Nous ne serons après la mort qu’un peu de poussiere.
Ce qui me met la plume à la main aujourd’hui c’est un motif de compassion pour ces malheureux mortels, que leur incrédulité a rendu incapables de gouter dans la derniere feste spirituelle, cette espérance & cette joye, qu’elle a répandues dans les cœurs des Chrétiens. Je vais faire tous mes efforts pour leur faire sentir, que la croyance d’une vie à venir a une baze dans l’ame de ceux-là même, qui sont si éloignez d’avoir quel-
Que l’incrédule le plus affermi dans l’Irréligion daigne ouvrir les yeux, & qu’il ne fasse qu’un examen superficiel du monde visible ; n’y verra-t-il pas une certaine liaison, un certain arrangement ? Ne découvrira-t-il pas dans tout ce vaste amas de corps, un ordre, une harmonie, qui ne se démentent jamais ? Quelle qu’en puisse être la cause, l’objet dont je parle existe réellement, & se rend sensible, par le moyen de tous nos sens, à toutes les facultez de notre ame. Si l’on entre dans l’éxamen du Méchanisme des animaux, si l’on prend garde à leurs passions, à leurs sensations, au pouvoir qu’ils ont de changer de lieu, on y appercevra sans doute le même plan. Tout ce qu’on y remarque tend à un but fixe ; & ce but change à l’égard de chaque espece, conformément à leurs organes particuliers.
Se peut-il que les moindres corps soient disposez à répondre exactement à leur Nature, d’une manière, qui n’est pas à la portée de l’industrie humaine la plus étendue, & que nos ames soient negligées ou dirigées par des regles si pauvres, & si basses, qu’elles seroient indi-tout plan, tout ordre ; & le moindre spirituel ne sera-t-il que desordre & confusion ? Selon moi, il y a une sotte crédulité, & une espece de bigotterie à se mettre de pareilles chimeres dans l’esprit : c’est renverser entiérement la méthode de raisonner par analogie, & de faire de ce que nous savons deja avec certitude, un principe de raisonnement, à l’égard de ce que nous ne savons pas encore.
S’il y a dans cette vie une seule chose, qui ait l’air d’une récompense de la vertu accablée de malheur, c’est la certitude d’obtenir par elle la protection de
« Dans le Regne de Saturne, les Dieux firent une Loi qui subsiste encore, par laquelle ceux qui avoient
Il voulut bien même leur en découvrir la source. Ces procedez irregu-Intelligence pure, capable de contempler l’ame toute nue de ceux qui paroitront devant lui. Pour cet effet, j’établis pour Juges souverains mes fils , qui est né en Bienheureux. »
De ce Passage de Les Sens, dont je fais usage dans cette vie, sont destinez visiblement à réparer les forces de mon corps, ou à le préserver de tous les accidens nuisibles où il est exposé. Dans une vie simplement spirituelle, ou les forces ne seront sujettes à aucune diminution, où nous ne serons menacez d’aucun fâcheux accident, où nous n’aurons ni chair, ni sang, ni nerfs, ni vaisseaux, nous serons indubitablement destituez de ce qu’on appelle sens. Or une vie, qui n’a rien à demêler avec les sens, est une chose absolument incompréhensible.
Cette maniere de raisonner a sa source dans une certaine stérilité d’imagination, & dans un esprit extrémement borné. Je veux bien remedier à ce défaut de lumiere de nos Esprits-forts, & étendre la sphere de leur pénétration, en leur mettant devant les yeux un cas naturellement possible, & propre à leur applanir la croyance d’un Dogme, qui nous est revélé d’une maniere surnaturelle.
Supposons un homme né sourd & aveugle, qui parvenu à l’âge de maturité perd tout d’un coup par une Apoplexie le Tact, le gout, & l’odorat ; & acquiert en même tems les facultez de voir & d’entendre. Avant ce tems, le Tact, l’odorat, & le gout étoient pour lui tout ce que les cing sens sont pour nous : toutes les autres sensations plus déliées, & plus étendues, étoient par rapport à lui de la ces plaisirs, que l’œuil n’a point vus, que l’oreille n’a point entendus, & qui ne sont point montez au cœur de l’homme.
Dans son prémier état, il étoit tout aussi autrorisé à soutenir, que la perte de ces trois sens ne pouvoit pas être réparée, par l’acquisition de quelques sensations nouvelles, qu’un esprit-fort est en droit de soutenir, que la vie ne sauroit subsister, si on la dépouilloit des sens, dont nous jouissons dans ce monde. Supposons encore que les yeux de cet homme, dans le même instant qu’il les ouvre pour la prémiere fois, soient frappez d’une grande variété d’objets agréables, & que ses oreilles soient flattées d’un concert mélodieux de vois & d’instrumens : il sera étonné, ravi, extazié, & il vous donnera une idée foible & obscure des transports où se livrera une ame, dans l’instant que sortant de la prison, qui l’a renferme, il entrera dans le séjour de l’immortalité, & de la gloire.
Il a été observé par des Chrétiens, qu’un certain spirituel Etranger, qui a publié depuis peu un Recœuil de Turlupinades à l’usage des mourans, n’a pas été de fort bonne humeur dans une maladie, qu’il vient d’avoir ; & qu’il n’a été plaisant, que lorsqu’il a commencé de se porter mieux.