Ambitione malâ, aut argenti pallet
amore,
Quisquis luxuriâ; tristive superstitione,
Aut alio mentis
morbo callet : huc propiùs me,
Dum doceo infanire omnes, vos ordine
adite.
Hor. L. II. Sat. III. 77
Je prie les avares & les ambitieux de
m’entendre tranquillement. Vous, débauchez ; & vous
supersticieux ; vous tous enfin qui avez l’Esprit blessé, approchez
& écoutez-moi les uns après les autres atentivement ; & je
m’en vas vous faire voir qu’il n’y en a pas un de vous qui ne soit
fou.
Tillotson traite les Fainéans qui n’ont aucune prudence ni
pour cette Vie ni pour l’autre, de véritables
Fous. Ils ne se proposent aucun but, & ils se laissent
entraîner à tous les Vents qui souflent. Il seroit donc inutile de
leur donner des Avis, que peut-être même ils ne voudroient pas lire.
Ainsi resolu de ne pas les fatiguer par un long Discours, je les renvoïerai avec ce mot de le travail est autant préferable à l’oisiveté, que
le poli d’un Métail l’est à la rouille.
Les recherches des Hommes actifs & laborieux sont, d’un côté,
dans les sentiers de la Religion & de la Vertu ; ou, de l’autre,
dans le grand chemin des Richesses, des Honeurs ou des plaisirs. Je
comparerai donc les poursuites de l’Avarice, de l’Ambition & de
la Sensualité avec les Vertus qui leur sont ; opposées ; &
j’examinerai lequel de tous ces Principes engage à plus de travail,
de fatigue & d’assiduité. La plûpart des Hommes avouent,
lorsqu’ils raisonnent de sang froid, qu’une Vie sainte &
En premier lieu, l’Avare a plus d’industrie que le Saint ; la peine
d’aquerir, la crainte de perdre, & l’incapacité de jouïr de ses
richesses ont fait, de tout tems, le sujet de la plus vive Satire.
Si son repentir pour avoir négligé un marché avantageux, douleur
d’avoir été la Dupe d’un autre, son esperance d’augmenter son
Capital, & sa crainte de tomber dans la misere, se tournoient
vers leurs véritables Objets, elles formeroient autant de Graces
& de Vertus Chrétiennes. II peut s’appliquer une bonne partie
des soufrances que J’ai été
en peril sur les Fleuves, en péril des Voleurs; en péril au
milieu des faux Freres. J’ai soufert des travaux & des
fatigues, beaucoup de veilles, la faim, la soif, des jeûnes
fréquens, la soif & la nudité. Avec combien s’amasser
des trèsors au Ciel ; ou s’il m’est permis d’emploïer ici
l’expression d’un grand Philosophe, ne pourroit-il pas aquerir des richesses, qui ne craignent ni les
Armes, ni les Hommes, ni Jupiter même !
En deuxiéme lieu, si nous considerons les travaux de l’Ambitieux dans
le même jour que nous avons regardé ceux de l’Avare nous tomberons
facilement d’accord qu’il ne faut pas à beaucoup près tant
d’embarras pour s’élever à une Gloire solide & durable, que pour
en aquerir une fragile & passagere ; ou, pour me servir d’autres
termes, qu’il est plus aisé de mériter les Honeurs de ce Monde, que
de les obtenir. L’Ambitieux devroit se rapeller les regrets du
Si j’avois servi Dieu avec la même
ardeur qui m’animoit pour le service de mon Roy, il ne m’auroit
pas abandonné dans ma vieillesse. Le Cardinal adoucit les
termes & cache son Ambition sous le prétexte specieux de servir son Roy, mais, à les prendre dans leur
véritable sens, ils veulent dire que si, au lieu d’être enflamé par
l’Ambition, il avoit agi par un principe de Vertu, il en auroit
senti les consolations à la fin de sa vie, lorsque tout le monde lui
tourna le dos.
Voici à quoi tout se reduit. L’Homme est une Créature agissante. Soit
qu’il marche dans les sentiers de la Vertu ou du Vice, il ne peut
que rencontrer bien des dif-