Zitiervorschlag: Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] (Hrsg.): "Discours LXXXXVII.", in: Le Mentor moderne, Vol.2\097 (1723), S. 377-382, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4297 [aufgerufen am: ].


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Discours LXXXXVII.

Zitat/Motto► Ridiculum acri Fortius ac melius Hor

La raillerie fait souvent plus d’effet que la censure. ◀Zitat/Motto

Ebene 2► Il y a dans le monde un grand nombre de petites irrégularitez, que nos Prédicateurs voudroient bien voir bannies de la conduite des hommes, mais dont ils n’osent se mêler, de peur d’avilir la dignité de leur ministere. S’ils alloient employer en chaire tout le pathetique de leur éloquence, pour recommand r <sic> ce tour de gorge à la pudeur des Dames, je suis bien sûr, que tout le fruit de leur zele seroit d’exciter des éclats de rire parmi leurs Auditeurs.

J’ai connu la Dame d’un village, qui paroissoit toûjours à l’Eglise de sa Paroisse avec une mouche sur le front ; ce malheureux petit ornement excita si fort la ferveur du Curé du lieu, que pendant une année entiere il fit tous ses efforts pour lui faire lacher prise, mais la [378] seule récompense de son zele fut le sobriquet de Curé de la mouche lequel lui est resté pendant toute sa vie. Il y a actuellement à Londres, un autre digne Pasteur, qu’on appelle le Docteur Corne, parce qu’il a si souvent prêché contre les Cornes, que les Dames portent dans leurs cheveux.

Je me souviens, que du tems de Cromwel le Clergé se faisoit un devoir très serieux de reformer l’habillement des Dames, & de mettre dans tout son jour la vanité de ces ornemens exterieurs qui font les delices du beau sexe. J’ai entendu dans ce tems un Sermon, qui rouloit uniquement sur le fard, & un autre, où l’on s’efforçoit à prouver qu’un ruban de couleur étoit la marque caracteristique de l’impertinence.

Heureusement les Predicateurs de notre siecle ne s’abandonnent gueres à ces transports d’une ferveur indiscrette. Ils sentent que tout homme obligé par sa charge à reformer les mœurs a bien de la peine à se garantir du ridicule, quand il s’amuse à exercer sa severité, sur des choses, qu’ame qui vive ne regarde d’un œuil sérieux. C’est pour cette raison, que j’ose me considerer comme un personnage très utile à ces honnê-[379]tes-gens ; Pendant qu’ils s’occupent à déraciner des pechez mortels & des habitudes criminelles, je me fais un devoir d’attaquer par des traits railleurs de petites indécences, & des peccadilles. C’est ainsi que le Charlatan grave donne des remedes, pour les maladies dangereuses, & inveterées, pendant que le Jean-Farine a ses paquets à part pour le mal de dents, & pour la migraine.

J’ay cru bien faire de me servir de ce petit exorde avant que de reprendre un sujet, que j’ai déja manié plusieurs fois, je veux dire, les gorges découvertes de nos Dames Britanniques : j’espere qu’elles me pardonneront, si j’ose continuer de leur demander en grace de vouloir bien être moins prodigues de leurs charmes. Qu’elles daignent jetter leurs beaux yeux sur la lettre suivante, elle <sic> verront, que je ne suis pas le seul de mon sentiment, & qu’il y a des gens d’une assez grande autorité dans le monde, qui m’appuyent par leurs suffrages ; Cette lettre m’est venuë hier par la gueule du Lion ; Elle est d’un Quacre, & en voici le contenu.

[380] Ebene 3► Brief/Leserbrief► Frere Mentor.

Nos amis t’approuvent ; nous sommes bien aises de voir que tu commences à avoir en toi quelque lueur de la lumiere, & nous prions pour toi afin que tu sois de plus en plus illuminé ; tu donnes un bon avis aux femmes de ce monde, en les exhortant à s’habiller comme nos Sœurs, & à ne point exposer aux yeux leurs tentations charnelles. Ton Lion, est un bon Lion ; il rugit fort & ferme ; sa voix est entenduë de loin.

Rome le 8. de Juillet. On a publié ici un Edit, qui défend aux femmes de tout rang d’avoir la gorge découverte, & qui ordonne aux Prêtres, de ne point admettre celles, qui pécheront contre cette Loi, ni à la confession, ni à la communion. Cet Edit va même jusqu’à défendre l’entrée des Cathedrales à celles, qui seront assez hardies pour mépriser cette Ordonnance.

Puisque ton Lion se fait obeïr à une si grande distance, nous esperons que les femmes folles de ce païs prête-[381]ront l’oreille à tes admonitions ; si non, tu es prié de faire toûjours rugir ton Lion, jusqu’à ce que toutes les bêtes de la forêt en tremblent. Il faut que je te le repete encore, ami Mentor, toute nôtre fraternité a conçû de grandes esperances de toy ; Elle s’attend à te voir bien-tôt tellement éclairé de la lumiere, que tu pourras devenir un grand precheur de la parole. Je suis le tien en toutes choses qui sont loüables.

Thomas Tremble. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3

Il est assez particulier, que la même pensée soit venuë précisément dans le même tems au Pape, & à moi ; je prévoy que mes ennemis en infereront malicieusement, que je suis en Correspondance avec sa sainteté, & que nous agissons de concert. Mais, qu’ils en croyent ce qu’ils trouveront à propos, je n’ai pas honte de me rencontrer avec le saint Pere, dans une chose qui n’est pas un article de foy, j’en suis bien aise même, puisque en cette occasion nôtre but commun est de reformer la [382] plus belle moitié du genre-humain. Nous sommes à peu près du même âge, & il est assez naturel que nous regardions cette affaire du même point de vûe. Je me flatte, que c’est pour le coup que les belles se rendront, & qu’elles ne pourront pas resister aux forces unies de ma feüille volante & de la Bulle du Pape. Tout ce que je crains, c’est que quelques-unes de nos Dames ne perseverent dans leur nudité, sous pretexte de montrer leur zele pour la Religion Protestante, & qu’elles ne se découvrent de plus en plus pour braver les Decrets du Saint Pere. ◀Ebene 2 ◀Ebene 1