Zitiervorschlag: Anonyme (Joseph Marie Durey de Morsan) (Hrsg.): "N°. 3.", in: La Bigarure, Vol.7\003 (1750), S. 17-24, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4724 [aufgerufen am: ].


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N°. 3.

Ebene 2► Brief/Leserbrief► Ebene 3► Brief/Leserbrief► Ebene 4► Allgemeine Erzählung► Dialog► « Le galant Officier, plus étonné de cette réponse, qu’un Fondeur qui a manqué ses Cloches, dit au Valet : Et dans quelle maison suis je donc ici ? . . . . Dans le Beeterhuys, *1 lui repliqua naïvement le Domestique ; & vous y devez rester jusqu’à ce que vous soyez guéri de votre maladie. Si jamais la vivacité Gasconne eclata dans quelque rencontre, ce fut assurément dans celle-ci. A peine le Valet lui eut-il apris son sort . . . Sandis, dans le Beeterhuys ! Un homme comme moi ! . . . Le Chevalier de * * * dans le Beeterhuys !.... Par la mort ! par la ventre, par . . . je t’extermine, Maraud ; je te pulvérise, Pendart, si tu ne me fais promptement sortir d’ici pour aller à mes affaires. ◀Dialog A ces terribles mots, & aux regards fulminants qu’il lui lance, le Valet gagne au pied, & court promptement avertir le Directeur de ce qui vient d’arriver. Cependant notre Gascon décharge sa colere sur le souper qu’on venoit de lui aporter, qu’il renverse par terre avec la Table & tout ce qui étoit dessus. Le Directeur, escorté de quatre ou cinq autres Valets munis chacun d’un bon nerf de Bœuf, accourt pour arrêter ce Baccha-[18]nale, & ranger son nouveau pensionnaire, sinon au parti de la Raison qui n’habite guére dans ces sortes de maisons, du-moins à celui de la patience.

A la vue de ce respectable cortége, la colere de notre Officier se calme. Il devient doux comme un agneau, fait excuse au Directeur de sa vivacité, & le prie de lui faire servir un nouveau souper ; ce qui fut exécuté. Pendant qu’on le lui préparoit, notre Gascon non seulement s’aperҫut qu’il étoit la dupe de sa charmante Veuve, mais ayant fait réflexion sur tout ce qui s’étoit passé pendant leur voyage, sur les licences qu’il s’étoit données avec elle, il en trouva la punition si juste, & en même tems si plaisante, qu’il ne put s’empêcher d’en rire. Il prit, comme l’on dit, son malheur en patience, soupa d’assez bon appetit, après quoi il se laissa tranquillement conduire dans la petite Chambre où le Directeur l’emmena coucher, & qu’il lui assigna pour sa residence ordinaire.

Notre homme, ainsi claquemuré, & relegué parmi les foux, fit pendant la nuit mille réflexions qui troublerent un peu son repos. Il en passa une partie à chercher dans sa tête les moyens de sortir au plutôt de cet honorable gîte où l’Amour l’avoit conduit à la mal-heure. Quelques mouvemens qu’il se donnât pour cela, il lui falut attendre le retour, ou des nouvelles, de la Dame qui avoit promis de revenir. Mais comme elle n’a plus reparu depuis au Beeterhuys où elle l’avoit laissé, l’Officier ayant été réclamé par des personnes de sa connoissance, & même par des parents qu’il a dans ce païs, & à qui il avoit fait part de sa risible Avanture, n’ayant d’ail-[19]leurs jamais fait d’autres folies que celle-là, on a rendu la clef des champs à cet Oiseau que l’Amour avoit mis en cage. On ne l’a fait néanmoins, afin qu’il s’en ressouvienne, qu’après lui avoir arraché quelques plumes qui ont servi à payer sa bien-venue, & les autres dépenses qu’il a faites dans ce désagréable sejour. » ◀Allgemeine Erzählung ◀Ebene 4

« Peut-etre allez-vous imaginer, Monsieur, que la vanité, que l’on attribue aux Gascons, aura fait tout employer à celui-ci pour empêcher que son Avanture ne fût divulguée… Point du tout. En homme d’esprit, comme le sont la plupart de se comprovinciaux, & en homme qui entend le badinage, il est encore des premiers à en rire, & c’est de lui même qu’on a sҫu toutes les particularitez de son histoire que je viens de vous écrire. Le seul regret, dit-il, qu’il en a, c’est que, quelques peines qu’il se soit données, quelques recherches qu’il ait pu faire depuis sa délivrance, il ne lui a pas encore été possible de découvrir quelle est la charmante personne qui lui a donné une si bonne leҫon, pour le rendre plus circonspect & plus sage à l’avenir avec les Dames. Il lui promet d’en profiter, & de conserver, toute sa vie, pour elle, & pour toutes celles qui lui ressemblent, l’estime qui est due à leur merite ».

De la Vertu l’estime est l’apanage.

Jeunes Beautez, arrêtez votre choix
Sur ce Tresor. Quand on est belle & sage,
On peut compter qu’on est belle deux fois.

J’ai l’honneur d’être &c. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3

Que dites-vous, Madame, de cette plaisante Avanture, & de la façon dont elle est racontée [20] dans la Lettre que vous venez de lire? . . J’espere que vous en serez contente, aussi bien que toutes les Dames de votre aimable Société . . . . . . A propos de folies, je me rapelle que, dans une de mes dernieres Lettres, je vous ai dit que celle des Bouts-Rimez redevenoit à la Mode. Je vous en ai déja envoyé un echantillon ; En voici un second, fait par la Dame qui avoit proposé les rimes du précédent. Cette réponse, qu’elle fait au Poëte qui les avoit remplies, est sur les mêmes rimes *2 .

Vers en Bouts-Rimez.

Ebene 3► Vos Vers vous feront vivre au de-là du . . . . Cercueil,

De nos Auteurs bouffis ils confondent . . . . . . l’Orgueil,
Votre genie heureux partant par votre . . . . Bouche,
Coulant de votre main change en or ce qu’il . . . . Touche,
Ce n’est pour vous qu’un jeu tout ce qu’on vous …. Prescrit.
Vous volez jusqu’au Ciel sans retomber à . . . . . . Terre,
Et l’on sҫait, malgré vous, qu’au sejour du . . . . . Tonerre
Parmi les noms des Dieux votre nom est . . . . . Ecrit.
Il n’est point de rival pour vous près de . . . . . . Lisette :
Sur le Pinde, à ses yeux, vous n’avez point d’….. Athlette ;
Et pour prix du combat lui demander son . . . . . Coeur,
C’est jouer à coup sûr, c’est combattre en . . . . . . Vainqueur. ◀Ebene 3

Je ne sҫai, Madame, si la folie des Bouts-Rimez, ou l’Avanture du Beeterhuys de Delft, m’a fait tourner la tête ; mais je ne puis resister à la démangeaison que je me sens de vous envoyer une petite piéce qui vient de me tomber entre les mains, & dont la lecture m’a beaucoup fait rire, ainsi que plusieurs Dames qui étoient avec moi. Peut-être fera-t-elle le même effet sur vous & sur vos aimables connoissances. C’est dans cette vue que je vous l’envoye. Vous y verrez un [21] Amant qui écrit à sa Maitresse une Lettre d’un stile & d’un goût tout-à-fait singuliers. C’est, apparemment, encore une vieille folie que nos Auteurs Modernes vont remettre à la Mode. Il est certain, du moins qu’il y a environ cent ans que deux Beaux-Esprits, de ce tems-là, avoient mis la Cour & la Ville dans ce goût, l’un par une Comedie, ( )3 & l’autre par un Ballet des Proverbes ( )4 . Peut-être allons-nous voir reparoitre mille belles choses dans ce genre, aux quelles le goût des Molieres, des Regnards, des Destouches, des Corneilles, des Racines, des Voltaires, & de quantité d’autres excellents Ecrivains, nous avoit fait renoncer ; Mais il faut de la variété à nos Franҫois. Ils se lassent du beau ; il leur faut aujourd’hui du bouffon, du ridicule, du trivial, pour les ragoûter. Grace à la multitude des mauvais Auteurs dont nous sommes inondez, ils n’en manqueront pas ; & si les choses continuent d’aller le train qu’elles ont pris depuis un tems, nous aurons bientôt le goût aussi dépravé que l’ont eu nos bons Ancêtres dont l’ignorance & le mauvais goût nous ont fait tant de fois rougir.

Lettre

D’un Amant à sa Maitresse

Ebene 3► Brief/Leserbrief►

Mademoiselle,

« Il faut donc vous obéir, & vous répondre en Proverbes puisque vous l’exigez. Ne vous attendez pas que je le fasse aussi bien que vous l’espérez. La raison en est, qu’il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe ; mais peut-être serai-je plus heureux que sage. Dites-moi, je vous prie, est-ce avoir la tête [22] bien timbrée que de faire plus de bruit que d’effet, & de réveiller le Chat qui dort ? Qui se sent morveux, se mouche. Souvenez-vous que trop parler nuit, comme trop gratter cuit ; qu’il ne faut pas aller au Bois quand on a peur des feuilles, ni laisser les Brebis seules, de peur de Loups. Encore aurois-je quelque consolation de vous entendre publier nos amours à son de trompe si de l’abondance du cœur la bouche parloit, & si tout ce qui est moulé étoit vrai.

Parlez-vous de bonne foi quand vous dites (car par Parenthese, on ne sauroit trop répéter les belles choses) Parlez-vous de bonne foi quand vous dites que vous esperez que je reviendrai cuire à votre four ? L’entente est au diseur : Honni soit qui mal y pense. Mes finesses ne sont cousues que de fil blanc ; je ne veux qu’amour & simplesse ; je ne suis pas un Conteur de fagots, je n’aime que le Latin de Cuisine, & pour du Grec, je n’en casse point. Comme je ne suis pas un Caméleon, ni un Oiseau de mauvais Augure, je n’aimerois pas à garder les manteaux, ni à jouer le personnage de Cogne-fêtu qui se tue pour ne rien faire, & je ne prétends pas que le batus payent l’amende.

Ainsi, Mademoiselle, ne faites pas beau jeu à tout venant. Il y a fagots & fagots ; je ressemble comme deux gouttes d’eau à votre Amant, ou du moins je suis du bois dont on les fait. Tout ce qu’on vous dira d’ailleurs, autant en emporte le Vent. Mon intention est droite comme une Quille, juste comme une Balance, & sans vanité, sage comme une image.

Croyez-moi, Mademoiselle, un peu de honte est bientôt passé ; on n’a jamais bon marché de mauvaise marchandise. Je suis un franc Picard, & mes rivaux sont tous de vrais Normands. A force de les écouter, il pouroit vous arriver comme à bien d’autres, que le repentir viendroit sur le tard ; cependant il vaut mieux tard que jamais. Heureusement pour vous, je n’ai non plus de fiel qu’un Pigeon. J’oublie volontiers le passé ; & ce qui est fait est fait . . . . Suivez, s’il vous plait, ce discours fait de fil en aiguille. C’est à vous la Belle. Voyez par là qu’un bon Ouvrier se sert de tout. Soyez Juge & Partie, & concluez qu’il n’y a pas de pire sourd que celui que ne veut pas entendre.

Au-reste, Mademoiselle, soyez persuadée que je [23] serai toujours éveillé pour vous comme une potée de souris. Pour vous le persuader, je ferai pour vous tout ce que Robin fait à la danse, & tout ce que le bon Cheval fait pour l’éperon. J’avoue avec vous que Marchand qui perd ne peut pas rire, que Monoye fait tout, que qui a de l’argent a des pirouettes ; Mais il est constant aussi que dans les petites boëtes sont les fines Epices, & que le Diable n’est pas toujours à la porte d’un pauvre homme. Outre cela, voici ma Philosophie : Contentement passe richesse. Dans le monde n’est heureux que qui le croit être. Il faut vivre en espérance ; & comme il n’y a point de plaisir sans peine, de fortune sans envie, de roses sans épines, il n’y en a point aussi, quelque belle qu’elle soit, qui ne devienne Gratecu. Paroles ne puent point ; il n’y a que le vilain qui les dit.

Determinez-vous donc, Mademoiselle, sans tarder d’avantage ; Qui trop choisit, prend souvent le pire. Pour moi ; je veux tout, ou rien ; tout de bonne amitié, & rien par force. Je n’aime pas qu’on me coupe l’herbe sous le pied, ni à dormir, comme les Gruës, un pied en l’air, ni à aboyer, comme les Chiens, après la Lune, ni à coucher à la belle Etoile, ni à être appellé trop tard à diner. Enfin, Mademoiselle, si cela vous accommode, vous pouvez me commander aussi absolument que la Reine fait à son enfant, & le Roi à son Sergent. Disposez de moi comme des Choux de votre Jardin : Ce ne sont point ici des contes à dormir debout. Ils ne sont ni bleux, ni jaunes, ni de ceux de ma Mere Loye, ni à la Cicogne. Ce n’est pas aussi, autant pour le Brodeur ; je ne ments pas comme un arracheur de dents. . . . .

Mais je devrois m’apercevoir que les longs discours sont les courtes journées, qu’il ne faut pas tant tourner autour du pot, ni tant de beure pour faire un quarteron, & qu’au bout de l’aulne il faut le Drap. Cependant la fin couronne l’œuvre. Il faut finir une fois en sa vie. Je finis donc, Mademoiselle, en vous assurant que je souhaite, avec passion, vous trouver entre chien & loup, quelque beau jour qu’il ne fera point de pluye, pour vous donner moitié figues & moitié raisin.

En attendant ce tems heureux, qui ne viendra que trop tard, helas ! car aux Amants comme moi les [24] jours sont des siécles, je vous prie, Mademoiselle, de croire que ceci n’est pas de l’Eau benite de Cour, & que je suis aujourd’hui comme hier, en un mot comme en mille, ce qu’on a coutume d’être au bas d’une Lettre, je veux dire, tout à vous, & rien, si vous ne voulez. » ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3

Voila, Madame, les Nouveautez avec lesquelles on nous amuse ici. Valent-elles les charmantes productions de nos deffunts Auteurs dont nous regrettons tant, avec justice, & regretterons encore long-tems la perte. Celle que nous avons faite de M. de Voltaire, le dernier de nos grands Poétes, qui, comme vous le sҫavez, est allé chercher à la Cour de Berlin un repos dont la jalousie ne l’a jamais laissé jouir dans sa Patrie, & où il a fait éclore, en y arrivant, sa Tragedie de Catilina, a occasionné la petite piéce de Vers que je vous envoye.

Sonnet

Ebene 3►

A la louange de Mr. De Voltaire.

Envain, Rome, où sont nés tant de brillants esprits,

De son Quintilien nous relevant la gloire,
Oseroit en faveur de ses doctes écrits
Le placer le premier au temple de Memoire.

Dans ce fameux Auteur qu’admire tout Paris,

Et dont le nom sera gravé dans notre Histoire,
Je vois celui qui peut lui disputer le prix,
Et sans témérité pretendre à la Victoire.

Je le repete encor, Voltaire, oui, tu peux

Elever jusques-là ton Espoir & des Vœux,
Sans craindre que d’audace aucun Censeur t’accuse.

Bien plus : c’est peu pour toi de vaincre des Mortels ;

Et tels sont aujourd’huy les succès de ta Muse,
Que bientôt
Apollon craindra pour ses Autels. ◀Ebene 3 ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 2

Jeudi ce 17. Decembre 1750.

◀Ebene 1

1* Maison où l’on renferme les fous.

2* Voyez notre Tome VI. pag. 134

3(a) Adrien de Monluc, Sieur de Montesquiou, Seigneur de Cramail, & petit-fils de Blaise de Monluc, Marechal de France, a fait une Comedie dont tous les Acteurs ne parlent qu’en Proverbes.

4(b) Isaac de Benserade a fait les paroles du Ballet des Proverbes, dansé à la Cour de Louis XIV. en 1654.