Autrefois elle s’opposoit avec vigueur à ceux qui venoient porter la
guerre dans
A présent toute la ressource qu’elle trouve contre ceux qui vienneut la ravager, c’est sa souplesse. À la moindre apparence d’orage elle plie avec prudence, & accoutumée à se voir le jouet de différons vents, elle se déclare toujours pour celui qui soufle.
Cette conduite n’est pas si propre à embellir les Histoires, & à
s’attirer l’admiration de l’Univers, que celle des Italiens d’autrefois : mais elle est sensée ; & ce qui
est sensé, vaut d’ordinaire mieux que ce qui est admirable.
Si les Nations étrangéres font ainsi les maîtres dans l’
Ce n’est pas qu’elle suive les traces de l’Italiens d’à-présent y
plus habiles que leurs ayeux, ne trouvent pas nécessaire d’avoir
dans chaque Province de leur domination un Proconsul, qui, ac-Arminius, je crois que la gloire du Sénat
& du Peuple Romain n’étoient guéres
propre à les consoler de la rigueur de leur sort. Une grande partie
du Monde ne laisse pas d’être tributaire de l’
Ce que j’avance-là seroit un paradoxe, s’ils vouloient extorquer les tributs de haute lute ; mais ils ne s’y prennent pas par la force : rien n’est d’ordinaire plus pacifique que cette Nation, & elle paroit avoir compris tout le sens de cette maxime :
Lorsque l’on est poltron, on en vit plus longtems.
De ces deux ou trois mille détachés, c’est assez d’un seul dans une
grande Ville, & même dans toute une Province. Celui-ci pour
parvenir surement à son but, n’a besoin, pour tout équipage, que
d’une Chocolatiére, de deux livres de Tabac, de quelques Tabatiéres
de
Leurs ancêtres exerçoient leur empire sur les corps de ceux qu’ils
avoient vaincus, sans pouvoir en gagner l’esprit : mais ces
Messieurs-ce, par un triomphe infiniment plus glorieux, commencent
par se rendre maîtres de l’esprit & du cœur ; & de-là ils en
viennent tout doucement à la bourse, qui s’ouvre toujours devant un
habile Italien, eut-elle résisté mille fois
aux attaques du plus fin Gascon. On ne se
croit pas dupé comme il faut, quand on ne l’est pas de leur façon ;
n’auroient-ils pas tort de laisser l’adresse de leur esprit
infructueuse ? Tout le monde enrage d’être fourbé, ce seroit manquer
de charité que de refuser ce plaisir à son prochain, & je ne
vous pas qu’en conscience on s’en puisse dispenser, sur-tout quand
on y trouve aussi son petit compte. Celui-là même qui s’aperçoit
d’avoir été l’objet de la charité de ces Messieurs, n’en fait que
rire ; ils n’ont fait que leur métier, & plus ils le font
habilement, plus ils sont estimables.
Croiroit-on bien qu’ils profitent des dépouilles des ennemis,
quoiqu’ils soient fort éloignés d’aimer la guerre ? Rien pourtant
n’est plus vrai ; & ces jeunes Officiers, dont leurs maisons
sont continuellement remplies, ne sont qu’autant de leurs
émissaires, qui vont piller l’ennemi par commission, & qui
viennent verser à leurs piés tout ce qu’ils ont gagné pendant toute
une
En-vérité cet hommage leur est bien dû, ils ont un génie si
transcendant, ils savent si bien aplanir toutes les avenues qui
ménent aux piéges les plus grossiers par eux-mêmes, qu’il faudroit
être Italien comme eux pour n’y pas donner.
Veulent-ils par exemple vous débiter à un prix exorbitant du Tabac
dont les Palfreniers ne voudroient pas pour rien, ils sauront
d’abord mettre finement votre vanité dans leurs intérêts. Ils vous
persuaderont que ce Tabac n’est pas pour les nez vulgaires, qu’il
faut avoir le goût fin pour en savourer toute
la délicatesse, & qu’il n’y a que les savans preneurs de Tabac
qui en connoissent tout le mérite Vous voilà pris, & vous êtes
réduit à payer chérement ce qui ne vaut rien, ou à renoncer à la
gloire d’avoir le nez plus habile que les autres. Pour peu que je
fusse ami de la pagnotterie, je dirois que cela s’apelle rendre les
gens par le nez d’une maniére bien fine.
Je sai bien que l’adresse de l’esprit qui sait se liguer avec la
vanité des hommes pour les attraper mieux, n’est pas si particuliére
à l’
Mais la finesse des autres Nations est gênée d’ordinaire par quelques
restes de probité, & par quelques scrupules incommodes, qui
l’empêchent de déployer ses talens avec une entière liberté. La
Conscience n’exerce guéres son empire en
Dans un cœur Italien l’industrie a les coudées franches : n’ayant aucun ennemi
domestique à combattre, elle peut déployer toute la vigueur contre
les ennemis du dehors ; & c’est soutenir qu’elle en vient
d’ordinaire à bout, que d’avancer qu’elle ne sauroit échouer que
contre un cœur modeste, & un esprit dégagé de la chimére.
On peut dire que la Monarchie Universelle des Italiens a eu trois différens périodes. Dans le prémier
elle étendoit son empire d’une maniére dangereuse & brillante ;
une Province conquise lui facilitoit la conquête d’une autre, &
ses forces s’augmentoient toujours à proportion qu’elles
s’éloignoient de leur centre. Cet Empire trouva enfin son plus fatal
ennemi dans sa propre grandeur, & tomba sous le faix de ses
propres forces. De cette maniére le période des Armes fit place à
celui de la Superstition. Alors un seul Vieillard décrépit savoit
remplacer lui seul de nombreuses Armées, & à la faveur des
ténèbres de l’ignorance exercer un pouvoir tirannique sur les ames
des plus puissans Monarques, qui si faisoient une groire de leur
foiblesse pour
L’Italienne, leur ravisse un empire qu’ils ont exercé
jusqu’ici si dignement.
apostropha les Romains à
peu près de cette maniére.