Zitiervorschlag: Jean-François de Bastide (Hrsg.): "Discours VI.", in: Le Nouveau Spectateur (Bastide), Vol.5\006 (1759), S. 62-85, ediert in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela (Hrsg.): Die "Spectators" im internationalen Kontext. Digitale Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.2132 [aufgerufen am: ].


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Discours VI.

Ebene 2► Allgemeine Erzählung► Vadé avoit une petite commission au Bureau du Vingtième. Il y avoit dans ce même Bureau un Surnuméraire qui ne sortoit point avec les autres à l'heure du dîné. Vadé y fit attention, & surpris de cette singularité, il s'informa de l'état de cet homme : on lui dit que sa pauvreté étoit si grande, qu'un morceau de pain qu'il mangeoit au Bureau, faisoit toute sa nourriture. Vadé n'étoit point riche, mais il étoit généreux & compatissant. On m'a assuré qu'il donna à l'Hôte de ce malheureux de quoi le nourrir pendant un mois ; & de mois en mois, il paya ainsi sa pension, jusqu’à ce qu'il lui eût obtenu un emploi qui le fît vivre. [63]

Ce trait qui fait autant d'honneur à Vadé que ses plus charmans Ouvrages, a été omis dans sa Vie. Voilà le sort de l'Histoire ; elle est souvent plus infidelle que l'Epigramme. Il faudrait qu'elle fût toujours écrite par des Philosophes, & les Philosophes sont rares dans un pays où l’on ne naît point libre, & où le bien commun demande qu'on ne le soit pas. C'est presque toujours l'intérêt ou l'amitié qui se charge de transmettre la mémoire des hommes à la postérité. L'intérêt cherche à flatter le goût de la nation pour laquelle il écrit, & sait de la frivolité ou des prodiges l’essentiel de son Livre, si cette nation est frivole ou enthousiaste ; l'amitié cherche à se satisfaire elle-même y & se gardera bien de tout dire, parce qu'en disant tout, elle sent qu'elle deshonoreroit l'idole qu'elle adore. [64]

J'en fournirai une preuve. Un homme a vécu qui avoit une très-grande réputation ; quelques-uns de ses Ouvrages paieront à la postérité, & il mérite personnellement d'être connu d'elle. Mais cet homme avoit un grand défaut, (il n'aimoit que lui), & il faudroit que ceux qui, pour le faire revivre parmi nous & dans l'autre sphére, se sont attachés à nous apprendre tout ce qu'il a sait & tout ce qu'il a dit d'agréable, se fussent imposé la loi d'éviter d'en faire un Dieu, ou nous eussent peint du moins quelquefois l'homme dans le Dieu. Car il n'y a point d'Etre parfait ; nous n'en admettrons jamais, & nous tomberons même dans une sorte d'indifférence pour l'objet de notre enthousiasme, si nous venons à nous appercevoir qu'on ait voulu nous livrer en enclaves à l'empire de l'admiration. L'amitié a vou-[65]lu écrire une histoire qui n'appartenoit qu'à la philosophie; elle a craint de tout dire , de on a déjà tout oublié ; la philosophie eût tout dit & nous nous occuperions encore de cet homme comme s'il existoit.

Voici un fait qu'on a omis, & qui peint tout son caractere. II donnoit un jour à dîner au célèbre Abbé du Bos C’étoit dans la primeur des asperges. Il lui dit, Abbé ? je vous donne des asperges, mais comme elles sont cheres & que nos goûts différent pour l'assaisonnement, je n'en ai fait prendre qu'une demi-botte, & ma Cuisiniere les partagera. L'Abbé y consentit volontiers. On appella la Cuisiniere, & elle eut ordre d'en mettre une moitié à l’huile, & l'autre moitié au beurre. Le dîné étoit à peine commencé, que l'Abbé se trouva mal & perdit con-[66]noissance dans son fauteuil ; l'homme dont je parle en allant appeller des Domestiques, s'avança vers la porte de la cuisine & cria, Catherine, Catherine, toutes à l'huile, toutes à l'huile.

Je sçais que ce trait dépare furieusement un Dieu, mais j’ai déjà dit & nous sçavons tous, qu'il n'y a point d'Etres parfaits, & nous exigeons la vérité. Il faut écrire l’histoire d'un homme, non pour lui, mais pour les hommes qui doivent tout sçavoir de leurs semblables, pour pouvoir juger du prix de nos propres vertus. Voici une petite aventure, dans laquelle on admirera toute cette fidélité qu'on recommande si vainement aux Historiens. ◀Allgemeine Erzählung

[67] Ebene 3► Brief/Leserbrief► Monsieur,

Cinq ou six de mes meilleurs amis s'ennuyant l'autre jour, & ayant inutilement rêvé pendant une heure à des projets de plaisir, s'aviserent enfin d’aller dîner chez le Suisse de * * *. Ils ne possédoient pas une pistole à eux tous ; & c'étoit une grande raison de renoncer à tout plaisir. Mais l'ennui ! . . . Ah ! l'ennui peut-être dispense des réflexions & excuse les folies.

Ils commanderent un excellent dîné, demanderent du meilleur vin, mangerent beaucoup, rirent davantage, & ne songerent pas un moment à l'embarras où ils se trouveroient lorsqu’il faudroit compter. Ce moment arriva, mais ne fit pas disparoître la gaieté. Un d'eux imagina un expédient des plus singuliers, il en fit part à ses camarades qui l’em-[68]brasserent dans leur transport, & deux bouteilles furent encore bues à la santé de l'inventeur.

Le Domestique du Suisse apporta la carte ; celui qui avoit parlé la prit ; & après avoir jette un coup d'œil sur l'addition, quoi cela ne se monte qu'à trente-six livres ? s'écria-t'il ; eh, parbleu c’est pour rien. Tiens voilà un écu pour toi ; mais il faut que tu nous rendes un service ; nous voulons jouer à Colin-Maillard, on va te bander les yeux, & celui que tu attraperas payera le dîné.

Ce projet fut exécuté. On s'assura bien que le garçon n'y voyoit point, & pendant qu’il cherchoit dans tous les coins, mes amis se sauverent par une porte de derrière. Il y avoit une demi-heure qu'il se promenoit inutilement dans la chambre, lorsque son Maître, surpris de ne le pas [69] voir descendre, monta pour sçavoir ce qu'il étoit devenu. Le garçon se trouvoit pour-lors près de la porte ; & entendant du mouvement, il étendit les bras & ayant saisi le Suisse, ah, vous payerez le dîné, s'écria-t’il. La bile helvétique s'échauffa à l'aspect d'une banqueroute aussi frauduleuse ; & il fait aujourd'hui de très-sérieuses perquisitions pour pouvoir recouvrer son argent.

J'ai cru devoir, Monsieur, vous faire part de cette petite aventure, parce que je sçais que votre intention est de faire entrer dans votre. Livre tout ce qui arrive journellement dans cette immense ville, Je ne fais d'ailleurs aucun tort à mes, amis, dont l’intention est de payer cet homme avant la fin du jour, & je viens moi-même de leur prêter deux louis pour cela.

J’ai l’honneur d’être, &c. [70]

Ce trait est plaisant, & l’ami qui me l'écrit, seroit sans doute un fidéle Historien. Je reviens à mon premier sujet, & je dis qu'il est fâcheux que nous n'aïons pas des caractères plus fidélement déssinés, dans un pays où il y a d'aussi bons pinceaux. On pourrait du moins remédier à l'obstacle qui s'y oppose, en peignant les hommes, non par le récit de leurs actions, mais par une imitation de leurs discours & de leur langage. Le Dialogue seroit d'un merveilleux usage pour cela. J'ai peint Fontenelle, par exemple, de cette maniere, & quelques personnes l'ont retrouvé, autant du moins qu'il est possible d'imiter, & m'en ont sçu gré. C’est dans un Dialogue entre Stratonice & lui, que j'insérai dans le deuxième Mercure d'Avril 1757. Je ferai mieux sentir l'utilité de mon idée, & peut-être [71] produira-t'elle quelques bonnes peintures dans le même genre, en faisant reparaître ce même Dialogue, oublié depuis deux ans, que mes Lecteurs n'ont peut-être pas lû, & auquel d'ailleurs je ne voulus pas mettre mon nom dans le tems. Je profiterai même de cette circonstance pour communiquer au Public un projet que je n'ai pas conçu moi-même, mais que je crois devoir adopter. C’est de faire entrer insensiblement dans cet Ouvrage plusieurs morceaux insérés dans les Mercures, & d'autres qui se trouvent fondus, dans des volumes que j'ai faits dans ma premiere jeunesse & que je n'estime point. Deux motifs m’y engagent. Le premier, de me restituer à moi-même des caracteres que j’ai déjà saisis, & que je ne pourrois plus peindre aujourd’hui sans ce moyen. Le second, de donner à des choses peut-être ingénieusement imaginées, mais mal exécutées, la sorte [72] de perfection dont elles peuvent' être dignes & dont je puis être capable. Si cette raison ne paroît pas suffisante aux esprits difficiles & toujours mécontens, je dirai encore que n’étant pas connu pour être l'Auteur de ces Ouvrages, & sçachant très-certainement que des trois quarts il n'en reste pas dix exemplaires chez les Libraires, il m'est permis de les corriger, de les faire revivre, & de m’en faire honneur si je puis parvenir à me les rendre moins méprisables à moi-même. Par ce moyen, on aura toutes mes productions dans une, & l’on ne sera ni dans l’impossibilité de les acquérir toutes, puisqu'une bonne partie n’existe plus, ni dans la nécessité de dépenser beaucoup d’argent pour se les procurer, parce qu’elles sont nom-breuses. Ce ne sera d’ailleurs que dans la cours de plusieurs volumes que j’exécuterai tout mon projet. ◀Brief/Leserbrief ◀Ebene 3 ◀Ebene 2

Dialogue.

Metatextualität► Stratonice, Fontenelle. ◀Metatextualität

Ebene 2► Ebene 3► Dialog► Stratonice

IL y a long-tems que je vous attends. Assurement vous ne devez pas avoir de regret à la vie.

Fontenelle

Personne n'en doit plus avoir que moi. Je jouissois dans l'autre monde des illusions.

Stratonice.

Vous trouverez ici les vérités.

Fontenelle

Ce qu’elles ont de plus agréable, on le trouve dans les illusions. J'ai vu de près la vérité. Croyez-moi, elle est triste, jalouse de nos plaisirs, inconstante dans ses faveurs.

[74] Stratonice

Vous en faites un beau portrait! Mais je dois peu m'en étonner : Quiconque n’aime pas à la dire, n'aime pas à la trouver ; car à mon égard, vous avez prouvé que vous ne la respectiez pas infiniment.

Fontenelle

J'ai aimé à la dire comme un autre : cela nous fait une sorte de supériorité sur les hommes. Quand nous en avons trouvé quelqu’une, on nous en suppose mille, & notre amour propre jouit de l’erreur publique, qui est toujours un hommage très-flateur.

Stratonice.

Je gagerois bien que cet hommage étoit tout ce que vous ambitionniez en la cherchant & en la disant.

Fontenelle.

Il y a même plus ; quelquefois je la [75] disois avant que de l’avoir cherchée. Je pressentois, je devinois.

Stratonice.

Eh! Ne vous arrivoit-il jamais de vous tromper?

Fontenelle.

Je me trompois souvent ; mais on ne le soupçonnoit pas. On étoit si accoutumé à me croire sur ma parole, on y avoit un penchant si décidé, que le Sçavant le mieux instruit eût été mal reçu à venir me donner le démenti.

Stratonice.

Ainsi donc vous abusiez les hommes.

Fontenelle.

Le mal n’étoit pas grand. Excepté quelques vérités qu'il faut que nous sçachions, & qu'on est dispensé de nous dire, parce que nous les sçavons, toutes les autres sont bien peu de cho-[76]se. La connoissance en est bien inutile, & le profit bien incertain. Supposez-les toutes rassemblées dans la tête d'un homme, il semble d'abord que cela doive le conduire à être heureux. Apparence tout-à-fait fausse : il ne faut qu'un sentiment, qu'une petite fantaisie qui vienne se jetter à la traverse de toutes ces belles vérités, pour faire un malheureux d'un Sçavant. Les prévoyances, les craintes, les regrets l'assiegent. C'est un vent furieux qui renverse un édifice sur celui qui l'a élevé.

Stratonice.

Je ne m'étonne plus, que vous ayez débité avec tant d'assurance des contes faits à plaisir.

Fontenelle.

C’étoit mon droit & mon profit. Comment aurois-je pu me dédommager, autrement, de la peine que j'avois prise de m'instruire, quoique foible-[77]ment ? Il n'y a que le plaisir de pouvoir persuader des fables, qui puisse nous dédommager de l'ennui d'avoir appris des vérités.

Stratonice,

Il falloit du moins vous en tenir à des fables, mais des libelles. . . .

Fontenelle.

Des libelles ! C’est la première fois qu'on m'en a accusé. Non, je n'ai jamais entrepris de m'élever par des moyens si faciles ; ceux qui vous ont donné cette oppinion de moi, n'ont jamais sçu combien j'aimois la véritable gloire, & combien je pouvois réussir par des moyens qui me fussent particuliers.

Stratonice.

Quoi ! N'est-ce pas un libelle que ce beau Dialogue où vous me mettez en conversation avec Didon, & où [78] vous me faites dire avec tant d'indécence, en lui parlant de la vanité des femmes. «Je ne sçais comment vous êtes faite ; mais la plûpart des femmes aiment mieux, ce me semble, qu'on médise un peu de leur vertu que de leur esprit ou de leur beauté. Pour moi j'étois de cette humeur-là. Un Peintre qui étoit à la Cour du Roi de Syrie, mon mari, fut mal content de moi ; & pour se venger, il me peignit dans les bras d'un Soldat. II exposa son tableau & prit aussitôt la fuite. Mes sujets zélés pour ma gloire, vouloient brûler ce tableau publiquement ; mais comme j’y étoit peinte admirablement bien, & avec beaucoup de beauté, quoique les attitudes qu'on m'y donnoit, ne fussent pas avantageuses à ma vertu, je défendis qu'on le brulât, & fis revenir le Peintre à qui je pardonnai»

[79] Fontenelle.

J'entrevoyois que vous étiez fâchée contre moi ; mais en vérité je n'aurois pas deviné que c'étoit pour si peu de chose.

Stratonice.

Comment ! pour si peu de chose ; quel caractere m’avez-vous prêté ? Pour qui les hommes ont-ils dû me prendre ? J'aime à voir votre sécurité. Vous comptez sur les ressources de votre esprit. Je sçais que vous en avez beaucoup; mais le prestige ne s'étend point au-delà de la vie. Les morts n'ont plus d'organes pour recevoir la séduction.

Fontenelle.

Si j’avois autant d’esprit que vous le dites, je séduirois chez les morts comme chez les vivans, & vous-même ne conserveriez pas long-tems votre cour-[80]roux. Mais il n'est pas question de vous séduire, il suffira que vous me permettiez de raisonner ; je ne suis pas assez maladroit pour employer l'art mal-à-propos, & d'ailleurs vous me paroissez si piquée, qu'il est juste que je vous donne des raisons. Vous croyez donc que les hommes, sur le portrait que je leur ai fait de vous, ont dû vous mépriser ? Rassurez-vous ; vous avez emporté l'admiration des trois quarts.

Stratonice.

Voici qui annonce de la métaphysique.

Fontenelle

Prenez garde, Stratonice ; vous vous livrez à la défiance, c'est renoncer à voir la vérité. Daignez vous faire violence. Vous croyez que les hommes vous ont méprisée depuis votre conversation avec Didon ? En verité vous leur faites trop d'honneur. Je veux [81] supposer la philosophie la plus vicieuse dans l'aveu que j'ai mis dans votre bouche. Plus vous y trouvez d'indécence à condamner, plus les hommes y ont trouvé d'esprit à applaudir. Il faut des vices tout-à-fait bêtes pour s'attirer leur mépris. Premierement, ils sont très-vicieux eux-mêmes, & par conséquent ne peuvent pas mépriser aussi aisément que vous vous l'imaginez. En second lieu, ils ont l'esprit foible, l'ame petite ; tout ce qui leur impose, les éblouit, les rappetisse, les subjugue. C’est tout l'effet de la force sur la foiblesse. Or il faut que vous sçachiez que rien n'est plus capable de leur imposer, qu'une philosophie qui brave leurs bienséances, & qui est également appuyée de l'art de bien dire, & de l'audace de dogmatiser. Ce que je vous dis-là, c'est très-sérieusement que je vous le dis ; j’ai vécu cent ans, & jusqu’à mon dernier moment j'en ai fait l’expérience.

[82] Stratonice.

Je conçois qu'on impose aisément aux petits génies. Mais tous les hommes ne sont pas également des machines. Si j'ai emporté l'admiration des trois quarts, cette quatrieme partie dont vous ne parlez pas, & qui voit si bien, a dû me mépriser furieusement. Sans être fort sçavante, je sçais que l'admiration de la multitude est la mesure du mépris des sages & des bons juges.

Fontenelle.

Ces bons juges ont été les premiers à prendre parti pour vous. Vous leur avez inspiré une estime prodigieuse, par l’aveu indécent que vous dites que je vous ai prêté. Il s’en faut bien que je vous eusse rendu un aussi grand service auprès d’eux, en vous faisant débiter les maximes les plus respectables.

[83] Stratonice.

En vérité vous abusez de l'esprit ; mais vous travaillez vous-même à vous punir ; car assurément vous ne vous tirerez pas de l'embarras où vous venez de vous mettre.

Fontenelle.

Je m'en tirerai, très-bien, & avec votre estime. Ces hommes qui voient si bien, respectent les vertus, mais y croient très-peu. Ils sçavent qu'elles ne sont pas familieres avec la nature humaine, & se défient de tous les signes qui la représentent communément. Lorsque ces signes sont si forts, qu’il n’est guere possible qu’ils osent douter, ils donnent des marques d’estime ; mais une défiance insurmontable empêche qu'ils n'aillent jusqu'aux preuves : on voit qu'ils payent un tribut. La froideur de leurs applaudissemens laisse toujours desirer ce charme [84] de la louange qui vient du sentiment & de la conviction. Voilà ce que produit en eux l'étalage d'une vertu ; voici ce que leur inspire l'aveu d'un vice. Je suppose que cet aveu est fait avec beaucoup de naïveté, tel que celui dont vous vous plaignez. Ils connoissent si bien l'empire du faux amour propre, qu'ils sont enchantés de le voir dédaigné par une nature ingénue. C’est un prodige à leurs yeux ; ils ont rarement joui d’un spectacle aussi doux. Ils sçavent que si un vice est toujours condamnable, il n'appartient du moins qu'à une ame qui a des qualités, supérieures, d’en faire l'aveu ; & comme ils sont convaincus qu'il n’y a point d’être parfait, ils regardent ces qualités comme l’équivalent de la perfection.

Stratonice.

Vous verrez que j’ai à vous remercier, & que j’aurois moins d’obligation [85] à un homme qui m'auroit représenté comme une femme vertueuse, qu’à vous qui m’avez fait passer pour une franche coquette.

Fontenelle.

Vous ne seriez pas la premiere qui eût fini par la reconnoissance après avoir commencé par le courroux. Un plaisant vous diroit que les extrémités se touchent dans le cœur des femmes ; mais sans plaisanter, je puis vous dire que vous m'avez quelque obligation. En vous faisant passer pour coquette décidée, je vous ai mis dans le monde à côté des femmes qui ont le plus de célébrité. La réputation de vertu ne vous eût pas valu autant. ◀Dialog ◀Ebene 3 ◀Ebene 2 ◀Ebene 1