Rectè beatum, rectiùs occupat
Nomen beati, qui Deorum
Muneribus sapienter uti,
Duràmque callet pauperiem pati,
Pejusque letho flagitium timet ;
Non ille pro caris amicis,
Aut patriâ timidus perire.
Hor. Lib. IV. Ode X. 45
Ce ne sont pas les grands biens qui rendent l’Homme heureux : celui-là l’est à plus juste titre, qui fait user avec sagesse des présens que lui font les Dieux ; qui a le don de soufrir avec patience la pauvreté ; & qui redoute le crime plus que la mort. Un Homme de ce caractere est toujours prêt à s’immoler pour ses Amis & pour sa Patrie.
Si l’on reflechit sur les inquietudes mortelles que cause cette Passion, & sur la violence de ses effets, on verra que l’on court bien du risque à s’y abandonner pour de legers accidens. Quelques uns en ont perdu l’esprit, & d’autre la vie. Tout le monde sait l’avanture de cet Homme, qui agité par la crainte devint grison dans l’espace d’une nuit, & que cela même a fait dire à Lib. IV. Epigr. VII.
« O nuit, que tu dois avoir été longue, puis que celui qui s’étoit couché le soir fort jeune s’est trouvé le matin un Vieillard. ! »
Ces Fraieurs, si elles viennent du sentiment du Crime, sont de justes remors de la conscience, qui peuvent exciter la pitié, mais qui n’admettent point de remede. Lors que la main du Tout-puissant est le-
Chap. XVII. 1.-4. 10. 11. 19. 20.« Vos jugemens sont grands, ô Seigneur, & vos paroles sont ineffables. C’est pourquoi les Ames sans science se sont égarées. Car les mechans s’étant persuadez qu’ils pourroient dominer la Nation sainte, ont été liez par une chaîne de ténebres & d’une longue nuit, & renfermez dans leur maison ; ils ont langui dans cet état, malgré les efforts qu’ils faisoient pour se soustraire à cette providence qui ne cesse jamais d’agir. Et s’imaginant qu’ils pourroient demeurer cachez dans la nuit obscure de leurs pechez, ils se trouverent dispersez & comme mis en oubli sous un voile de ténebres, saisis d’un horrible effroi, & frapez d’un profond étonnement. Les lieux secrets où ils s’étoient retirez ne les garantissoient pas de la crainte, parce qu’il s’élevoit des bruits qui les effrayoient, & qu’ils voyoient paroître des Spectres afreux qui les remplissoient encore d’épouvante. — Car comme la méchanceté est timide, elle se condamne
Lors que tout le reste du monde étoit eclairé d’une lumiere très-pure, & s’occupoit à son travail sans aucun empêchement ; Eux seuls se trouvoient accablez d’une profonde nuit, image des ténebres qui leur étoient reservées, & ils étoient devenus plus insuportables à eux-mèmes que leurs propres ténebres.
On ne sauroit offrir aucun remede pour une crainte si bien fondée ; mais un Homme qui n’a pas de grands reproches à se faire, qui suit le droit chemin de la Vertu, & qui, malgré tout cela, soit par foiblesse de temperament, ou par la tyrannie des préjugez, ou le manque de bonnes reflexions, se laisse entraîner à cette lâche & indigne passion, cet Homme là, dis-je, devroit considerer qu’il ne doit craindre que le Monarque supréme de l’Univers, cet Etre bienfaisant, qui est son Ami, son Protecteur & son Pere. Si cette seule pensée étoit enracinée dans l’esprit, quel malheur, quel revers seroit capable de nous éfraïer ? Qu’est-ce qui peut nous rendre infames,
La description qu’
C’est-à-dire, « un Homme irreprochable & solidement vertueux n’est ébranlé ni par la fureur d’un Peuple, qui le presse d’autoriser d’injustes Loix ; ni par les instances d’un Tyran qui le menace. Le Adriatique ; ni le tonnere lancé par la puissante main de
Pour nous delivrer d’autant plutôt des craintes mal-fondées, il n’y a qu’a considerer en premier lieu, que ce que nous craignons peut ne pas arriver. Quelque soin que les Hommes prennent à former leurs Projets, quelque exactitude qu’ils y observent, la moindre petite circonstance qui vient à manquer, ou qui peut survenir, est capable de les renverser. Celui qui dirige le cœur de l’Homme comme il lui plait, & qui decouvre nos pensées de loin, peut, par un million d’accidents, ou par une action immédiate sur nos facultez spirituelles, deconcerter les trames les plus sourdes & les plus subtiles, & les tourner à l’avantage de ses fideles serviteurs.
En deuxiéme lieu, quand le mal qu’on craint arriveroit, il peut être beaucoup plus suportable qu’on ne se l’imagine. S’il n’y a point de Prosperité dans la vie qui ne soit accompagnée de quelque revers, on peut dire qu’il n’y a point d’Adversité qui n’ait son bon endroit. Demandez aux
Enfin nous devons nous consoler dans cette pensée, que, si ce que nous craignons ne nous ateint pas, nous pouvons aussi ne le pas ateindre nous-mêmes, & mourir avant que la chose arrive. Celui qui connoit nos foiblesses & qui ne permet pas que nous soïons exposez à des épreuves au-dessus de nos forces trouve souvent à propos de nous en garantir par une mort precipitée ; & c’est ce qu’on peut appeller une severité gracieuse.
Si nous lui demandons avec ardeur son divin secours, nous ne risquerons pas de