Le Lundi 11. de Juin 1714.
Nous ne sommes pas faits pour passer toute notre vie dans une oisive indolence. Il n’y a pas d’Homme qui ne doive
Je réduis à trois espéces les différens objèts de nos ocupations. Les unes sont nécessaires, & il y en a de deux sortes, celles qui ont Prochain, & notre Salut pour objèt, & qui doivent être préférées à toutes les autres ; & celles qui regardent l’estime publique, la conservation de nos biens, ou les moïens d’en aquérir, & la santé. Je mets dans le second rang les ocupations utiles, qui nous conduisent à des conoissances, ou à des talens qui ne sont pas absolument nécessaires, mais qui nous atirent l’afection des Personnes qui ont le plus de goût & de discernement. Enfin, le dernier ordre des Ocupations renferme celles qu’on peut nommer agréables, Innocence, & la Modération.
Pour ce qui est des ocupations nécessaires, la plûpart des Hommes font semblant de s’y apliquer, du moins ils tâchent de le faire croire aux autres, en tout ce qui a raport à la Divinité, au Prochain, & à l’Ouvrage du Salut. Et quant à ce qui régarde l’aquisition & la conservation des biens, on les aime trop pour ne s’y pas ocuper, même beaucoup plus qu’on ne devroit.
Les ocupations utiles ne sont pas de tous les âges, elles régardent sur tout les jeunes gens ; & c’est à ceux qui sont chargez du soin de leur éducation à voir qu’ils s’y apliquent comme ils le doivent ; comme je réserve cette matiére pour quelques Discours exprès, je dirai seulement en passant que rien ne me paroît plus déplorable que la conduite des Parens & des Maîtres en ceci.
Passons aux ocupations agréables sur lesquels je veux particuliérement m’arrêter. J’ai déja insinué qu’elles doivent être innocentes & modérées. Voïons si nous trouverons cès deux caractéres dans les ocupations qu’on met ici au nombre des agréables & des récréatives.
J’en trouve de cinq sortes, les Promenades, les Visites, les Caffez, les Spectacles, & les Sociétez.
Voorbout ne nous fourniroit-il pas d’Originaux les uns plus risibles que les autres ; mais passons aux Visites.
Nous ne parlons pas ici de ces sortes de Visites sérieuses, qu’on ne rend que pour parler d’affaires, ou pour briguer la faveur d’un Grand, ou pour entretenir celle qu’on a déja aquise. Je me borne à cès Visites qu’on peut apeller de récréation & de passe-tems. Mais comment s’y récrée-t-on, comment y passe-t-on le tems ? Pour l’innocence, on m’acordera qu’elle en est entiérement banie ; Car comme on y parle beaucoup on y dit beaucoup de chose très inutile ; ce seroit encore peu ; mais ne peut-on pas dire que ces conversations même les plus diversifiées sont des espéces de Rondeaux dont la chute est pour l’ordinaire, ou une fine Médisance, ou une flaterie grossiére, & quelque fois une insipide raillerie qui étant relevée cause des animositez & des haines criminelles. Comment ne juge-t-on pas dans ces Visites, les affaires du Prochain sans entendre les Parties ! & comme les Femmes y sont souvent en plus grand nombre, on y parle beaucoup, on y écoute peu, on y raisonne sur rien, on y décide de tout, & en un instant on y prononce vingt Arêts. Mais Visites, voïons ce qu’on fait aux Caffez.
Il faut d’abord qu’on m’acorde que ce sont autant de rendez-vous de tous les Faineans d’une Ville. Ce seul trait sufiroit pour faire comprendre tout ce que ce peut être, & tout ce qu’on y fait. Les uns y goûtent à long trait le plaisir indicible de répandre dans la chambre des nuées d’une puante fumée. Demandez-leur quelle est l’utilité de cette ocupation, à peine en trouverez-vous un qui puisse vous satisfaire ; c’est la mode de fumer, c’est pourquoi on le fait : Mais comment le fait-on, en étoufant, pour ainsi dire, son Ame, ou du moins tout ce qu’on a d’Homme, je veux dire la Raison, dans la fumée d’une Pipe. Oui, j’ai vû Rapsodies de Gazet-tes, & avec une vivacité qu’inspire ou la fumée du Tabac, ou le Caffé, on commence à régler les afaires d’Etat & à traiter la liberté de chimére avec l’une de ces rapsodies, & à prôner l’Union & la Concorde avec l’autre. On prescrit ensuite des Loix aux Souverains, on détrône les uns & fait le Procès aux autres, & tout cela très inutilement, puis qu’on sait que, quoi qu’on dise, quoi qu’on censure, quoi qu’on résolve dans de pareilles Assemblées, les choses n’en iront pas moins leur train.
Il est assez ordinaire de passer du Caffé à l’Opéra, ou à la Comédie, c’est ce qu’on apelle Spectacle.
pro Comediâ ; contre lequel cès sévéres Moralistes lancérent toutes les foudres du Zèle le plus ardent & le plus mal entendu ; chacun avoit dit son sentiment & porté Arrêt contre l’Oraison & l’Auteur, lors qu’un de ces Messieurs demanda à celui qui étoit vis-à-vis de lui, s’il avoit lû un certain endroit qu’il lui cita. A Or-vatissimi ac. Doctissimi Conviatores, je me mis de la Partie : je tirai l’Oraison de ma poche, nous l’éxaminâmes, & je fis convenir ces quatre violens Critiques, que l’Auteur n’avoit rien dit que de très constant sur le chapitre de la Comédie, qui est très propre non seulement à instruire, mais même à coriger, nous en aportâmes des exemples, & nous tombâmes d’acord que la Comédie ne devenoit criminelle, comme quantité d’autres choses, que par le mauvais usage que les Hommes en font. En efét, me persuadera-t-on que c’est pour passer un moment de récréation, ou dans la vûë de se coriger, que
Opéra. Fou qui inventa l’Opéra. Tout y ressent parfaitement un tel inventeur ; le sujèt n’en est ordinairement qu’un Roman mal fagoté, & pour ce qui est de l’éxécution j’en
Si dans cès quatre sortes de Divertissemens, ou Récréations, on ne trouve ni l’un ni l’autre des deux caractéres que j’ai indiqué, l’Innocence & la Modération, on les trouvera encore bien moins dans les Sociétez que je renvoïe à un autre Discours.
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