J’entends souvent parler de contre-révolutions, et moi aussi j’en desire une ; mais ce n’est pas dans le sens des ennemis publics, qui voudroient que nos armées triomphantes fussent repoussées et forcées de poser honteusement les armes devant ces mercenaires que l’orgueil a rassemblés à grands frais, qui ont d’abord montré de la jactance et de la barbarie, et n’ont ensuite fait preuve que de lâcheté. Mes vœux ne s’accordent pas non plus avec les souhaits de ces égoïstes stupides qui soupirent après le rétablissement d’une autorité absolue qui méconnoîtroit le droit des nations, dédaigneroit les intêrêts du peuple, disposeroit arbitrairement de la fortune, de la liberté, de la vie des citoyens ; qui enchaîneroit nos pensées, insulteroit à la misère publique par une re-
La contre-révolution conforme à mes desirs seroit celle qui porteroit la plus grande économie dans nos finances, s’abstiendroit de se montrer inutilement généreuse pour être toujours juste ; observeroit l’esprit général au lieu de surveiller les actions et de recueillir les discours particuliers ; laisseroit à chaque individu la faculté de disposer à son gré du fruit de son industrie et de son revenu ; encourageroit l’opulence à se découvrir et à vivifier le commerce et les arts ; ne contrarieroit pas le citoyen dans ses amusemens, dans ses habitudes honnêtes ; ne l’assujettiroit pas, sans égard pour son âge, son éducation, ses talens, à des corvées pénibles ; ne le détourneroit pas de ses travaux journaliers, de ses soins domestiques, pour des services aux-
Hélas ! le bonheur d’une nation coûte souvent bien moins que son malheur et son oppression ! Qui le croiroit, si un de chaque jour la dépense d’un million six cent vingt mille livres, et absorboient par conséquent à eux seuls tout le produit de l’impôt ? N’a-t-il pas fallu tromper, abuser le corps législatif pour lui faire donner son adhésion à une mesure aussi contraire à ses principes, aussi funeste à la nation ? Quel Empire dans l’univers, depuis la réunion des hommes en société, auroit jamais produit dans ses comptes un semblable article de dépense ?
Si on y ajoute les frais de geole, de translation, de nourriture de prisonniers, d’exécution de condamnés, on reconnoîtra que la calamité et la terreur publique ont été plus onéreuses au trésor national que n’auroient pu l’être toutes les fêtes, tous les repas civiques, tous les secours et les encouragemens avec lesquels un sage gouvernement exalteroit le zèle républicain ; et que nous sommes tombés dans la faute si commune au despotisme, qui paie plus
Ces cinq cent quarante mille membres de comités, salariés à 5 livres par jour, ne forment-ils pas une armée intérieure plus dévorante que ne l’auroit été celle de tous les tyrans dont nous abhorrons le souvenir ? Hâtons-nous donc de la licencier ; confions ses pouvoirs limités à de dignes juges de paix, à de sages administrateurs qui ont intérêt à observer les ennemis secrets qui tentent d’entraver la marche du gouvernement, et dirigeront sur ces coupables la main d’une justice éclairée. Plus il y a de surveillans dans un état, plus il s’y sommet d’erreurs et d’iniquités ; il se forme un accord d’oppression, un concert de persécutions entre les hommes pervers, cupides, contre les citoyens irréprochables ; les premiers spéculent sur la foiblesse, sur l’opulence des autres : les plus petites négligences sont transformées en délits graves ; les discours les plus indifférens, de simples gestes reçoivent une interprétation criminelle. On voit des conspirations jusques dans le silence, et des complices dans l’ex-
C’est sur ces monstrueux abus que j’appelle ce que je nomme une contre-révolution ; et je suis convaincu qu’il n’y a pas un bon républicain qui ne desire avec moi celle que j’invoque.