Vous vous souvenez bien aparemment que je vous ai donné Dans le XLV. Discours
quelques avis pour prévenir le chagrin que vous cause la perte de vos
Amans. Mes réflexions là-dessus ne sont pas entiérement épuisées ; en
voici encore quelques-unes dont je vous prie de profiter.
Dès-que vous vous croyez sures du cœur d’un Amant, vous ne manquez
presque jamais d’exiger de lui une soumission qui tient de l’esclavage ;
& vous n’aplaudissez jamais davantage à votre mérite, que quand vous
faites sentir à un pauvre homme votre empire & sa dépendance : vous
voulez avec hauteur que votre volonté soit absolument la régle de la
sienne ; &, selon vous, c’est commettre un crime de léze-tendresse,
que de ne pas prendre vos fantaisies pour autant de loix. Excusez-moi,
Mesdames, si j’ose attribuer
Cette conduite que vous tenez avec vos Amans, a sa source dans l’idée du respect & de l’hommage que votre Sexe croit avoir droit d’exiger généralement du nôtre. On ne sauroit vous desabaser de ce préjugé, sans vous mortifier un peu. Mais d’ordinaire l’utilité qu’on retire de la Raison, est accompagnée d’un peu de chagrin ; & ce n’est que par un peu de mortification, qu’on parvient au bonheur de dissiper des opinions malfondées qui offusquent le jugement.
De grace, Mesdames, en vertu de quoi prétendez-vous qu’un homme doive
avoir plus de respect pour vôtre sexe que pour le sien ? Je ne connois
que quatre sortes de respects. On apelle respect la soumission due à
ceux qui sont au-dessus de nous par le rang. On donne ce nom à la
vénération qu’on accorde à un mérite supérieur. On le donne encore à la
condescendance qu’on a pour les personnes d’un âge avancé. Enfin on
nomme respect, d’une maniére assez impropre, certains égards qu’on a
pour la foiblesse d’esprit de ceux qu’on fréquente ; &
Vous pourrez prétendre aux deux premières sortes de respect, j’en conviens. Mais ce n’est pas en qualité de Femmes, c’est en qualité de Personnes distinguées par le rang & par le mérite. Pour les égards qu’on a pour l’âge & l’imbécilité, je crois que vous y renoncez de bon cœur ; vous achetteriez le respect un peu trop cher, s’il devoit vous coûter votre jeunesse ou votre esprit.
Je vous rens assez de justice, Mesdames, pour croire, que l’erreur où vous êtes sur les hommages que vous exigez de nous, vous vient moins d’un travers d’esprit que de la conduite de vos Amans. Faute de pouvoir gagner votre cœur par leur mérite, ils ont tâché d’y parvenir par la route de la flaterie ; & ne pouvant pas vous donner une tendresse délicate & digne d’un honnête-homme, ils ont voulu vous en dédommager par une lâche soumission.
Je m’imagine encore que la lecture des Romans vous rend de mauvais services sur ce chapitre. Les Héros avec qui votre imagination s’est familiarisée, ont d’ordinaire un vrai caractére d’imbécilité ; leurs égarde pour le Beau Sexe poussés jusqu’à l’extravagance, vous ont mis dans l’esprit que tous hommes doivent se régler sur ces modéles.
Mon raisonnement ne tend point à détourner vos Amans des hommages qu’ils
sont accoutumés de vous rendre, je sai bien que j’y tâcherois en-vain ;
la Raison ne trou-
Il est donc de votre intérêt de manier le cœur de vos Amans avec une dextérité si délicate, que leur joug leur soit caché, & qu’en conformant leurs actions à votre volonté, ils ne croient suivre que les mouvemens de leur propre cœur. De cette maniére votre empire sera doux & durable ; au-lieu qu’il seroit de peu de durée, s’il étoit absolu & violent.
Voilà pour la conduite que vous devriez tenir, ce me semble, avec les Amans qui vous plaîsent. A l’égard de ceux qui n’ont pas le même bonheur, je vous avoue que je suis souvent indigné des maniéres que vous avez avec eux. D’ordinaire vous vous faites un plaisir de nourrir leur tendresse par un accueil favorable, & par des espérances trop fortes ; & ce manége adroit vous procure souvent une cour nombreuse, qui flatte agréablement votre vanité.
Mais comment voulez-vous que cette ma-
Quelques autres d’entre vous se font un plaisir de maltraiter des Amans qui sont assez misérables par leur tendresse infortunée. J’ai entendu des Dames avouer sans façon, que rien ne leur procurait un plaisir plus sensible que les chagrins d’une foule d’Adorateurs malheureux. Ce sentiment n’est point du tout généreux ; la bonté est la plus aimable de toutes les vertus ; & si je crois qu’une Dame est obligée d’ôter l’espérance à ceux qu’elle ne sauroit aimer, je crois aussi que jamais elle ne doit leur marquer ni colére ni mépris. Ne vous imaginez pas, Mesdames, que ces rigueurs mal entendues puissent obliger votre Amant favori, s’il est honnête homme ; elles sont plus propres à vous faire perdre son estime ; il ne la sauroit accorder aux plus belles qualités du monde, si elles ne sont pas accompagnées d’un cœur humain & généreux.
J’ai bien lieu de craindre que les réflexions que je viens de faire, ne
soient d’une nature à ne vous être pas agréables. On dit qu’un don-
Monsieur,
J’ai vu avec un extrême plaisir & . J’ai été fort aise aussi de voir le texte pris de la
Tragédie de la mort de ; & il n’y a
pas une ligne dans cette petite Piéce qui ne mérite un éloge. Vous
pouvez vous souvenir de ce que je vous dis sur celui qu’il a sait
sur les Bons-mots, lorsque je l’ai lu chez vous la première fois :
c’est qu’il auroit pu y raporter cet endroit de
Lorsque je lus l’Histoire qu’il raporte de le vieille
Cour, sur la bonne mine de , j’aurois bien souhaité qu’il eût appuyé ce qu’il dit
aux Dames là-dessus, d’un Madrigal que fit pour , qui je trouve fait dans le
même esprit
que toute la Piéce de votre Auteur, ainsi que vous
l’allez voir.
Voilà, ce me semble, qui auroit pu être enchassé avec
grâce dans cette jolie Piéce ; je vous en dirai davantage une autre
fois &c.
Le dernier vers de ce joli Madrigal paraîtra peut-être un peu gaillard,
mais le Siécle de
Cette modestie affectée faisoit la matiére de toutes les Préfaces, & le dégoût du Public força enfin les Auteurs à changer de stile. Alors on commença à convenir de son orgueil, moins par amour pour la franchise, que pour dire quelque chose de nouveau. Ce tour est devenu usé comme l’autre ; & pour varier, les Ecrivains commencent à chanter pouille dans leurs Préfaces, à tous ceux qui ne goûtent pas leur maniére d’écrire. Ce sujet est d’ordinaire assez fertile, & peut fournir sans peine quelques centaines de pages.
Peut-être y aura-t-il des Lecteurs qui me pardonneront de communiquer au
Public les éloges qu’on me donne, lorsqu’ils considéreront que je n’ai
point fait scrupule aussi d’insérer dans mon Ouvrage les critiques du
Poёte sans Fard. Mais je les dispense de m’excuser par-là. La modestie
n’a point eu de part dans cette action ; j’ai fait part au Public des
censures de cet Auteur, par le même
. n’est point inférieur aux deux
précédens ; & Mr. D. B. . . . & moi avons pris beaucoup de plaisir à la lecture qui nous en a
été faite. Elle n’a pas été plutôt achevée, que j’ai encore
trouvé dans ma mémoire quelques Vers de , par
où l’Auteur auroit pu finir fort agréablement ; les
voici.
Au reste, Monsieur, je commence à me persuader que
Monsieur votre aura
grand’ peine à demeurer longtems caché ; mais ce sera toujours
un grand avantage pour lui, de pouvoir lever le masque avec
bonneur, &c.