Dans l’état où les mœurs ont amené la législation, les écarts de l’esprit sont bien plus dangereux, bien plus funestes à l’homme que les vices du cœur. On peut trahir l’amitié, être faux, lâche, délateur, marcher à la fortune, aux honneurs, à travers la perfidie, la séduction ; mais malheur à celui qui auroit la franchise de nos ancêtres, qui, n’écoutant que la justice de sa cause, oseroit se la rendre. Il est vrai que s’il en étoit autrement, le plus fort croiroit toujours avoir raison. Sous la loi, le foible et le fort sont égaux. Ce n’est ni la souplesse de leurs muscles, ni la vigueur de leurs mouvemens qui rendent leur cause bonne, c’est l’équité. Mais il est un autre genre de force qui rend le combat inégal entre l’homme vertueux et l’homme vil, qui fait presque toujours du premier la victime de l’autre : c’est la trahison. Pour ramener
Le magistrat lui-même ne seroit point à couvert du ressentiment de l’innocence et de la bonne foi, immolées par l’ignorance, le crédit ou l’argent.
Un pareil tribunal seroit un temple où s’entretiendroit un feu pur, qui rendroit à la
L’honneur ne seroit plus un mot dont on chercheroit le sens, et on gagneroit au moins quelque chose à en conserver les apparences.
Un étranger qui avoit passé sa jeunesse loin du monde, dans le silence de l’étude, qui ne connoissoit les années que par les révolutions des astres, qui ne voyoit d’autre différence dans les jours que celle de la nature, ennuyé de sa solitude, voulut se
Quel empressement ! quel éclatant tumulte ! se disoit-il. Les hommes richement vêtus, les femmes magnifiquement mises, renfermés dans des voitures brillantes, semblent se poursuivre ; leurs chevaux écumans ne vont point encore au gré de leurs désirs : je n’apperçois plus que des figures riantes ; tous ceux qui se rencontrent se serrent affectueusement les mains, s’embrassent, se font mille souhaits heureux. Il est donc enfin arrivé ce temps de paix, où la jalousie et la haine devoient être bannies de tous les cœurs, où l’amitié seule devoit les remplir. On ne verra plus le visage de l’homme altéré par la colère ; ses yeux ne s’arrêteront plus avec fureur sur un être semblable à lui. Quel événement a amené parmi nous cette heureuse révolution ? La sagesse a-t-
Un de ses amis, à qui il fit part de son étonnement, lui apprit que l’année commençoit ; que toutes ces politesses, ces airs affectueux n’étoient que les grimaces de l’honnêteté. A ces mots, le visage du philosophe s’obscurcit. Pendant quelques jours, continua l’ami qui lui parloit, vous verrez des héritiers, embrasser de riches parens, leur souhaiter de longues années, et murmurer tout bas de leur santé ; vous verrez des courtisans se sourire, se faire mille souhaits de fortune, dans le moment où ils cherchent à se déplacer mutuellement.
L’étranger crut devoir se conformer à l’usage : ses connoissances, ses grands talens, sa gaîté aimable l’avoient attiré dans le sein de l’opulence et des honneurs ; de grands seigneurs l’invitoient à leurs plaisirs ; des femmes de qualité aimoient à l’entendre : sa vertu n’étoit point farouche ; il savoit l’adoucir par les graces de l’esprit et le charme de la plaisanterie. Il crut cependant ne devoir pas se prêter à ce ton faux
Il rencontra dans son chemin un gros abbé, dont les joues vermillonnées annonçoient le plaisir et le repos. Que vous souhaiterai-je, mon cher abbé, lui dit le philosophe, en l’embrassant ? Un évêché et une bonne santé, répondit l’abbé : voilà tout ce que je demande. Je vous souhaite, reprit le philosophe, ce qui rend digne d’être évêque, et vous vous porterez bien. L’abbé le quitta sans trop le comprendre.
Le philosophe alla chez un officier général, qui n’avoit qu’un grand nom, et aspiroit à l’honneur d’être maréchal. M. le comte, lui dit le sage, le bâton que vous desirez vous embarassera peut-être plus qu’il ne vous aidera à marcher dans le chemin de la gloire.
Il fit une visite à un jeune conseiller.
Le philosophe, dans le cours de ses visites, s’apperçut que beaucoup de ses connoissances faisoient fermer leur porte : il craignit que ses cartes ne s’égarassent dans la loge de suisses, et prit la résolution d’écrire à tous ceux qu’il n’avoit pas trouvés, des billets d’étrennes. Nous en donnons la collection. On y lisoit cette devise : la vérité est le présent le plus rare.
Troquez votre esprit pour du jugement.
Si vous donnez tant de charmes au mensonge, que deviendra la vérité ?
Songez que vous n’êtes pas seul, et qu’il faut que tout le monde vive.
Imaginez toujours être à
Pensez que juger n’est pas toujours rendre la justice.
Que vous a fait la nature ?
Ce n’est pas sur la scène que vous jouez le mieux votre rôle.
Ne pleurez plus, et faites pleurer les autres.
Ne faites que des visites d’honnêteté.
Dites moins de mots et plus de choses.
Si vous voulez être méchant, soyez moins mauvais.
Ne voyez que ce que les autres ne voyent pas.
Quel fléau, Monsieur, pour la société, qu’un avare ! Il garde dans ses coffres un argent qui feroit éclore les arts, qui nouriroit l’industrie si souvent indigente. Il fait tort à la société entière. Il n’est point de vice qui ne puisse conduire l’homme à quelque vertu, dit une dame célèbre : la vengeance donne souvent la bravoure ; la colère produit l’intrépidité ; l’envie, l’émulation ; par un retour secret sur soi-même, la cruauté fait quelquefois naître la compassion ; la fausseté amène la politesse ; la folie, la gaîté ; la prodigalité, la bienfaisance. L’avarice seule ne conduit à rien ; c’est le vice d’une ame abjecte : elle est la source de mille maux ; c’est elle qui arma les
L’avare est triste et sombre au milieu de ses proches ; il ne sourit qu’à son trésor ; souvent-il <sic> précipite lui-même ses enfans dans le crime et la honte : son fils pressé par le besoin, apprend à soumettre à l’adresse les caprices du sort : sa fille augmente le nombre de ces beautés nouvelles que la misère fournit à la débauche des grandes villes : échappée de la maison de son père, elle vend les baisers de l’amour, et son cœur avili marchande son opprobre.
Après avoir volé le public, l’avare parvient au point de se filouter lui-même ; il court mettre dans un endroit ce qu’il avoit caché dans un autre. Cette extravagante occupation fait tout son plaisir. Son coffre-fort est son lit, sa table, son siége ; il voudroit pouvoir en faire son tombeau. Les flammes consument tout autour de lui ; la fumée s’épaissit et couvre déjà ses yeux : il pourroit se sauver, mais il ne peut se résoudre à abandonner son idole : il périt en l’embrassant. Son dernier soupir
Quel seroit le repentir et la douleur de cet homme dénaturé, s’il apprenoit que son fils unique va périr sous le glaive de la justice, parce qu’il l’a forcé au crime en lui refusant le nécessaire ? O toi qui déchire le cœur et en arrache des larmes, dans l’instant où le père de famille, après avoir maudit son fils, étend ses bras vers lui, et s’écrire avec douleur : où va-tu, malheureux ? . . . . reprend le pinceau vigoureux que tu as posé. Un grand homme a fait rougir l’humanité de ses défauts ;
Monsieur,
Tant de gens ont vanté les plaisir de la campagne, qu’il me prend envie de parler de ses ennuis. Hier, je me promenois sur une terrasse, au bas de laquelle coule la seine ; en jettant les yeux sur cette surface fuyante, mille idées tristes sont venues m’assaillir. Ainsi, me disois-je, s’écoulent nos beaux jours. Ne trouvez-vous pas, Monsieur, que l’image de la destruction se présente plus souvent à la campagne qu’à la ville ? La rose ne brille qu’un jour ; un vent du nord suffit pour attrister la nature, et dépouiller l’arbre fleuri de sa parure. Dans nos villes, combien d’édifices luttent contre le temps qui leur livre la guerre depuis des siècles ! Mille mo-
On a célébré les danses, les fêtes villageoises ; quelles danses ! quelles fêtes ! L’illusion de la poésie a triomphé de la réalité. Quelle comparaison peut-on faire de la réalité. Quelle comparaison peut-on faire d’un violon discordant qui domine sur de lourds paysans, sur de grosses campagnardes, avec cette douce mélodie qui anime de jolies danseuses, et pricipite <sic> les pas d’une allemande. Vous le savez, Monsieur, si à
Y a-t-il rien de si hideux qu’une vieille moisonneuse, qu’un vieux vigneron ; leur tein livide, leurs rides profondes, les haillons qui les couvrent, tout cela n’inspire-t-il pas la tristesse ?
Si l’on veut que je me plaise à la campagne, que les habitans des villes n’en enlèvent pas toute la jeunesse pour se faire servir ; qu’ils n’y laissent pas que des ivrognes ou de