Cicer.Si nous sommes nez pour exercer la bonne Foi, nous
devons la rechercher uniquement, & l’estimer d’un plus grand
poids que toute autre chose.
Honeycomb me faisoit hier ses plaintes de ce que les mœurs
de la Ville ont si fort changé depuis quelques années, qu’un Homme
poli n’est pas moins embarrassé à entamer la Conversation, qu’à
discourir sur les sujets qu’on y traite d’ordinaire. Il prétend
qu’il y a un Mal aujourd’hui sous le Soleil qui étoit inconnu aux
siécles passez ; puis qu’aucun Poëte satirique, ou Ecrivain de
Morale n’en a fait aucune mention : Depuis que le Monde est créé,
dit-il, jamais les Hommes n’étoient Charles
ii, il n’y avoit aucun Fourbe un peu
distingué au-dessous de l’âge de quarante ans ; &
qu’aujourd’hui, dans tous les Endroits où l’on converse, vous
n’entendez parler que d’établir sa fortune, sans avoir égard à la
nature des moiens qu’on y emploie. Cette ambition déréglée est si à
la mode, que la Jeunesse néglige tout ce qui aproche de la Candeur,
de la Franchise & de la Vertu : Ils afectent même de paroitre
pires qu’ils ne sont, & ils témoignent, par leurs actions &
leurs discours, qu’ils n’ont pas la moindre estime pour l’Honeur
& la bonne Foi : Pourvû qu’ils viennent à bout de leurs
desseins, ils ne se mettent pas en peine du reste. Ils se font une
sote vanité de leur finesse, quoi que de courte durée & qu’il
n’y ait que de petits Esprits, des Ames basses & rampantes, qui
l’aprouvent. Mais, sans examiner ici les tours que l’Artifice met en
usage, pour en imposer aux Il semble que l’Auteur veuille
parler de l’Archéveque Autorité de grand
poids, pour faire voir qu’il n’y a que la Sincérité qui soit capable
de soutenir jusques au bout les intérêts & la fortune d’un
Homme.
On ne sauroit joüer long-temps un autre Personnage que le sien
propre ; &, quelque habile que l’on soit, tôt ou tard
La Verité ne se dément jamais, & n’a besoin d’aucune aide pour se
découvrir, elle est toûjours sur les lévres, & prête à s’échaper
lors qu’on y pense le moins. Il n’en est pas ainsi du Mensonage ; il
est incommode ; il met l’Esprit à la torture, & il demande
plusieurs mau-
Ajoutez à ceci que la Franchise aide bien dans l’expedition des
affaires ; elle attire une grande confiance à ceux qui la
possedent ; elle épargne de longues recherches, & va droit au
but en peu de mots : Elle ressemble à un grand Chemin uni &
batu, qui conduit plûtôt & plus sûrement au Gîte, que des
sentiers detournez, où l’on risque de s’égarer. D’ailleurs, quelque
commodité que l’on trouve dans la Dissimulation, elle n’est pas de
longue durée ; mais l’inconvenient qui on resulte ne finit jamais ;
parce qu’elle
Il m’est venu souvent dans l’esprit, que Dieu, par un trait de son infinie sagesse, a caché aux Fourbes & aux Hypocrites les avantages qui nous y reviennent de la Candeur & de la Franchise, quand nous n’aurions en vûe que nos intérêts temporels : L’Avarice & l’Ambition les aveuglent à un tel point, qu’ils recherchent, par toutes sortes de voies, leur intérêt present, & qu’ils n’ont aucun égard aux avantages éloignez, quoi que certains, de la bonne Foi. S’ils étoient capables de les découvrir, ils seroient honnêtes Gens, non pas tant par un principe de Vertu , que de Friponnerie, & dans l’esperance d’arriver plûtôt à leur but. C’est ainsi que la Justice Divine leur a caché ce veritable trait de Sagesse, afin qu’ils ne fussent pas à niveau des Gens d’honneur, & qu’ils n’executassent pas leurs iniques projets par des moïens légitimes.
Il faut avouer que, si un Homme ne devoit être dans le Monde qu’un
jour, s’il n’avoit rien à démêler avec ceux de son Espèce, &
s’il n’avoit besoin ni de
T.