sur le commandement point de délicatesse ;
Point de Maître ni de Maîtresse,
Que le bon-sens & la raison.
Le bonheur de la vie dépend de l’union du Mariage ; & l’union du mariage dépend de la Sympathie des Mariées.
Que le bonheur de la vie dépende du Mariage, c’est ce qu’on ne contestera point, si l’on veut se donner la peine de réfléchir sur le penchant naturel qu’un séxe a pour l’autre. Quand nos désirs commencent à nous avertir, que nous avons un cœur, la nature nous dit, qu’il manque, pour ainsi dire, à nôtre être une partie essentielle à sa tranquillité. Ce cœur cherche à se donner, à s’unir étroitement à un autre cœur, à faire un tendre commerce de senti-
Mais cet accord, pour le rendre heureux, cette union pour être durable, ne doit point être fondée sur d’aveugles désirs. Elle doit avoir pour baze le concert des caractéres, l’harmonie des humeurs, l’indulgence réciproque. Sans cela, le Mariage destiné à notre félicité fait notre infortune. Pour une rose, nous y trouvons mille épines ; ses délices se changent en amertume. On croïoit entrer dans un Paradis terrestre ; on ne trouve qu’un enfer. Que cet état est triste ! mais qu’il est commun !
Quelle est la Sympathie, qui doit régner dans le mariage pour le maintenir dans l’état de bonheur ? Est-ce ce je ne sçai quoi, qui fait que deux personnes s’aiment dès la prémière entrevüe, & sentent qu’elles sont faites justement l’une pour l’autre ? Non ; car combien de mariages malheureux, quoique contractés sur la bonne opinion qu’on avoit de ce je ne sçai quoi ? Combien de ménages discordans, quoiqu’établis sur une inclination réciproque & involontaire, née au prémier coup d’œil ? Qu’un amour capricieux a uni de cœurs incompatibles ? Au contraire, combien d’époux heureux, quoique dabord rebelles à ses loix ? Combien qui joüissent d’un bonheur parfait, quoiqu’ils n’aïent jamais été au-delà de la simple amitié ?
Le je ne sçai quoi est donc fort sujet à faire des qui pro quo. Et il est dangereux de se fier entiérement à lui, quoiqu’il soit
La ressemblance des goûts, des penchans, des passions n’établit-elle pas la Sympathie ? Je serois tentée de le croire, si je ne voïois tous les jours des Antipathies marquées entre des personnes qui ont cette ressemblance. Il est vrai qu’ils ne sont pas intéressés à vivre bien ensemble ; mais pourtant ils le sont, à s’accorder.
La Sympathie seroit-elle une chimère ? Pas tout à fait ; mais peut <sic> s’en faut. D’un côté, il est impossible de trouver deux individus, dont les désirs, les pensées aboutissent au même centre. De l’autre, il est aisé d’en montrer des éxemples. On croira que je me contredis. Mais point du tout. C’est que la Raison, quand elle prêside dans un Mariage, de deux volontés n’en fait qu’une. On n’est pas d’accord dans le fonds, parce qu’il n’est guéres possible qu’on envisage les objets sous la même face ; mais on céde par complaisance. On se fait un devoir de ne pas raisonner, ou de ne pas montrer qu’on raisonne. On tâche d’aller au devant de ce qui plaît à ce qu’on aime ; ou bien l’on est entrainé par l’autorité & la supériorité de génie. L’indulgence réalise la Sympathie, qui n’est qu’un être de raison, si on la fait consister dans la conformité des pensées & des désirs.
Cela n’empêche pas, qu’il n’y ait un certain désir de plaîre, dont ont <sic> ignore la source, qui opére cet acquiéscement volontaire, qui entretient la paix, & qui cimente l’union.
Une femme, qui n’aime point son Mari, aime ordinairement ailleurs, & par conséquent le hait comme un obstacle à ses plaisirs. Delà les mésintelligences & les froideurs marquées. La Coquetterie bannit ordinairement l’union des fa-
Un Mari infidelle à sa femme renonce à la paix de mariage. Notre Jalousie est terrible, sur-tout quand nous ne pouvons pas nous venger, ou qu’il nous manque des vengeurs, ou qu’il s’en présente, qui ne nous plaisent pas. Nous sentons, nous nous éxagérons l’injustice qu’il y a à porter ailleurs une portion de plaisir, qui nous est duë ; nous n’imaginons rien de plus criminel ; Nous ne regardons cet objet qu’à travers le microscope d’un amour-propre outragé. Nous ne donnons point de bornes à notre colére. L’attachement d’un homme est ce qui nous flatte le plus ; son inconstance nous blesse souverainement. Maris ! cachez avec soin vos clandestines amours ; ou craignez tout d’une femme irritée & méprisée.
Ce petit discours prononcé gravement & d’un ton amical fit une profonde impression sur la Dame. Elle se jette aux piéds de son mari, lui jure une fidélité désormais inviolable. Le Mari s’attendrit, se laisse fléchir, & depuis ce tems-là est l’homme du monde le plus heureux.
Le badinage fini (car tout finit en ce monde) « allez donc à présent, lui dit sa femme, manger les deux perdrix, qui vous attendent. » Le Mari honteux & confus, avoüa ses torts, se remit dans la voïe des bons procédés, dont il ne s’éloigna plus, la remerica <sic> de son artifice ; & il ne tint pas à lui, qu’il ne demandât son pardon d’une maniére à l’obtenir bien plutôt.
Les désunions, qui régnent dans les mariages, procédent ordinairement de l’une de ces deux causes, ou de ce qu’on se marie par amour sans égard aux convenances, ou par convenance sans égard à l’amour.
Jeunesse ! defiez vous de l’amour. Rien n’est plus séduisant, rien n’est si trompeur ; il se présente à vous sous une face aimable ; mais l’illusion ne dure pas toûjours. Les sens ne vous font point un fidelle rapport. La joüissance fait évanoüir le phantôme. Résistez à ce Dieu puissant, ennemi du bonheur & de la raison.
Mais non pas le bannir s’il s’est rendu maître :
Il entre avec douceur, mais il régne par force.
Pour joüer à jeu sûr, il faudroit allier aux graces du corps, les talens de l’esprit, & les perfections du cœur. Mais où trouver une personne qui réunisse ces trois qualités dans un haut degré ? cet assemblage est bien rare ; mais il est encore plus difficile de trouver un homme digne de posséder un pareil bijou. Quoiqu’il en soit,
Le Mariage, me disoit un homme d’esprit, est la société la plus propre à unir ; & néanmoins la plus désunie. On s’aimoit avant le mariage : après le mariage, c’est beaucoup, si l’on ne se hait pas. Je lui répondis, qu’on ne pouvoit s’aimer, quand on aimoit si fort les richesses. En
J’ai souvent remarqué, qu’un mariage est fort paisible, quand le Mari porte la juppe, & sa femme les culottes. J’ai remarqué aussi, que si les affaires du dedans en alloient mieux, celles du dehors en alloient beaucoup plus mal.
Si l’union est bannie d’un ménage, j’en accuse la Femme. C’est sa faute, si elle ne raméne pas son mari. C’est q’uelle <sic> ne veut pas s’en donner la peine. Nous autres femmes, nous avons tant de ressources, nous connoissons si bien la carte du cœur, que nous pouvons mener à notre gré l’homme le moins souple. L’union depend toûjours de nous.