Je ne me flatterai point d’avoir renversé le nouveau systême de la nature, parce que j’ai hasardé quelques réflexions sur cet ouvrage. Un édifice vaste et solide n’est pas consumé par des étincelles ; une flamme active et dévorante peut seule ébranler ses fondemens, et le faire rentrer dans la poussière.
J’aime à croire que l’auteur du
Il a cru rendre l’homme moins malheureux, en dissipant ses frayeurs, ses incertitudes ; mais il n’a pas senti qu’en le fixant à la terre, il l’arrêtoit dans un séjour de peine et d’injustices ; qu’en détruisant l’espérance de cette heureuse égalité, qui donne à l’esclave la force de supporter sa chaîne, il étouffoit cette voix qui dit à l’opprimé : Tu seras un jour vengé.
Suivant l’auteur du
En suivant la chaîne de ces idées, le sage que l’or ne peut dégrader, que l’espoir des honneurs ne peut avilir, ne seroit que le rocher qui s’est élevé sous la main puissante de la nature, et oppose sa masse énorme à la fureur des flots. Le conquérant qui dévaste
Le courtisan fourbe et artificieux ne sera pas plus méprisable que le sable mouvant que l’onde entraîne dans son cours.
Ne dites pas, homme vrai, que vous avez obéi à la nature, en écrivant ; c’est elle que vous avez soumise ; elle vous annonçoit la haine et la persécution, vous avez étouffé sa voix, et surmonté les craintes qu’elle vous inspiroit. Elle avoit cédé aux leçons de l’enfance ; vous l’avez forcée de rejetter les premières idées qu’elle avoit adoptés : elle avoit plié le genou devant la divinité ; vous vous êtes élancé avec fureur sur son image, et vous l’avez déchirée aux yeux de ses admirateurs.
Vous vous êtes trompé ; vous avez cru terrasser, dissiper les ennemis de l’humanité et vous n’avez fait que lui en donner de plus terribles. Hélas ! je le sais, la religion n’est pas toujours un frein pour le coupable ; l’usurier se mêle avec la foule qui pénètre dans les temples, et va ensuite exprimer le sens
Le ministre lui-même se joue quelquefois des vérités qu’il enseigne, et méprise le peuple qui l’écoute. Mais combien d’hommes foibles sont arrêtés par la crainte de l’avenir ! Combien de femme n’osent admettre dans la couche nuptiale l’amant qui les en conjure, parce qu’elles prévoyent déjà les remords et la honte qui suivroient leur faute ! Combien de malheureux porteroient sur leur cœur un fer homicide, s’ils ne redoutoient l’Etre puissant qui leur ordonne de supporter la vie !