A entendre ceux qui souffrent de notre révolution, toutes les erreurs, toutes les injustices, toutes les persécutions qui affligent les amis de l’humanité seroient l’ouvrage de la philosophie. Ne pourroit-on pas dire, avec plus de vérité, que c’est parce qu’on a méprisé ses leçons ou été sourds à sa voix, que tant de troubles et de désastres
La philosophie n’a-t-elle pas pris toutes les formes, emprunté tous les langages pour faire comprendre à nos monarques qu’ils devoient sans cesse s’occuper du bonheur de leurs sujets ; qu’en sacrifiant la félicité publique aux desirs de quelques individus, ils ne satisfaisoient pas même l’avidité de leurs courtisans ; qu’ils s’exposoient à voir éteindre dans le cœur de leurs sujets cet amour si naturel aux habitans de leur Empire, et qui étoit le plus ferme appui de leur trône ? L’exil n’empoisonna-t-il pas les jours de l’auteur de
(I) Tome 2, pag. 75.) :
Pour rendre cette prophétie plus frappante, l’auteur ajoute en note :
Rois, prélats, nobles, financiers, étoit-il possible de vous prédire plus clairement votre sort actuel ? Heureusement pour celui qui vous annonçoit votre chûte prochaine, vous le regardâtes en pitié ; et il en fut quitte pour quelques expressions du mépris. Le même auteur n’a-t-il pas vu toute la fureur des prêtres se diriger sur celui qui a fait le plus bel éloge du
Vous prétendez que, comme citoyens, nous devons contribuer aux charges publiques, et secourir la patrie de notre opulence : qui vous a dit que nous voulussions être citoyens sur la terre, et que nous eussions une autre patrie que le ciel où l’on ne paie point d’impôts ?
L’argent que nous gagnons est le prix d’une longue industrie qui ne doit rien à l’Etat où elle s’exerce.
Cessez donc de contester notre mission, de combattre nos opinions, de miner notre puissance, d’attenter à nos droits, à nos privilèges ; ou nous tournerons contre vous la haine des peuples et des rois. »
Voilà quelle a été long-temps la réponse des prêtres aux philosophes ; et ce sont ceux-ci qu’on accuse d’avoir égaré la multitude !
Si les magistrats n’eussent pas rejetté avec une dureté inexorable les maximes des
Les nobles, si jaloux de leurs cens, de leurs corvées, de leur chasse, et de toutes ces servitudes qui dégradoient l’habitant des campagnes, ne se sont-ils pas ligués contre un ministre protecteur des propriétés ? Loin de vouloir se rendre à la voix de la raison, de faire de légers sacrifices à l’intérêt public, ils ont aggravé leurs vexations, immolé les hommes à la conservation de leurs animaux ; et au lieu de se reprocher leur injustice, d’attribuer à leur orgueil, à leur farouche insensibilité les vengeances de leurs anciens vassaux, ils les imputent à la philosophie. Ah ! qu’on cesse de la calomnier ! elle a prévu tous nos malheurs, elle a bravé la persécution pour les détourner ; ses efforts ont été impuissans. Les princes ont pesé sur le peuple au lieu de le soulager ; les grands l’ont humilié au lieu de le secourir ; les pontifes l’ont scandalisé au lieu de l’édifier ; les magistrats l’ont indigné au lieu de le protéger. Le
Ce n’est pas dans le feu des révolutions que la voix des sages a quelqu’empire sur les passions humaines. Que pouvoient au milieu des proscriptions de de , les
Qu’on me cite un seul philosophe, digne
Si des circonstances impérieuses obligent ceux qui tiennent les rênes de la domination de s’écarter pour un temps des principes qu’ils ont eux-mêmes proclamés, n’imputons pas à la philosophie ce qu’elle n’a cessé de condamner. Loin de la décourager par d’injustes reproches, faisons des vœux pour qu’elle reprenne son ascendant sur les puissances de la terre, et ramène parmi nous l’équité et la raison, qui s’éloignent des sociétés humaines lorsqu’elles sont en proie aux passions et aux fureurs de la guerre.
Qui me l’eût dit, lorsque fier de mes aïeux dont je conservois avec soin les images et les décorations, que je touchois à une époque où toute mon ambition seroit de
Quelle étrange révolution dans les idées d’un noble ! Flottant entre la crainte de perdre mes possessions si je m’éloignois de ma patrie, et celle d’y être persécuté si j’y demeurois, j’ai laissé écouler le temps où je pouvois encore aller me réunir à cette foule d’émigrés qui promettoient de si grandes choses, et qui n’en font pas même de petites.
Combien il avoit raison ce maître, as-tu besoin d’un compagnon ?
Que ne t’enrôles-tu, m’allez-vous dire, sous les étendards de ta patrie ? Que ne marches-tu contre ces étrangers qui ont osé prendre possession de notre territoire en leur nom ? J’avoue que j’ai été plus d’une fois tenté de prévenir ce conseil. Je fais si peu de cas de la vie, que je n’aurois pas même de mérite à offrir la mienne ; mais plus d’un motif m’arrête. Qui m’assurera que je ne serai pas reconnu par un de mes anciens serviteurs, ou par un habitant de mes terres qui me dénoncera pour un membre de cette caste proscrite à laquelle on refuse jusqu’à l’honneur de répandre son sang pour la cause de la liberté ?
Si je porte les armes contre ces étrangers que j’ai eu le délire de regarder long-temps comme nos protecteurs, et que j’envisage aujourd’hui sous un aspect bien opposé, suis-je assuré de ne pas rencontrer dans la mêlée un frère, un parent à qui je donnerai la mort, ou que j’entraînerai malgré moi sous le glaive de la vengeance nationale ? Si, au contraire, je devenois son prisonnier,
Jusqu’à présent j’ai échappé, par mon adresse, à la captivité. Qui m’arracheroit aux horreurs et aux dangers de la prison ? Qui oseroit me réclamer ? Je n’ai plus ni parens, ni amis en
J’ai été autrefois un de vos souscripteurs, j’ai reconnu dans vos portraits plus d’un de nos ridicules sans m’en corriger ; j’ai depuis reçu du malheur une leçon plus forte que toutes celles que pouvoient nous donner les moralistes : qui nous enseignera aujourd’hui le moyen de nous sauver de nous-mêmes, d’échapper à notre existence ? Dépend-il de moi de n’être pas né d’un noble ? Tout ce que je peux faire, c’est de paroître
Aidez-moi de vos conseils, je vous promets d’y être plus docile que je ne le fus autrefois.
Vous êtes du nombre de ceux qui m’ont fait autrefois pitié par leur vanité, et qui excitent aujourd’hui ma compassion par leur frayeur. J’ai détesté l’orgueil dans la prospérité, je n’aime pas l’abattement dans le malheur. J’avoue qu’il eût été plus con-