L’ame peut se passer de la lumiere du jour.
Le papier que je vous envoye contient un passage fidellement traduit d’un auteur ancien ; si vous avez envie de vous en servir laissez à deviner à vos Lecteurs, s’il étoit de la Religion Chrêtienne, ou Payenne.
honorée & avilie par son union avec la matiere ; Elle est exilée de sa véritable patrie. Je ne conçois qu’une seule raison, qui puisse avoir porté l’Auteur de la nature à attacher nos ames à des corps : c’est afin que le grand ouvrage de l’univers puisse avoir des spectateurs capables d’en admirer l’ordre surprenant, & de s’efforcer à en imiter la noble regularité dans toute leur conduite. Quand je prête attention à l’activité infinie de nos esprits, aux traces, que les choses passées laissent dans notre memoire, & à la penetration par laquelle nous perçons jusques dans l’avenir ; quand je reflechis sur tant de nobles découvertes, & sur les grands progrès que nous avons faits dans les arts & dans les sciences il m’est impossible de me persuader, qu’un Etre qui possede la source de tant de choses excellentes soit produit, pour être anéanti. Je crois encore sentir distinctement, que mon ame est une substance simple, qui ne sauroit être confondue avec quelque chose d’une nature differente, & j’en conclus ; qu’elle est indivisible & imperissable.
Gardez-vous bien par consequent de vous mettre dans l’esprit, mes chers amis, que lorsque je vous serai enlevé, je n’existerai plus, & que n’étant plus avec vous je ne serai nulle-part ; souvenez-vous que pendant que nous avons vecu ensemble vous n’avez pas vu mon ame, & que cependant vous avez été surs que j’en avois une, dont mon corps empruntoit son mouvement & toute son activité. Pourquoi donc vous imagineriez vous que cette ame separée du corps n’aura plus d’existance, parce que vous n’en verrez plus les actions ? qu’elle ne seroit pas notre extravagance de rendre, comme nous faisons, des honneurs & des hommages aux grands hommes après leur mort, s’ils étoient entierement anéantis, & si leur ame ne survivoit pas à la matiere, qui l’a enveloppée. Pour moi, je ne saurois jamais concevoir, que l’ame ne vit que pendant qu’elle est liée au corps, & qu’elle perit dès qu’elle l’abandonne, je ne comprends pas qu’elle cesse de sentir & de penser, lorsqu’elle est dégagée de cette enveloppe qui sans elle n’a ni raison, ni sentiment. Il est naturel, au contraire, de se persuader que séparée de la matiere, & jouissant de toute la simplicité, & de toute la pureté de sa nature, elle doive avoir plus de lumieres & plus de sagesse, que lorsqu’elle est obscurcie par le corps, qui l’enveloppe comme un épais nuage. Lorsque le corps meurt, il nous est facile de découvrir ce que déviennent toutes ses differen-tes parties ; mais nous ne voyons point l’ame, ni lorsqu’elle est unie au corps, ni lorsqu’elle en est dégagée, & par consequent son invisibilité après le trépas n’est rien moins qu’une preuve de son anéantissement. Remarquez encore avec moi, que rien ne ressemble plus à la mort, que le sommeil, & que c’est dans le sommeil, que l’ame fait voir principalement qu’elle a quelque chose de divin dans sa nature ; c’est alors que les liers qui l’attachent au corps se relachent pour un tems ; de quelle maniere ce qu’elle a de celeste ne brillera-t-il donc pas, lorsque ces liens seront entierement brisez ? »
Monsieur.
Puisque vous avez bien voulu inserer quelques pieces Théologiques dans cet ouvrage excellent qui tout les jours nous instruit, & nous amuse j’ose vous prier instamment de faire un pareil usage des réflexions suivantes ; il y a de l’apparences, qu’elles auront les graces de la nouveauté pour le Lecteur Anglois, & si elles sont fondées, on en pourra tirer un
Tout homme qui a lu les Evangelistes avec quelque attention doit avoir observé necessairement, que notre Sauveur n’a jamais negligé l’occasion de se servir de tout son zele pour attaquer l’orgueilleuse Hypocrysie des Pharizéens ; ses discours n’ont jamais plus de vehemence, que lorsqu’ils roulent sur ce sujet. Cette découverte publique de leurs crimes cachez faite par un homme, qui perçoit a travers de tous les voiles brillants sous lesquels ils couvroient la noirceur de leurs ames, leur inspira une telle rage, qu’ils se joignerent tous a le persecuter, avec toute l’opiniatreté possible, jusqu’a forcer
La force & le repetition frequendes censures en question a repandu parmi nous l’air le plus odieux sur le nom de Pharizéen ; nous n’entendons par la qu’un homme qui met un prix execssif <sic> à l’exterieur & à la ceremonie de la Religion, sans songer a s’animer de ces sentimens, qui le porteroient à la pratique sincere & gene-
C’étoit la véritablement le Charactere des Pharizéens ; tous les quatre Evangelistes nous le font voir avec une evidence egale. Mais ils nous sont depeints par des couleurs moins noires dans l’ouvrage d’un de ces saints hommes, savoir saint Sadducéens, qu’on peut appeller avec justice les Esprits-forts du Peuple Juif. Ils n’admettoient ni résurrection ni anges, ni esprits ; En un mot, ils étoient Deistes, si non Athées ; ils se conformoient exterieurement à la forme de gouvernement établie dans l’Eglise & dans l’Etat ; ils prétendoient attachez comme les autres à la Religion de leurs Peres, ne faire qu’une Secte à part, & parce que le Dogme de la Resurrection n’est pas établi dans les livres de
De là les efforts continuels, qu’ils firent, pour étouffer cette sainte Réligion dans sa naissance. Lorsque St. St.
La mort du premier Martyr St. Sanhedrin. Ils semblent avoir été frappés de la fermeté, avec laquelle les Apotres soutenoient la resurrection de
Plusieurs d’entreux furent assez dociles pour se convertir sans le secours de quelque miracle particulier fait en leur faveur, & les autres plus obstinez se tinrent neantmoins <sic> en repos sans mettre obstacle à l’avancement de la Doctrine de
Voila la maniere dont se conduisirent les Pharisiens dans cette importante conjoncture. Pour les Sadducéens, nous ne voyons pas dans tous les Actes des Apotres qu’un seul d’entre eux daigna ouvrir les yeux a la lumiere de l’Evangile. Il semble meme que les premiers disciples de
De tous ces faits on peut conclure avec fondement, à ce qui me paroît, que les censures dont
En voilà bien assez sur cette matiere, je n’y joindray que quelques réflexions, qui y ont du rapport ; L’Atheisme me paroît infiniment plus pernicieux pour la Societé humaine, que la Religion sous quelque figure terrible qu’elle puisse paroître, pourvû que ceux qui en font profession, en soient veritablement persuadez. Mais un esprit fort qui admet à peine une Divinité, & qui rejette absolument la revelation est un monstre tout autrement formidable. Tant qu’il sera luy-même soûmis au pouvoir d’autrui, il parlera d’une maniere pathetique du droit naturel & des prérogatives communes à tous les membres de la societé, mais dés qu’il se verroit armé du pouvoir souverain, il changeroit sans doute de langage, & de conduite ; aucun de ses principes ne mettroit des bornes à ses projets tyranniques. D’ailleurs fondez sur les remarques que nous avons faites touchant les Sadducéens, nous n’avons gueres lieu d’esperer la
Si ces idées sont justes, comme j’ose le croire, c’est le veritable temps de les rendre publiques, vous en estes prié, Monsieur, par
Vôtre tres-humble, &c. »