La Volupté les entraine dans des crimes plus odieux.
S’il étoit possible de résister au torrent de la Mode, qui jette un ridicule sur la vénération, qu’on doit aux choses sacrées, je me hazarderois à dire, que
Il y a environ trente ans qu’un Prédi-tour nouveau, ils iroient certainement, au sortir de cette vie, dans un endroit que la politesse lui defendoit de nommer devant tant de gens de Cour. Je me trouve à peu prez dans le cas de ce galant homme, & je voudrois bien dépeindre les vices favoris du siecle, & sur tout ceux, qui ont relation avec la galanterie, d’une maniere à me faire lire des gens qui savent vivre. Il seroit impertinent de jetter les grossieretez de la Théologie, & de la morale à la tête de Gentilshommes, & de Dames de qualité qui se piquent uniquement de politesse, & de belles manieres. Je ne ferois pas mal, par conséquent, d’intituler les reflexions que je vais faire sur l’Incontinence, Essai de Critique sur la fornication, & de faire voir que ceux qui s’adonnent à ces sortes de plaisir avilissent leur gout, & sont peu judicieux dans le choix de leurs divertissements.
Si je n’appliquois cette maxime qu’à ceux, qui donnent dans un vil Commerce avec les femmes publiques, elle ne Debauché, qui sans gout, sans bienséance, promene sa volupté vagabonde de grisette en grisette, n’est coupable que de se prostituer lui-même, & d’exposer sa santé ; mais celui qui se livre à ce plaisir avec plus de gout & de délicatesse, ne sauroit éxécuter ses dangereux desseins, sans trahir quelque homme, à qui il doit de l’amour & de l’estime, & sans courrir risque d’attirer le mépris public à celles, qu’il fait profession de chérir le plus tendrement. Se sentir toujours l’esprit enceint de quelque trahison ; réfléchir sur l’infamie, où l’on veut jetter un Epoux, ou une famille, qui n’ont pas mérité de nous cet affront, & qu’on voudroit exterminer si l’on en
Selon le cours ordinaire de ces entreprises galantes, l’amour ne subsiste pas long tems entre le fourbe & la dupe. Dez qu’elle sait qu’elle est trompée, elle hait l’imposteur d’une haine furieuse : cette haine devient bientôt mutuelle ; & ce qu’ils trouvent de plus odieux l’un dans l’autre, ce sont leurs plus grands agrémens, & leurs meilleures qualitez, qui ont été l’origine de leur malheureux commerce.
Ce n’est pas tout : le Crime du galant ne rend pas seulement la personne, dont il triomphe, malheureuse ; mais, le plus
Si un homme de cette classe a quelque consideration pour la victime de ses plaisirs, dans quelle contrainte ne doit-il pas vivre, avec quelle précaution ne doit-il pas veiller sur ses paroles & sur ses actions, que de fourberies ne doit-il pas inventer pour cacher son intrigue ? Pour être fidelle à sa maitresse, il est forcé de tromper tout le monde, & il marche continuellement la fausseté dans le cœur, & le mensonge dans la bouche. Voilà ce que lui coutent les plaisirs brutaux de quelques moments, goutez à la dérobbée, & accompagnez d’ordinaire de crainte, & d’allarmes. Le tour agreable, que la morale lubrique de plusieurs Poëtes ont donné à ce crime, est une
La maladie, la douleur, & la misere, sont des malheurs, qu’aucun mortel ne peut se prometttre d’éviter. N’y a-t-il donc pas de la folie à se ménager de longue main tout ce qui peut ajouter du poids à la maladie, à la douleur, à la misere ? S’il y en a parmi ceux, à qui je m’addresse ici, des gens trop vifs pour être attaquez dans ces tristes situations, par des pensées mortifiantes, je suis sur que cet étourdissement ne durera pas toujours, & que leur insensibilité ne fait que leur accumuler un afreux trésor de ces mêmes inquiétudes, dont pour le présent, ils ont le malheur de n’être pas susceptibles. Mais, j’ai meilleure opinion de ceux, qui n’ont pas encore effacé entierement les impressions qu’une éducation sage & éclairée a faites dans leur cœur. J’espere qu’ils sentiront d’abord la vérité de cette maxime : celui qui s’abandonne entierement à la volupté doit voir bientôt que la volupté est le moindre de ses crimes.
Un voluptueux de l’espece en question contracte une haine irréconciliable contre ceux la mêmes, qu’il a offensé le plus cruellement. Il invente mille fourberies, pour cacher ses crimes, si par une bassesse plus afreuse il ne s’en fait pas un honneur. Son amour-propre lui rend odieux les gens d’une vie réglée : il méprise tout ce qu’il y a de loüable & de sacré, dez qu’il y trouve un obstacle à ses desirs criminels. Toutes sortes de vices honteux s’emparent de toutes les facultez de son ame, & la rendent entierement inaccessible aux nobles plaisirs qui découlent de la vertu, & du veritable honneur. Heureux ceux de ce caractere, qu’une maladie, ou quelque desastre, reveille de cette Lithargie funeste, qui rend le cœur insensible aux plus grandes satisfactions, dont l’homme puisse être capable.
Il y a eu des gens, dont le caractere étoit plutôt composé d’heureuses dispositions & de foiblesses, que de vices & de vertus ; qui bien loin de profiter de toutes sortes de bonnes fortunes, ont eu la
Tous les hommes coupables de ces sortes de fautes n’ont pas le moyen ou semaine de preparation, ils devroient faire tout ce qui est dans leur pouvoir, pour témoigner leur repentir. J’en veux indiquer ici un moyen, dont je prévois que la seule proposition me rendra ridicule à la délicatesse impertinente des gens, qui ne raisonnent point. N’importe : je m’y exposerai avec plaisir, pourvû que par là je puisse faire quelque heureuse impression sur les coupables, que j’ai en vue.
J’ose recommander les plus malheureuses & les plus méprisables de toutes les créatures humaines à la charité de ceux, à qui les mêmes crimes n’ont pas attiré les mêmes punitions. Je leur recommande ces martyrs de la débauche, séparez par leur sexe en deux différens Hopitaux de cette Ville, qui en contiennent à peine toute la multitude. Les gens, à qui des fautes de ce genre inspirent de véritables remords, devroient se charger eux mêmes, dans le cœur, de toute la soufrance, & de toute la honte, que leur seul bonheur les a fait eviter. Rien ne leur convient mieux, que d’en témoigner leur juste reconnoissance, en soulageant dans leur misere ceux en qui le vi-
Le nom de Chrêtien ne doit pas se prononcer devant les honnêtes gens, je le sai : mais, en qualité d’honnêtes gens, en qualité de gens d’honneur, faut-il que nous abandonnions nos bonnes amies pour un nez de plus ou de moins ?