Hor. A. P. vs. 12.
Mais ce droit ne s’étend point jusqu’à forcer
la Nature, unir ensemble les Bêtes farouches & celles qui sont
apprivoisées, les Oiseaux & les Serpens, les Tigres & les
Agneaux.
Discours. Le défaut dont je veux parler
est le mêlange de Métaphores incompatibles les unes avec les autres
qui ne paroit que trop souvent dans quelques-uns de nos Auteurs
habiles, & qui ne manque jamais de se trouver dans tous nos
ignorans sans en excepter aucun.
Pour mettre cette matiere dans tout son jour, j’observerai d’abord
que la Méta-
Quoique l’absurdité dans cet Exemple saute aux yeux, on peut dire
avec tout cela que, toutes les fois qu’on joint ensemble des
Métaphores discordantes, on tombe plus ou moins dans le même défaut.
Nous avons déja dit que les Métaphores sont des Images des choses
qui frapent les Sens. De Les pesans coup de sonet,
dit un Auteur célebre, qui sont tombez de votre
plume, &c. Il avoit sans doute entendu parler du siel qui tombe d’une plume, & de donner le
fouet dans une Satire ; de sorte que resolu à tout prix de
joindre ces deux traits ensemble, il en fit ce beau galimathias. On
sentira mieux l’absurdité de ces unions monstrueuses, si l’on supose
que ces Métaphores ou ces Images sont peintes actuellement.
Representez-vous donc une main qui tient une plume, avec plusieurs
coups de fouet qui en partent, & vous aurez alors une
description naïve de cette sorte d’Eloquence. Je croi que, par cette
seule Regle, on pourra juger de l’union de toutes les Métaphores,
& déterminer qu’elles sont les homogénes,
& qu’elles sont les heterogénes ; ou,
pour me servir de termes plus familiers, quelles sont les
compatibles, & quelles sont les incompatibles.
« Après tous les pesans coup de fouet qui sont tombez de votre plume,
vous avez sujet d’attendre, en échange, tout le poids que mon Encre
pourra charger sur vos Epaules. Vous avez decoché sur Billingsgate-Language, pour dire ce
qu’on apelle en France le Langage des
Harangeres.&c. »