Zitiervorschlag: Laurent Angliviel de la Beaumelle (Hrsg.): "Amusement XXIV.", in: La Spectatrice danoise, Vol.1\024 (1748), S. 185-192, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4198 [aufgerufen am: ].


Ebene 1►

Amusement XXIV.

Zitat/Motto► Nous suivons, il est vrai, des sentiers peu battus,
Nous aimons à bâtir ; mais tous nos Edifices
Sont ou des prisons pour les vices,
Ou des Temples pour les vertus. ◀Zitat/Motto

Procope.

Ebene 2► Ebene 3► Brief/Leserbrief► Made. la Spectatrice ;

Des vers françois faits en Dannemarc sont quelque chose d’assez rare, ce me semble, pour avoir place dans vos Feüilles. Vous ne trouverez donc pas mauvais, que je vous envoïe une Ode, que j’ai composée sur la Franche-Maçonnerie. Cet Ordre est assez avant dans vos bonnes graces, pour que vous ne lui refusiez pas les moïens de guérir les non-Initiés de leurs Préjugés défavorables, quand l’occasion s’en présente. Nos Loges conserveront une éternelle reconnoissance de l’Apologie, dont vous avez honoré notre Société. Nous l’enverrons à la grande-Loge de Londres, pour y être placée dans les Archives Maçonnes, comme un Monument immortel de notre innocence. Je suis &c. ◀Brief/Leserbrief

Ebene 4►

[186] La Vertu Maçonne,
ou

Le Temple de la Franche-Maçonnerie.
Ode

Puissant Architecte du Monde !

Prête à mon esprit ton flambeau :
Qu’une vive clarté seconde
Un enthousiasme nouveau.
Tu m’entends - - - Ciel - - - Quel feu m’anime
Pour le sujet le plus sublime
Il faut les plus sublimes sons.
Mortels ! aux accords de ma Lire
Connoissez quel Maître m’inspire
Des accens dignes des Maçons.

Serai-je dévoré sans cesse

De désirs toûjours renaissans ?
Gloire, Plaisirs, Talens, Richesses !
N’êtes-vous que de vains présens ?
Mon cœur ne veut plus se repaître
De biens qu’un même instant voit naître.
Se former, & s’évanoüir
Faut-il que mon Ame inquiette
Espère, choisisse, rejette,
Désire toûjours sans joüir ?

Mais que vois-je ? Un céleste Guide

Se présente à mes yeux surpris :
« Viens, dit-il ; qu’un Bonheur solide
Rende le calme à tes esprits !
Veux-tu voir l’immortelle Astrée ?
Ose avec moi tenter l’entrée
[187] D’un Sanctüaire ténébreux.
Dédaigne un Préjugé frivole.
Apprends enfin à cette école
L’art de vivre & l’art d’être heureux. »

Quelle épaisse nuit m’environne !

Bonheur ? fuirois-tu loin de moi ?
Que vois-je ? Où suis-je ? Je frissonne.
A l’espoir succéde l’effroi.
Quelle horreur ! quelle incertitude !
Vérité ! mon unique étude,
Quels secrets me réserves-tu ?
Ah ! je perce enfin le nüage ;
Je joüis du rare avantage
De voir & d’aimer la Vertu.

Je découvre un auguste Temple,

Où sur un Thrône radieux
Avidement je la contemple ;
Sur elle s’épuisent mes yeux.
Vers cette aimable Souveraine
Une invisible main m’entraîne,
Que d’attraits ! quels charmes nouveaux ?
Vertu ! ta coupable Ennemie,
Vénus, sur les bords d’Idalie
N’offrit point des traits aussi beaux.

« Approchez, mon Fils ! me dit-elle,

D’un air vif, d’un ton ingénu.
A mes drapeaux soiez fidelle ;
Voïez ; le voile est abattu.
Je travaille & bâtis sans cesse,
Et les raïons de ma sagesse
Brillent dans tous mes Nourriçons.
Fournissez la même carrière ;
Ouvrez votre ame à la lumière ;
Mes oracles sont vos leçons.

[188] Cet Edifice est mon ouvrage ;

C’est ici que je tiens ma Cour,
Pour perpétüer d’âge en âge
Des secrets dérobés au jour.
La Probité, la Grandeur d’ame,
Et ce goût du Beau qui m’enflame
En jettèrent les fondemens.
La Sincérité, le Silence,
La Fraternité, l’Innocence
En sont les plus beaux ornemens.

Je reçois ici les hommages

De mes zélés Adorateurs :
Les vrais Maçons sont les vrais Sages,
Et mes seuls Sacrificateurs.
Oüi ; malgré les traits de l’Envie,
Mon Favori m’y sacrifie
Ses foiblesses & ses penchans.
Il sçait triompher de lui-même,
Et faire son plaisir suprême
De ses vœux & de son encens.

J’embrasse dans mon vaste Empire

Et tous les tems & tous les lieux.
Seule, j’ai toûjours pu suffire
A tant de succès glorieux.
Le Devoir, la Raison sévère
Tient mon esclave volontaire
Sous mes douces loix enchâiné ;
Il joüit d’une paix profonde ;
Plus grand que les Maîtres du Monde,
Egal au Maçon Couronné.

Il conserve sous mes auspices

Le trésor de la Liberté
Et goûte déjà les prémices
D’une nouvelle Egalité.
[189] Dans ses droits j’ai sçu le remettre ;
Né Libre, il continüe à l’être
Et sans efforts & sans projets. (1 *) C’est moi qui le forme & l’éclaire ;
L’âge d’or, brillante chimêre
N’éxista que pour mes sujets.

Dans un mistérieux commerce

D’esprit, de mœurs, de sentimens,
Où tout Franc-Maçon puise & verse,
L’Amitié choisit ses Amans.
Fier préjugé ! tu le condamnes ;
Mais c’est en fuïant les Profanes
Qu’il apprend à vivre avec eux.
De mes secrets dépositaire ;
Dans cet Azile solitaire
Il devient Homme, il est Heureux.

Epicure à l’appas du vice

Doit ses infames Spectateurs :
Il les conduit au précipice
Par un chemin semé de fleurs :
De Zénon la vertu farouche
Que rien n’émeut, que rien ne touche,
Brille d’un éclat emprunté,
Loin d’ici, Sages, vains fantômes !
L’Art Roial rend parfaits les hommes
Sans immoler l’humanité.

[190] La sevère Philosophie

Veut priver l’homme de ses sens ;
Le Maçon la réconcilie
Avec les plaisirs innocens.
Le Philosophe se déride ;
Avec l’Equerre je préside
A ses voluptueux loisirs ;
Et, loin des bras de la mollesse,
Dans le cercle de la sagesse
Il emprisonne ses plaisirs.

L’adorable Moitié du Monde

N’embellit jamais ces beaux lieux.
L’éclair part, le Tonnerre gronde,
La foudre éclatte de ses yeux
Quelle fatale destinée ! - - -
Pourquoi le Ciel l’a-t-il ornée
De mille dangereux appas ?
Qu’elle en soit à jamais bannie !
Francs-Maçons ! auprès de Sylvie,
Que vous serviroient vos Compas ?

Que vois-je ? Quel zéle barbare,

Armé d’un glaive ensanglanté,
Pour sauver les Hommes s’empare
Des droits de la Divinité ?
Est-ce, ô Dieu ! prendre ta défense ?
Monstres affreux d’Intolérance !
Monstres par les Enfers vomis !
Soïez touchés d’un noble éxemple ;
Accourez, voïez dans mon Temple
Esprits partagé’s, cœurs unis. »

A ces mots, s’avance Harpacrate,

Couvert de feüilles d’Olivier;
Sur son front sa douceur éclate,
Il me ceint du sacré Tablier, &c.

Zitat/Motto► Est et Fideli tuta silentio merces. ◀Zitat/Motto Horace. ◀Ebene 4

Ebene 4►

[191] Chanson Maçonne
Sur l’Air : Adam à sa postérité.

I.
Le Vénérable.

Allons, mes Fréres ! à l’ouvrage.

Dérobés aux vulgaires yeux,
A l’envi faisons tous usage
De nos Outils mistérieux.
Laissons le Guerrier téméraire
Païer de son sang ses Lauriers ;
Prenons la Trüelle & l’Equerre ;
Maîtres ! maçonnez les prémiers.

Le Chœur des Maîtres.

Maçonnons : La Vertu nous guide ;

Que la Paix soit le fondement
D’un Palais élevé, solide,
Cimenté par le sentiment.

II.
Le Vénérable.

Ramenons la douce harmonie

Parmi les farouches Mortels ;
Une heureuse Amitié nous lie,
Erigeons lui tous des Autels.
Des Cimbres imitons l’éxemple ;
Leurs Tentes étoient leurs Maisons ;
Mais la Concorde avoit un Temple
Chez ce Peuple de Francs-Maçons.

Le Chœur de tous les Fréres.

Maçonnons : la vertu nous guide &c.

III.
Le Vénérable.

C’est assez ; qu’au travail, mes Frères !

Succède le délassement.
De Nectar emplissons nos verres ;
Et vidons les en Maçonnant.
[192] Les plaisirs, que le Maçon aime,
Sont soumis à la gravité ;
Minerve y préside elle-même
Sous l’habit de la Volupté.

Le Chœur.

Obéissons au Vénérable ;

Sur lui seul fixons tous les yeux ;
Réparons nos forces à table ;
Buvons ; nous Maçonnerons mieux ;
Buvons ; nous Maçonnerons mieux ;
Buvons ; nous Maçonnerons mieux. ◀Ebene 4

Par le Frère Balleudannellanvilléamiukel. ◀Ebene 3 ◀Ebene 2 ◀Ebene 1

1(*) Il parut il y a deux ans un Livre, intitulé : les Francs-Maçons écrasés. L’Imposteur, qui l’a écrit, représente l’Ordre comme fondé par le plus scélérat de tous les hommes, pour détruire tous les Etats, Républiques & Monarchies. L’Empereur, le Roi de France, le Roi de Prusse qui en sont Membres & Protecteurs, le Prince de Galles qui en est Grand-Maître font suffisamment notre Apologie.