Ovid Metam. L. IV. 287.La cause en
est cachée ; mais l’effet en est très-connu.
grand, extraordinaire, ou beau donne du
plaisir à l’Imagination ; mais il faut avouer qu’il nous est
impossible d’assigner la véritable Cause de ce plaisir ; parce que
nous ne connoissons ni la nature d’une Idée, ni la substance de
l’Ame. Si l’une & l’autre nous étoient connues, cela pourroit
nous aider à découvrir la conformité ou l’opposition qu’elles ont
ensemble. Mais puis que cette lumiere nous manque, tout ce que nous
pouvons faire dans les recherches de cette nature, c’est de
reflechir sur les operations de l’Ame qui sont les plus agréables,
& de ranger, sous certains Chefs généraux, ce qui plait ou
déplait à l’esprit, sans être en état de remontrer jusques aux
Causes efficientes qui produisent le Plaisir ou le Dégoût.
Pour les Causes finales, il y en a tant qui apartiennent au même
Effet, qu’il nous est plus aisé de les découvrir, & quoi
qu’elles ne soient pas aussi satisfaisantes que les autres, elles
nous sont d’ordinaire plus uti-
Une des Causes finales du Plaisir que nous trouvons dans tout ce qui
est grand peut être celle-ci. Le souverain
Monarque du Monde a formé l’Esprit de l’Homme d’une telle maniere,
qu’il n’y a que lui seul, & la contemplation de son Etre, qui
puisse faire son véritable Bonheur. Afin donc que nos Ames eussent
du goût pour cette contemplation, il les a faites en sorte qu’elles
se plaisent naturellement à reflechir sur ce qui est grand &
sans bornes. Notre Admiration, qui est une sécousse fort agréable de
l’Esprit, ne manque jamais d’être excitée lors qu’il vient à
considerer un Objet qui occupe beaucoup de place dans l’Imagination,
& ne peut ainsi que se changer en une profonde veneration lors
que nous contemplons la Nature Divine, qui n’est bornée ni par le
Tems ni par le Lieu & que la plus vaste Capacité de tous les
Etres créez ne sauroit bien concevoir.
Dieu a joint un plaisir secret à l’Idée de tout ce qui est nouveau ou extraordinaire, pour nous engager à étendre nos
connoisances, & nous animer à la recherche des merveilles de sa
Création ; car chaque nouvelle Idée est suivie de tant de plaisir,
qu’il nous dédommage bien de la peine que nous avons euë pour y
arriver, & qu’il nous sert de motif à pousser plus loin nos
découvertes.
beau dans chacune de
leurs Espéces, afin qu’elles fussent portées à se multiplier & à
remplir le Monde d’Habitans. Aussi est-ce une chose digne de
remarque, que, par tout ou la Nature est forcée à produire un
Monstre, qui résulte d’un mêlange opposé à son train ordinaire, la
Race est incapable de se perpetuer & de fonder un nouvel Ordre
de Créatures ; de sorte que, si tous les Animaux n’étoient amorcez
chacun par la beauté de son Espéce, la Multiplication finiroit,
& la Terre seroit dépeuplée.
Enfin il nous a rendu agréable tout ce qu’il y a de beau dans les
autres Objets, ou plutôt il les fait paroitre beaux, afin que toute
la Création en soit plus gaie & plus divertissante. Il a donné
le pouvoir à presque tout ce qui nous environne d’exciter une idée
agréable dans l’Esprit : en sorte qu’il nous est impossible de
regarder ses Ouvrages avec froideur ou indifference, & de voir
tant de beautez sans un plaisir secret. Les objets ne plairaient
guère à l’œuil, si nous apercevions la véritable figure de leurs
moindres parties & leurs mouvemens. Quelle raison pourroit-on
alléguer de toutes ces idées qu’ils excitent en nous, si différentes
de tout ce qui se trouve en eux-mêmes, comme sont la Lumiere &
des Couleurs, si Dieu ne les avoit destinez à servir d’ornement à
l’Univers, & à le rendre plus agréable à l’Imagination ? Nous
Il est aisé de voir que je supose ici mes Lecteurs instruits d’une
découverte moderne, & reconnue pour vraie de tous la Physiciens,
je veux dire que la Lumiere & Locke, ou au Chapitre VIII. du Livre II. de son Essai philosophique concernant l’Entendement
Humain.
O.