que les galons étoient faux, il le lui laissa sur le corps, & dit à ses gens de le laisser aller. Notre Filou ne demanda pas son reste, & s’esquiva promptement, en quoi il fit très bien ; Car le Marchand, ayant examiné, après son départ, les piéces qu’il venoit de tirer de ce fripon, il se trouva que la Montre n’étoit qu’une miserable patraque, dont la boëte n’étoit qu’une miserable patraque, dont la boëte n’étoit que de Similor *1 , ainsi que la Tabatiere, & la poignée de l’épée, qu’il lui avoit laissées. Voilà ce qui s’apelle se tirer d’un mauvais pas en vrai Filou. Voici une friponnerie d’un autre genre, & dont le dénouement n’auroit pas été si heureux pour celle qui l’a faite, si elle n’eut pas eu affaire à un si bon Maitre. ◀Allgemeine Erzählung

Metatextualität► Vous connoissez, Monsieur, le Sieur Dupré, célébre Danseur, & Maitre des Ballets de notre Opera, emploi dans le quel il succeda, dans le tems que vous êtiez encore ici, au fameux Blondi. ◀Metatextualität Allgemeine Erzählung► Ce Dupré avoit à son service un Laquais & une Gouvernante. Le Laquais, peu content de sa condition, quitta son Maitre, il y a quelque tems, pour en prendre un autre. La Gouvernante en fit autant, quelques mois après. Un jour que ces deux Domestiques étoient déja partis de chez lui, il prit fantaisie au Sieur Dupré de mettre un certain habit qu’il ne mettoit pas souvent. Il ordonna pour cet effet à son Domestique de le tirer d’une armoire où il serroit tout ce qu’il vouloit conserver. Mais loin de l’y trouver, il étoit disparu, ainsi que plusieurs [54] habits très riches qu’il ne portoit que fort rarement. Le premier soupçon du Vol tomba sur le Laquais, que le Sieur Dupré ne sçut où chercher. Comme il sçavoit où demeuroit son ancienne Gouvernante, il alla la trouver, pour tâcher de le deterrer par son moyen, & en tirer quelque éclaircissement sur le Vol qui lui avoit été fait. Pour l’intimider, & la faire parler, il l’envoya chercher par un Exemt, de sa connoissance, qui l’emmena avec lui.

Les femmes sont naturellement curieuses. La Maitresse de la Gouvernante, voulut sçavoir ce qu’alloit devenir son Domestique, & où elle alloit se rendre avec lui. Pour cet effet elle la suivit des yeux par sa fênetre, & la vit entrer avec lui dans un Cabaret. Là le Sieur Dupré & l’Exemt l’interrogerent sur le Vol qu’on lui avoit fait. La Gouvernante ne balança pas un moment d’en accuser le Laquais, qu’ils allerent chercher sur le champ tous les trois ensemble. Quand ils le virent, ils lui déclinerent le crime dont il étoit accusé, & que celui-ci nia hardiment en le rejettant, à son tour, sur la Gouvernante. On insista long-tems à lui faire rendre les effets volez, ou à lui faire dire, du moins, ce qu’il en avoit fait. Comme il persistoit à nier, on fut contraint de le mettre en prison, ne fut-ce que pour en tirer les éclaircissements qu’on vouloit avoir. Alors ils reconduisirent la Gouvernante chez sa Maitresse qui, piquée de ce qu’on avoit gardé son Domestique pendant presque toute la journée, chanta la game à la Gouvernante & au Sieur Dupré, qu’elle ne connoissoit pas, & qu’elle prit pour quelque racrocheur, & un débaucheur de filles. Il en rit beaucoup ; & ayant décliné son nom à [55] la Dame, celle-ci, qui avoit beaucoup entendu parler de lui, & de ses talents, lui fit des excuses de son incartade, & pardonna à sa Gouvernante.

Cependant la Justice procede contre le pauvre Laquais qui, se trouvant innocent du crime qu’on lui impute, le rejette, à son tour, sur la Gouvernante, qui est arrêtée, & conduite en prison. Le Sieur Dupré, l’ayant appris, court la voir, lui reproche son crime, & lui promet de la sauver encore, si elle veut lui dire ce qu’elle a fait de ses effets. Alors elle lui avoue que c’étoit elle qui les avoit pris, & qu’elle les avoit vendus pour la somme de 1800 liv. qu’elle avoit donnée à un jeune homme qu’elle aimoit. On voulut sçavoir quel étoit ce jeune homme. Elle en nomma successivement une vingtaine ; & lorsqu’on se mettoit en devoir de les aller chercher, elle se retractoit aussitôt. Enfin, sur la menace qu’on lui fit qu’on la mettroit à la question si elle pretendoit se moquer ainsi de la Justice, elle en nomma un, qui est un jeune Marquis d’une très grande famille, peu riche à la verité, mais qui possede des emplois assez considerables. On lui demanda quelles raisons elle pouvoit avoir pour faire des presents à ce Marquis. . . . C’est, repondit-elle, parce qu’il repond pour moi dans les maisons dans les quelles j’entre.

Ne voila-t-il pas, Monsieur, un bel emploi, & qui fait beaucoup d’honneur à la Noblesse ruinée ? Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’on a découvert, à cette occasion, qu’il y avoit bien des pauvres Nobles qui subsistent ici par des moyens encore bien moins honêtes. Quoiqu’il en soit, cette affaire en est demeurée [56] là, grace à la bonté du Sieur Dupré qui aime mieux perdre ses habits, que de faire perdre la vie à un de ses Domestiques, & que de deshonorer une famille illustre dans la personne du jeune Marquis, le quel, si on poursuivoit le procès, pouroit bien s’y trouver aussi compliqué. On garde néanmoins toujours la prisonniere. ◀Allgemeine Erzählung

Metatextualität► Si la fin de l’Avanture que je viens de nous écrire vous paroit singuliere, en voici une troisieme, Monsieur, qui vous paroitra bien plus étrange. Je viens d’en recevoir la relation d’un de mes Amis, qui me l’a mandée de Montpellier, & dont voici la Lettre. ◀Metatextualität

Ebene 3► Allgemeine Erzählung► Je vous ai promis, Monsieur, & très cher Ami, de vous faire part de ce qui pouroit arriver d’extraordinaire dans notre Province, ne fut-ce que pour vous témoigner ma reconnoissance des amitiez & bons offices que j’ai reçus de vous pendant le sejour que j’ai fait dans votre Capitale. Je m’aquitte de ma promesse, en vous faisant part d’un événement qui, je crois, n’a jamais eu d’exemples dans le monde. Le voici.

La fille d’un Cordonnier de Langres, en Bourgogne, ayant eu le malheur de se laiser <sic> seduire par une de ces infames qui font commerce de l’honneur des filles, eut tant de honte de reparoitre dans sa famille qu’elle avoit deshonorée, qu’elle résolut de ne jamais revoir ses parents, mais d’aller, au contraire, cacher son infamie dans quelque Ville éloignée où jamais on n’entendroit parler d’elle. A cette honte se joignit une horreur étrange, & presque inconcevable, non seulement pour les malheureuses qui exerçoient la même profession que celle qui l’avoit perdue, mais encore pour les [57] hommes qu’elle détestoit tous ; haine si forte qu’elle auroit voulu pouvoir exterminer les uns & les autres. Pour executer son projet, & pour satisfaire sa vengeance, elle se travestit en homme, & vint à Lyon où, ayant appris que l’emploi de Bourreau étoit vacant, elle le sollicita, & l’obtint.

Le hazard voulut que, quelques jours après qu’elle eut pris possession de cet emploi, il se presenta une Execution qui quadroit parfaitement avec les dispositions dans les quelles elle étoit. Ce fut celle d’une de ces infames qui prostituent, argent comptant, l’honneur des filles, & quelquefois celui des femmes. Celle-ci avoit été condamnée à être pendue, avec deux Courtisannes, de ses éléves, pour avoir fait enlever & violer la fille d’un Marchand Epicier-Droguiste de Lyon. On ne pouvoit presenter au nouveau Bourreau-femelle d’opération plus agréable à faire ; aussi la fit-elle avec joye, & s’en aquita des mieux. Elle commença par les deux Courtisannes qu’elle expedia avec autant d’adresse, & de sang-froid, que si elle n’eut fait rien autre chose de toute sa vie. A l’égard de leur infame Matrone, la haine qu’elle avoit prise pour ces sortes de femmes qui lui avoient fait perdre son honneur, l’anima à s’en venger sur celle-ci. En effet, comme elle avoit plus de peine à mourir que ses deux éléves, qui venoient de la précéder, après l’avoir laissé souffrir aussi long-tems qu’elle put, voyant enfin que les Spectateurs s’impatientoient & murmuroient contre le nouveau Bourreau, comme s’il n’avoit pas sçu son metier, pour leur faire voir le contraire, elle sauta, & s’assit sur les épaules de cette malheureuse. Alors, lui prenant la tête, qui se trouva par ce moyen entre ses jambes, elle lui tordit le cou à diverses reprises, avec tant de violence, que quand la [58] patiente auroit eu mille vies, elle n’en auroit jamais pu réchaper. Tel fut le debut de cette nouvelle Heroïne la quelle s’aquita de cette opération avec une joye qui fut remarquée des assistants. Elle fut suivie de plusieurs autres ; car, comme vous pouvez le sçavoir d’ailleurs, les Executions sont assez frequentes dans cette grande Ville.

Qui croiroit, Monsieur, qu’un cœur aussi dur, & qui paroit même barbare dans une personne de ce Sexe, auroit pu se laisser surprendre aux traits de l’Amour ! La chose arriva néanmoins peu de tems après. Peut-être au-reste la demarche que vous allez voir ne fut-elle, dans cette étrange fille, qu’un trait de prudence au quel elle crut devoir recourir pour cacher aux yeux du Public ce qu’elle auroit voulu se cacher à elle même. Le commerce criminel qu’elle avoit eu avec les hommes avoit produit en elle un de ces fruits malheureus qui en sont la suite ordinaire. S’étant aperçue qu’elle étoit enceinte, elle voulut essayer de reparer cette infamie. Elle proposa pour cet effet à son Maitre-Valet de l’épouser ; ce qu’elle ne put faire qu’en lui déclarant son Sexe, & une partie de ses Avantures. Quoiqu’elle lui eût fait promettre de garder le secret, ce Valet ne put se taire sur un événement qui lui parut des plus étranges. D’ailleurs l’espérance d’avoir sa place lui fit trahir son serment. Il déclara donc aux Magistrats tout ce que cette fille extraordinaire lui avoit avoué ; & en conséquence, l’emploi de Bourreau lui fut oté, & donné à son dénonciateur.

Cette trahison ne fit qu’augmenter encore dans cette fille la rage où elle étoit déja contre les hommes. Elle quitta la Ville, & vint ici, toujours dans le même deguisement, & résolue d’exercer encore la profession qu’elle avoit faite à Lyon. [59] Dans cette vue, elle se presenta au Bourreau de notre Ville, pour être son Valet. Celui-ci, ignorant ses talents, ne voulut point l’engager à son service, qu’il n’eût vu auparavant ce qu’il sçavoit faire. Pour son debut, il s’offrit un Criminel qui devoit être rompu vif, & expirer sur la roue. Le Bourreau, lui ayant demandé si elle se croyoit assez habile pour faire cette Execution, elle lui repondit hardiment que Oui ; & elle s’en aquita effectivement beaucoup mieux qu’il n’auroit fait lui même. Sur ce chef-d’œuvre, il la prit à son service ; Mais le bruit de ce qui venoit de lui arriver à Lyon étant passé, & ayant éclaté ici où quelques personnes l’ont reconnue, l’Executeur n’ayant plus voulu la garder lorsqu’il a sçu qui elle étoit, l’a payée & renvoyée. On assure ici que, depuis elle a pris la route de l’Espagne, où elle est allée exercer encore ses talents, & satisfaire son animosité contre tous les malfaiteurs, de l’un & de l’autre sexe, qui pouront tomber entre ses mains ; animosité, qui, à ce qu’on lui a entendu dire, ne finira qu’avec sa vie.

Ne m’avouerez-vous pas, Monsieur, que voilà un caractere de fille bien étrange, & un événement des plus singuliers ? Par ces deux raisons j’ai cru que vous ne seriez pas fâché que je vous en fisse part. Je profite de cette occasion pour vous assurer que personne n’est avec plus de reconnoissance, d’estime & d’affection, &c.

Montpellier, ce 22 Mai 1751. ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 3

Metatextualität► Pendant que je suis dans les événements extraordinaires, je vais, Monsieur, en joindre encore ici un qu’un autre Ami vient de me mander de Hollande, le quel l’emporte encore sur [60] celui que vous venez de lire. C’est un Mariage contracté solemnellement entre deux filles. Voici le fait, tel qu’il est enoncé dans sa Lettre. ◀Metatextualität

Breda, le 21 Mai 1751.

Ebene 3► Allgemeine Erzählung► « Il vient d’arriver ici un événement assez extraordinaire, & dont on peut dire même qu’il ne se trouve guére d’exemples. Un Grenadier du Regiment de Lintman, qui depuis environ trois ans, étoit marié avec une jeune personne de cette Ville, ayant été decouvert n’être point d’un sexe différent de celui de son épouse, & le Conseil de guerre en ayant été informé, l’un & l’autre ont été arrêtez par son ordre, & se trouvent actuellement dans nos prisons. Comme par l’interrogatoire qu’on l’eur <sic> a fait subir, il paroit manifeste que la fille, avant son mariage, avoit une parfaite connoissance du sexe de son pretendu Epoux, on est ici dans une extrême impatience de sçavoir quelle tournure poura prendre cette affaire, & les motifs qui ont pu determiner ces deux femelles à contracter ensemble une alliance aussi étrange. ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 3

J’ai l’honneur d’être &c.

Paris ce 31 Mai 1751.

◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2 ◀Ebene 1

1Metal de composition, qui imite l’or parfaitement ; ce qui lui a fait donner ce nom.