LIV. Bagatelle Justus Van Effen Moralische Wochenschriften Susanna Falle Editor Michaela Fischer Editor Michael Hammer Editor Institut für Romanistik, Universität Graz 21.10.2015 o:mws.3770 Justus Van Effen: La Bagatelle ou Discours ironiques, ou l’on prête des Sophismes ingénieux au Vice & à l’Extravagance, pour en faire mieux sentir le ridicule. Nouvelle Édition, revue & corrigée. Tome Second. Lausanne & Genève : Marc-Mic. Bousquet et Comp. 1745, 17-23, La Bagatelle 2 003 1745 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Theater Literatur Kunst Teatro Letteratura Arte Theatre Literature Arts Teatro Literatura Arte Théâtre Littérature Art England Inghilterra England Inglaterra Angleterre United Kingdom England England -0.70312,52.16045 France 2.0,46.0

LIV. Bagatelle.

Du Jeudi 10 Novembre 1718.

Le Sr. Jean de Réglisse, qui dans une de mes BAGATELLES a régalé le Public du Projet d’une Manufacture de Dédicaces, ne feroit pas mal d’étendre encore son industrie sur les Préfaces. L’humeur doucereuse dont la nature & l’habitude l’ont pourvu, lui viendroit merveilleusement à propos dans cette nouvelle entreprise.

C’est une pitié, en vérité, de voir les contorsions comiques que se donne l’esprit de Mrs. les Auteurs dans ces Piéces préliminaires. Toutes leurs ruses sont presque usées, ils ne savent plus de quel bois faire fléche. Il ne faut pas s’imaginer qu’ils doutent jamais du mérite de leurs productions, ils sont convaincus qu’elles sont excellentes ; mais ils craignent que le Public ne soit pas de leur sentiment, qu’il ne soit pas assez éclairé pour bien démêler leurs vues, qu’il n’ait pas le goût assez fin pour savourer toutes les beautés de leurs pensées, & que son jugement ne soit pas assez sûr pour bien développer toute la méthode d’un Ouvrage.

Là-dessus on ne néglige rien pour préparer l’esprit du Lecteur à l’admiration. On travaille, on sue, pour le faire entrer dans le plan du Livre, pour l’instruire de l’utilité de la matiére, de la difficulté qu’il y a à la bien manier, & du tems qu’on a employé dans les recherches nécessaires pour bien mettre dans tout son jour un sujet si important. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’on avoue en même tems qu’on n’est pas un grand génie, qu’on a eu des occupations avec lesquelles une étude assidue n’est pas compatible, & qu’on est persuadé que mille autres auroient été capables de faire mieux. Ridicule modestie, ou plaisante contradiction°! Eh morbleu ! si vous n’avez pas eu le tems qu’il faut pour pénétrer avant dans les matiéres épineuses, si les talens vous manquent pour profiter de votre application, qui vous forçoit à trancher du génie supérieur ? quel motif a pu vous obliger à traiter des sujets qui passent votre sphère?

Depuis ces maudits Vers de Boileau,

Un Auteur à genoux dans une humble Préface Au Lecteur, qu’il ennuye, a beau demander grace,

nous n’osons plus nous autres petits Ecrivains prendre tout à fait la posture de Suppliant. Nous disons bien quelques petites douceurs au Lecteur bénévole°; mais nos fleurettes sont accompagnées d’un petit air cavalier, qui fait sentir que si nous avons bonne opinion du Public, dans le fond nous valons aussi notre paix. Nous appréhendons que si nous nous abaissions trop, on nous joueroit le tour de s’élever hardiment au-dessus de nous, & de prétendre que nous sommes obligés de nous soumettre à la décision du Public sans appel, pas même à la Postérité°: derniére ressource des misérables Beaux-Esprits.

A propos d’abaissement, je n’ai jamais vu dans aucune Préface, une modestie plus originale que celle d’un Poëte Hollandois de nouvelle date. Il dit avec un air de bonne foi qui ne laisse pas entrevoir la moindre ombre d’ironie, qu’il n’auroit pas donné son Ouvrage au Public, si son Libraire ne l’avoit assuré que les Vers Hollandois se vendoient fort bien, quelque mauvais qu’ils fussent. II faut avouer que voilà un brave Garçon, qui ne s’en fait pas trop accroire°; & que si ses Vers ne valent rien, il est pourtant fort estimable par sa franchise.

Les autres Auteurs sont bien éloignés de son caractére ; & pour le faire sentir, parcourons encore, quelques stratagêmes dont ils se servent pour surprendre nos applaudissemens.

Il y en a qui nous assurent dans leurs Préfaces, qu’ils ne nous font présent de leur Livre, qu’après l’avoir soumis à l’examen de plusieurs Génies du prémier ordre, qui l’ont épluché avec toute l’attention possible, & qui l’ont honorés de leurs corrections. Après cela,

Paroissez, Navarrois, Maures & Castillans.

où est le Lecteur assez présomptueux pour se donner les airs de censurer ce qui a eu l’appro-bation des plus habiles gens, & pour oser y chercher les fautes qui ont échappé à la pénétration & au goût sûr de tant d’Esprits sublimes°? Cet Ouvrage heureux n’est pas donné au Public pour exercer son discernement, mais pour occuper son admiration.

D’autres se servent avec succès d’un petit tour un peu fripon, mais passablement judicieux. Ils ne disent pas grossiérement qu’ils s’appellent Huët ou Fontenelle ; mais ils vous le font croire comme s’ils n’y touchoient pas, en parlant de quelques-unes des productions de ces Messieurs, comme des leurs propres. Le Public est d’abord étourdi des ces noms respectables, il court en foule se mettre en possession de ce prétendu trésor. Cette ruse est excellente pour le débit du Livre, & pour l’Auteur aussi, s’il écrit pour vivre, & s’il a fait un bon accord avec son Libraire. Ces Messieurs, non seulement font ramper à leurs piés les pauvres Ecrivains, mais ils leur donnent encore une si petite part au gâteau, que tel a gagné cent mille écus par le moyen d’un Ouvrage, qui n’a valu que quatre-cent francs par an à celui qui l’a composé. Mais si l’Auteur travaille pour la gloire, il ne jouit pas fort longtems de celle qu’il a acquise par sa supercherie. Un Lecteur sensé compare bientôt le mérite intrinséque du Livre, avec l’habileté de celui à qui on l’attribue ; il sent bien vite le défaut de la cuirasse ; la fraude se découvre ; & ceux qui ne jugent que par les lumiéres d’autrui, croient que le Livre en question a perdu du tout son mérite en perdant son Auteur, qui étoit l’unique source des perfections qu’ils y développoient d’abord.

Il y a une autre tournure de Préface qui est fort à la mode, & qui me divertit extrêmement. J’y vois avec plaisir un Auteur, plein d’une noble fierté, morguer ses Lecteurs, les insulter sur la dépravation de leur goût, se recommander noblement lui-même, comme le prémier homme du Monde. Il renvoie à l’école tous ceux qui avant lui se sont ingérés de traiter le même sujet. Ce sont des Esprits superficiels, qui n’ont pas la force de creuser dans l’essence des matiéres. Il condamne par avance de stupidité ou de prévention, ceux qui ne goûteront pas ses nouvelles Découvertes. Bien souvent un tel Homme réussit auprès du Vulgaire, qui ne sauroit s’imaginer qu’on oseroit se donner tant de talens & de génie, s il n’en étoit quelque chose. Ne voit-on pas tous les jours des gens dont on respecte la capacité, par la seule raison qu’ils se disent grands Hommes°: Mathématiciens, Mèchanistes, Chimistes, Gens à secrets, Chercheurs de Longitudes, il en pleut.

Il y a d’autres Faiseurs de Livres, qu’on peut ranger dans la même classe, quoiqu’ils ne fassent pas une parade si ouverte de leur mérite. Ils se contentent d’insinuer par des fanfaronnades un peu modestes, qu’ils n’ont garde de se confondre avec les Ecrivains ordinaires.

Ils traitent leurs Collégues impitoyablement. Ils plaignent le Public, accablé de productions insipides. C’est avec le plus vif chagrin, qu’ils voient le Parnasse en proie à mille petits Grimauds, dont le sot orgueil confond le génie avec le desir d’écrire.

Un des plus spirituels Hommes de toute l’Angleterre a, selon moi, fort plaisamment turlupiné la sotte vanité de ces Messieurs, qui trouvent tant à redire à la sotte vanité des autres. Il se sert du Conte suivant, que j’ai mis en Vers, afin qu’il y eût quelque chose du mien.

Sur un théatre à grand hâte élevé,

Un Charlatan, fourbe achevé,Vendoit au poids de l’or à des Niais crédulesSes mensonges & ses pillules.A son côté, Tabarin par ses sauts,Par ses grimaces, ses bons mots.Enlevoit l’ame des Badauts.Pour l’entendre de près, tout le monde s’empresse°;Le Galant avec sa Maîtresse,La Fillette avec Maman,Le Gentillâtre & le Manant°:Les Badauts sont de toute espéce.Grande sans doute étoit la presse.Bien le sentoit certain Qeidam bourru°?Bourru°; mais encor plus ventru :Il essuyoit, tout hors d’haleine,Plus d’un choc, dont la foule accabloit sa bedaine.Il est à bout, il n’en peut plus°;Par des hoquets interrompus,Il prie, il jure, il tempête, il menace.Homme de bien, eh ! mon Ami, de grace,Reculez du moins quelques pas,Vous veriez aussi-bien là-bas. Voyez donc ce Faquin, chargé de sa besace,Qui vient encore ici redoubler l’embarras.Au diable soit ce gibier à soldats,On se passeroit bien de sa chienne de face.Eh°! passe, si tu veux, passe Carogne, passe.Comme ils courent ces Polissons,Ces petits Gueux ; ces Avortons,Si j’en prens un, par la mort je lui casse…Diable emporte la Populace,La peste créve les Bourreaux.Maugrebleu du maroufle & de toute sa race°!Dit enfin, fatigué de ces discours brutaux°:Un Assistant des moins sots°:Range toi-même tes boyauxDans un plus raisonnable espace,Nous aurions tous assez de place.

LIV. Bagatelle. Du Jeudi 10 Novembre 1718. Le Sr. Jean de Réglisse, qui dans une de mes BAGATELLES a régalé le Public du Projet d’une Manufacture de Dédicaces, ne feroit pas mal d’étendre encore son industrie sur les Préfaces. L’humeur doucereuse dont la nature & l’habitude l’ont pourvu, lui viendroit merveilleusement à propos dans cette nouvelle entreprise. C’est une pitié, en vérité, de voir les contorsions comiques que se donne l’esprit de Mrs. les Auteurs dans ces Piéces préliminaires. Toutes leurs ruses sont presque usées, ils ne savent plus de quel bois faire fléche. Il ne faut pas s’imaginer qu’ils doutent jamais du mérite de leurs productions, ils sont convaincus qu’elles sont excellentes ; mais ils craignent que le Public ne soit pas de leur sentiment, qu’il ne soit pas assez éclairé pour bien démêler leurs vues, qu’il n’ait pas le goût assez fin pour savourer toutes les beautés de leurs pensées, & que son jugement ne soit pas assez sûr pour bien développer toute la méthode d’un Ouvrage. Là-dessus on ne néglige rien pour préparer l’esprit du Lecteur à l’admiration. On travaille, on sue, pour le faire entrer dans le plan du Livre, pour l’instruire de l’utilité de la matiére, de la difficulté qu’il y a à la bien manier, & du tems qu’on a employé dans les recherches nécessaires pour bien mettre dans tout son jour un sujet si important. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est qu’on avoue en même tems qu’on n’est pas un grand génie, qu’on a eu des occupations avec lesquelles une étude assidue n’est pas compatible, & qu’on est persuadé que mille autres auroient été capables de faire mieux. Ridicule modestie, ou plaisante contradiction°! Eh morbleu ! si vous n’avez pas eu le tems qu’il faut pour pénétrer avant dans les matiéres épineuses, si les talens vous manquent pour profiter de votre application, qui vous forçoit à trancher du génie supérieur ? quel motif a pu vous obliger à traiter des sujets qui passent votre sphère? Depuis ces maudits Vers de Boileau, Un Auteur à genoux dans une humble Préface Au Lecteur, qu’il ennuye, a beau demander grace, nous n’osons plus nous autres petits Ecrivains prendre tout à fait la posture de Suppliant. Nous disons bien quelques petites douceurs au Lecteur bénévole°; mais nos fleurettes sont accompagnées d’un petit air cavalier, qui fait sentir que si nous avons bonne opinion du Public, dans le fond nous valons aussi notre paix. Nous appréhendons que si nous nous abaissions trop, on nous joueroit le tour de s’élever hardiment au-dessus de nous, & de prétendre que nous sommes obligés de nous soumettre à la décision du Public sans appel, pas même à la Postérité°: derniére ressource des misérables Beaux-Esprits. A propos d’abaissement, je n’ai jamais vu dans aucune Préface, une modestie plus originale que celle d’un Poëte Hollandois de nouvelle date. Il dit avec un air de bonne foi qui ne laisse pas entrevoir la moindre ombre d’ironie, qu’il n’auroit pas donné son Ouvrage au Public, si son Libraire ne l’avoit assuré que les Vers Hollandois se vendoient fort bien, quelque mauvais qu’ils fussent. II faut avouer que voilà un brave Garçon, qui ne s’en fait pas trop accroire°; & que si ses Vers ne valent rien, il est pourtant fort estimable par sa franchise. Les autres Auteurs sont bien éloignés de son caractére ; & pour le faire sentir, parcourons encore, quelques stratagêmes dont ils se servent pour surprendre nos applaudissemens. Il y en a qui nous assurent dans leurs Préfaces, qu’ils ne nous font présent de leur Livre, qu’après l’avoir soumis à l’examen de plusieurs Génies du prémier ordre, qui l’ont épluché avec toute l’attention possible, & qui l’ont honorés de leurs corrections. Après cela, Paroissez, Navarrois, Maures & Castillans. où est le Lecteur assez présomptueux pour se donner les airs de censurer ce qui a eu l’appro-bation des plus habiles gens, & pour oser y chercher les fautes qui ont échappé à la pénétration & au goût sûr de tant d’Esprits sublimes°? Cet Ouvrage heureux n’est pas donné au Public pour exercer son discernement, mais pour occuper son admiration. D’autres se servent avec succès d’un petit tour un peu fripon, mais passablement judicieux. Ils ne disent pas grossiérement qu’ils s’appellent Huët ou Fontenelle ; mais ils vous le font croire comme s’ils n’y touchoient pas, en parlant de quelques-unes des productions de ces Messieurs, comme des leurs propres. Le Public est d’abord étourdi des ces noms respectables, il court en foule se mettre en possession de ce prétendu trésor. Cette ruse est excellente pour le débit du Livre, & pour l’Auteur aussi, s’il écrit pour vivre, & s’il a fait un bon accord avec son Libraire. Ces Messieurs, non seulement font ramper à leurs piés les pauvres Ecrivains, mais ils leur donnent encore une si petite part au gâteau, que tel a gagné cent mille écus par le moyen d’un Ouvrage, qui n’a valu que quatre-cent francs par an à celui qui l’a composé. Mais si l’Auteur travaille pour la gloire, il ne jouit pas fort longtems de celle qu’il a acquise par sa supercherie. Un Lecteur sensé compare bientôt le mérite intrinséque du Livre, avec l’habileté de celui à qui on l’attribue ; il sent bien vite le défaut de la cuirasse ; la fraude se découvre ; & ceux qui ne jugent que par les lumiéres d’autrui, croient que le Livre en question a perdu du tout son mérite en perdant son Auteur, qui étoit l’unique source des perfections qu’ils y développoient d’abord. Il y a une autre tournure de Préface qui est fort à la mode, & qui me divertit extrêmement. J’y vois avec plaisir un Auteur, plein d’une noble fierté, morguer ses Lecteurs, les insulter sur la dépravation de leur goût, se recommander noblement lui-même, comme le prémier homme du Monde. Il renvoie à l’école tous ceux qui avant lui se sont ingérés de traiter le même sujet. Ce sont des Esprits superficiels, qui n’ont pas la force de creuser dans l’essence des matiéres. Il condamne par avance de stupidité ou de prévention, ceux qui ne goûteront pas ses nouvelles Découvertes. Bien souvent un tel Homme réussit auprès du Vulgaire, qui ne sauroit s’imaginer qu’on oseroit se donner tant de talens & de génie, s il n’en étoit quelque chose. Ne voit-on pas tous les jours des gens dont on respecte la capacité, par la seule raison qu’ils se disent grands Hommes°: Mathématiciens, Mèchanistes, Chimistes, Gens à secrets, Chercheurs de Longitudes, il en pleut. Il y a d’autres Faiseurs de Livres, qu’on peut ranger dans la même classe, quoiqu’ils ne fassent pas une parade si ouverte de leur mérite. Ils se contentent d’insinuer par des fanfaronnades un peu modestes, qu’ils n’ont garde de se confondre avec les Ecrivains ordinaires. Ils traitent leurs Collégues impitoyablement. Ils plaignent le Public, accablé de productions insipides. C’est avec le plus vif chagrin, qu’ils voient le Parnasse en proie à mille petits Grimauds, dont le sot orgueil confond le génie avec le desir d’écrire. Un des plus spirituels Hommes de toute l’Angleterre a, selon moi, fort plaisamment turlupiné la sotte vanité de ces Messieurs, qui trouvent tant à redire à la sotte vanité des autres. Il se sert du Conte suivant, que j’ai mis en Vers, afin qu’il y eût quelque chose du mien. Sur un théatre à grand hâte élevé, Un Charlatan, fourbe achevé,Vendoit au poids de l’or à des Niais crédulesSes mensonges & ses pillules.A son côté, Tabarin par ses sauts,Par ses grimaces, ses bons mots.Enlevoit l’ame des Badauts.Pour l’entendre de près, tout le monde s’empresse°;Le Galant avec sa Maîtresse,La Fillette avec Maman,Le Gentillâtre & le Manant°:Les Badauts sont de toute espéce.Grande sans doute étoit la presse.Bien le sentoit certain Qeidam bourru°?Bourru°; mais encor plus ventru :Il essuyoit, tout hors d’haleine,Plus d’un choc, dont la foule accabloit sa bedaine.Il est à bout, il n’en peut plus°;Par des hoquets interrompus,Il prie, il jure, il tempête, il menace.Homme de bien, eh ! mon Ami, de grace,Reculez du moins quelques pas,Vous veriez aussi-bien là-bas.Voyez donc ce Faquin, chargé de sa besace,Qui vient encore ici redoubler l’embarras.Au diable soit ce gibier à soldats,On se passeroit bien de sa chienne de face.Eh°! passe, si tu veux, passe Carogne, passe.Comme ils courent ces Polissons,Ces petits Gueux ; ces Avortons,Si j’en prens un, par la mort je lui casse…Diable emporte la Populace,La peste créve les Bourreaux.Maugrebleu du maroufle & de toute sa race°!Dit enfin, fatigué de ces discours brutaux°:Un Assistant des moins sots°:Range toi-même tes boyauxDans un plus raisonnable espace,Nous aurions tous assez de place.