Implevit, stellasque vagas miratur, & astra
Fixa Polis,
vidit quanta sub nocte jaceret
Nostra dies, risitque sui ludibria
tronci.
Lucan. Lib. IX. 11.
Après que l’Ame de ce Héros, remplit d’une
lumiere céleste, eut admiré le cours des Etoiles & des Astres
qui brillent à l’un & à l’autre Pole, elle s’aperçut que nos
jours ici bas sont couverts de terribles nuages, & sentit bien
le ridicule de tous les amusemens qu’elle y avoit eu.
Spectateur
« Les Lieux communs que les Orateurs mettent en usage contre l’Orgueil de l’Homme, sont pris de la bassesse de son origine, des imperfections de sa Nature, & de la courte durée de ces biens, dont il se glorifie. Quoi qu’il n’y ait rien en nous qui dût exciter notre Vanité, avec tout cela un sentiment interieur de notre merite peut quelquefois être louable. Le mal donc consiste en ce que, d’un côté, nous sommes prêts à nous enorgueillir de niaiseries, ou même de choses indignes, & que, de l’autre, nous regardons comme deshonorable, ce qui fait notre solide gloire.
De là vient que ceux qui sont avides
Le plus sûr moïen pour juger de nous est d’examiner de près ce que nous estimons ou que nous méprisons dans les autres. Un Homme qui se vante des biens de la Fortune, d’un Habit magnifique, ou d’un nouveau titre d’Honeur se rend par-là ridicule. Ainsi nous ne devrions pas admirer en nous-même ce qui nous engage à nous moquer des autres.
Il y a beaucoup moins de raison à nous enorgueuillir de ce que nous
mépriserons certainement quelque jour. Malgrè tout cela, si nous
voulons reflechir sur les divers changemens que nous avons essuïé
& ceux qui nous attendent encore, nous trouverons que plus notre
A mesure que nous passons de l’Enfance à la Jeunesse, nous regardons avec dédain les Jouets & les Amusemens qui avoient fait jusques-là tout notre plaisir. Lors que nous approchons de l’âge viril, on nous estime vertueux à proportion de la honte & du regret que nous avons pour les desordres & les égaremens de la Jeunesse. La Vieillesse est pleine de reflexions mortifiantes sur une vie mal emploïée à se procurer des biens & des Honeurs incertains. A suivre cette gradation de pensées, on peut conjecturer avec assez de fondement, que, dans le Siécle à venir, la Sagesse, l’Experience & les Maximes de la Vieillesse seront regardées, par un Esprit separé de son Corps, à peu près du même œuil, dont un Vieillard regarde aujourd’hui les folies & les badinages des Enfans. Les Pompes, les Honeurs, la Politique & les Ruses des Hommes faits paroîtront alors aussi ridicules que tous les Jeux & les Exercices qui occupent aujourd’hui toute l’adresse, la force & l’ambition des Créatures raisonnables depuis l’âge de quatre ans jusqu’à neuf ou dix.
du Coq &
du Renard, fait, pour le Coq son Heros un petit Discours
qui ne quadre pas mal avec ce que je viens d’avancer :
Je conclus sur le tout, que nous ne devons nous estimer que
pour ces choses que des Etres superieurs croient dignes d’estime ;
puisque c’est le seul moïen de ne perdre jamais la bonne opinion que
nous avons de nous-mêmes. »