Spem longam reseces: dum loquimur fugerit invida
Ætas; carpe diem, quàm minimum credula postero.
Hor. l.i. Ode xi. 6.
Retranchez de vos espérances, ce qui est au delà du peu que vous avez à vivre. A l’heure que je vous parle, les momens semblent nous envier leur jouissance, & se dérobent à nous. Saisissez le jour présent: & par trop de crédulité, ne comptez pas sur le lendemain.
ajoûte-t’il, se passe à ne rien faire du tout, ou à ne rien faire de ce qu’il faudroit, ou à faire toute autre chose que ce que nous devrions: On sait des plaintes continuelles sur la brieveté de nos jours, & l’on agit comme s’ils ne devoient jamais finir. »
Si l’on divise la vie de la plûpart des Hommes en vingt parties égales, on trouvera qu’il y en a pour le moins dix-neuf, qui ne sont que comme de grands vuides, où ils ne s’occupent ni au Plaisir ni aux Affaires. Je ne mets pas de ce nombre ceux qui vivent dans une action continuelle, mais ceux-là seuls qui se donnent du relâche ; & je me flate de leur rendre un bon office, si je leur donne les moïens de remplir ces vuides qui les embarassent.
Le premier de ces moïens est l’exercice de la vertu, à prendre ce mot dans son idée la plus genérale. Les seules Vertus qui regardent la Societé peuvent donner de l’occupation aux Personnes les plus industrieuses, & leur fournir autant d’ouvrage, que la Vie du monde la plus active. Il ne se passe guére de jours, qu’on ne puisse pratiquer les Devoirs qui nous obligent d’instruire les Ignorans, de secourir les Pauvres, & de consoler les Affligez. On a souvent occasion de moderer la violence d’un Parti ; de rendre justice à un Homme de mérite ; d’adoucir les Envieux ; de calmer les Emportez, & de raméner ceux qui sont prévenus. Tous ces Devoirs se trouvent si conformes à la Nature Humaine, qu’ils ne peuvent que procurer un plaisir extrême aux Personnes qui s’en aquitent avec quelque discretion.
La pratique de la Vertu ne se borne pas à occuper les Hommes durant cette vie ; elle porte ses influences au delà du tombeau ; & l’Ame se ressentira, dans toute l’Eternité, des bonnes ou des mauvaises habitudes qu’elle aura contractées ici bas : ce qui nous fournit un autre motif bien puissant pour nous engager à ce Devoir.
Si un Homme n’a qu’un petit Capital à faire valoir, & qu’il ait occasion de l’emploïer tout à son avantage, que dirons-nous de lui s’il en retranche tout d’un coup dix-
Ainsi le sécond moïen que je voudrois mettre en usage, pour nous desennuïer, seroit de nous prêter à quelques Plaisirs utiles & innocens. J’avouë qu’il me paroît indigne d’une Créature raisonnable de se divertir à certaines occupations, dont tout le bien consiste en ce qu’il n’y a point de mal. Je ne sai pas même si l’on en peut dire autant pour aucun Jeu de Cartes ; mais il me semble fort étrange de voir que des Personnes, qui ont de l’esprit, passent douze heures de suite à battre & à couper un Jeu de Cartes, sans avoir d’autre conversation que celle qui naît d’un petit nombre de termes de l’Art emploïez à propos, ni d’autres idées que celles qui viennent des taches rouges ou noires différemment placées sur les Cartes. N’auroit-on pas sujet de se moquer d’un Homme de cette espèce qui se plaindroit de la briéveté de la vie ?
Le Théatre pourroit devenir une source continuelle des Amusemens les plus nobles & les plus utiles, s’il étoit bien ordonné, & réduit à ses justes bornes.
Mais l’Esprit ne se délasse jamais si agréablement que dans l’Entretien d’un fidèle Ami. Il n’y a pas de Bonheur dans la vie
Après cette union intime avec une seule Personne, on devroit tâcher d’avoir un commerce plus générale avec ceux qui peuvent nous instruire & nous entretenir ; deux qualitez, qui vont presque toujours ensemble.
Il y a divers autres Amusemens utiles, qu’il faudroit multiplier, s’il étoit possible, afin d’y avoir recours en cas de besoin, plûtôt que d’abandonner l’Esprit à l’oisiveté, ou à la premiere Passion que le hazard y éleve.
Un Homme, qui a du goût pour la Musique, la Peinture, ou l’Architecture, paroît avoir un autre sens, lorsqu’on le compare avec ceux qui n’ont pas le même génie. L’art de cultiver les Fleurs, & de planter les Arbres, le Jardinage & l’Agriculture, lorsque ces connoissances ne servent que d’accessoire à un Homme riche, sont d’un grand secours à la campagne, & tres utiles a ceux qui les possedent.
Enfin de toutes les Récréations de la vie, il n’y en a point qui soit aussi digne de remplir les heures de notre loisir, que la lecture des bons Livres. Mais parce que cet Article empiéte en quelque manie-
L.