XVIII. Discours Anonym Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Michaela Fischer Mitarbeiter Stefanie Lenzenweger Mitarbeiter Martin Stocker Mitarbeiter Katharina Tez Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 18.07.2019 o:mws-117-941 Anonym: Le Spectateur français ou le Socrate moderne. Paris: Etienne Papillon 1716, 113-119 Le Spectateur ou le Socrate moderne 1 018 1716 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Gesprächskultur Cultura della Conversazione Culture of Conversation Cultura de la Conversación Culture de la conversation Cultura da conversação France 2.0,46.0

XVIII. Discours

Accurrit quidam notus mihi nomine tantum,Arreptáque manu : Quid agis, dulcissime rerum?

Hor. L. I. Sar. IX. 3, 4.

C’est-à-dire, Certain Avanturier, que je ne connoissois que de nom, m’aborde, & me serrant la main : Hébien, dit-il, le plus agréable de tous les Hommes, comment va la santé?

Il y a dans cette Ville quantité de Personnes de néant, ou d’un fort petit mérite qui ne font point du tout propres pour la conversation des Gens d’Esprit, & qui, malgré tout cela, ont une sotte envie de vouloir paroître familiers avec ceux qui ne les estiment guéres. S’ils vous trouvent dans le Parc, ils ne manquent pas de vous joindre, quoique vous vous promeniez avec des Dames ; si vous allez boire une bouteille de vin dans un Cabaret, ils sont d’abord à vos trousses. Ce qui rend cette espece de Fats d’autant plus incommodes, c’est qu’ils ne choquent ou qu’ils ne plaisent pas jusqu’à un point qui vous oblige à prendre connoissance d’eux à l’un ou à l’autre égard. Je m’imagine que les Personnes, qui m’ont écrit les deux Lettres suivantes, afin que je les publiasse, voudroient bien se délivrer de pareils Importuns. Je leur obéïs ; mais je ne leur réponds pas du succès. Quoi qu’il en soit, un vieux Garçon qui a du merite, & qui va tous les soirs à une certaine heure, boire sa dose de vin rouge dans un Cabaret, y est fatigué par une foule de ces gens-là. Sûrs de l’y trouver toujours avec un bon feu dans sa Chambre, & de n’y manquer pas de place, ils se sont avisés d’y établir une Coterie, quoique cet honnête Homme soit l’ennemi mortel de cette espece de Societez. Voici la Lettre, qu’il m’a écrite à cette occasion.

Monsieur,

« L’aversion, que j’ai, depuis quelques années, pour tout ce qui s’appelle Coteries en genéral, m’a fait goûter un plaisir extrême à la lecture du Voïez Disc. VIII. p. 51, &c.Discours que vous avez publié là-dessus. Mais j’ai été bien mortifié en dernier lieu, lorsque j’ai appris qu’on étoit assez malin, pour me ranger entre les Fauteurs de ces impertinentes Assemblées. Qu’il me soit permis de vous exposer le Cas, tel qu’il est, & après que vous l’aurez entendu, je ne doute pas que votre Plume équitable ne me rende la justice qui m’est dûë à cet égard.

«Il faut que vous sachiez, Monsieur, que je suis un assez vieux Garçon, qui ai voiagé, & quetous <sic> mes soins se bornent à suivre mon humeur, sans critiquer celle des autres. J’ai une Chambre & un Lit à moi seul, un Chien, un Violon & un Fusil, qui servent quelquefois à me divertir, sans faire tort à qui que ce soit au Monde. Le meilleur de mes repas est le souper que je fais toûjours dans un Cabaret. Je suis fixé à une certaine heure, & j’ose dire que je ne suis pas de mauvaise humeur ; c’est pour cela, que je n’ai pas plutôt soupé, que je me vois assailli, quoique je n’invite jamais personne, d’une foule de gens, & de cette sorte de bonne compagnie, qui ne sauroit où donner de la tête, si elle n’avoit ce rendez-vous. Il est vrai que chaqu’un, paie alors son écot du Vin qui se boit ; mais comme ils viennent sans que je les prie, j’ai un droit indubitable à être le seul Orateur, ou du moins à parler plus haut qu’aucun de la troupe, & je le maintiens, au grand profit de tout mon Auditoire. Je leur dis quelquefois leurs véritez d’une maniere assez libre ; & d’autres fois je leur débite de plaisans Contes, suivant l’humeur dont je me trouve. Je suis de nombre de ceux qui féquentent les Cabarets jusques à un âge fort avancé, par une sorte d’Intemperance reglée. Je ne bois jamais jusques à me saoûler ; mais je ne me cou-che guéres sans être un peu gris. Je déchois d’une maniere presque imperceptible ; j’ai quelque disposition à être chagrin, mais je ne suis jamais en colere. Si vous avez hanté, Monsieur, toute sorte de Compagnies, vous savez, que dans tous les Cabarets de la Ville, il y a quelque vieux Bizarre qui le fréquente, & qui est autant le Maître de la Maison que celui qui la tient. Tous les Domestiques le craignent, & tous les Chalands de l’Hôte lui rendent une espece d’obéïssance comique. Je ne sai si je ne suis pas moi-même un de ces Bourrus. Mais j’en appelle à votre decision, si l’on doit nommer une Coterie, tous ces Impertinens qui me viennent joindre sans mon aveu ? Clinch de Barnet a tous les soirs une Assemblée, où il est seul Acteur, & où tous ceux qui se rendent & qui le paient, sont les bien venus. Pourquoi ne donner pas aux choses les Noms qui leur appartiennent ? Si ce qui se fait à son Rendez-vous porte le titre de Concert, d’où vient qu’on n’appelleroit pas une Leçon ce que je débite â mon Cabaret ? Quoi qu’il en soit, je me soûmets à tout ce qu’il vous plaira d’en prononcer, & je suis, »

Monsieur,Votre très-humble & trés-obéïssant serviteur,Tmo. Kimbow

Une pareille Impertinence ne fatigue pas moins les Personnes d’esprit & de mérite entre le beau Sexe. Il me semble que celles qui n’ont pas le moindre genie ont grand tort de se mettre sur le pied de leur rendre visite, puisqu’elles servent plutôt à remplir un siège vacant, ou à orner une Chambre, qu’à soutenir la Conversation. Une Dame de mes Amies m’engage à publier la Lettre suivante, pour se délivrer, s’il est possible, d’une de ces jeunes Etourdies, pleines de babil, qui, sous prétexte de leur bonne mine & d’un air agréable, se flatent d’aller de pair avec les Femmes du mérite le plus distingué. La voici mot pour mot.

Mademoiselle,

« Je me sers de cette voie pour vous donner un avis, que les regles de la Civilité ne me permettroient jamais de vous communiquer d’une autre maniere. Quoique nous soiïons à niveau, à l’égard des Biens & de la Qualité, nous ne sommes pas faites l’une pour l’autre. J’avouë que vous êtes fort jolie, que vous savez bien danser, & que vous pouvez faire une très-bonne figure dans une Assemblée publique ; mais demeurez-en là, si vous m’en croiez : le silence & la retenue vous conviennent le mieux du monde ; ainsi je vous prie de ne me rendre plus de visites. Vous venez voir les gens au pied de la Lettre, puisque vous n’avez rien de bon ni de solide à leur dire. Ce n’est pas que je veuille rompre avec vous, mais je voudrois observer toujours les regles les plus exactes de la Bienséance & de la Civilité. Si nous nous rendons visite, que cela soit, s’il vous plaît, sans nous voir : Si vous avez la bonté de vous faire celer toutes les fois que j’irai chez vous, je vous promets de vous rendre la pareille lorsque vous viendrez à mon Logis ; en cas même que le hasard nous fasse trouver dans une Maison tierce, nous pouvons déplorer le malheur que nous avons de nous manquer toujours, & nous joindre avec d’autres pour aller à une Comédie franche, où les places ne coütent rien. S’il arrive d’ailleurs que nos Carosses viennent à se croiser en ruë, nous pouvons en abattre les Glaces, pour nous saluer, & sourire l’une à l’autre. C’est ainsi que nous nous aimerons toutes deux, autant que nous en sommes capables ; puisqu’il y a de certaines Personnes qu’on ne doit connoître que de vûe, & c’est de cette espece d’amitié, dont je me flate que vous honorerez toujours. »

Mademoiselle,Vortre très-humble & très-obéissante servante,Maris Mardi

P.S. « Je prens le Nom du jour que je destine à recevoir mes Visites, afin que mes Amies surnumeraires ne s’y trompent pas & qu’elles sachent bien qui je suis. »

XVIII. Discours Accurrit quidam notus mihi nomine tantum,Arreptáque manu : Quid agis, dulcissime rerum? Hor. L. I. Sar. IX. 3, 4. C’est-à-dire, Certain Avanturier, que je ne connoissois que de nom, m’aborde, & me serrant la main : Hébien, dit-il, le plus agréable de tous les Hommes, comment va la santé? Il y a dans cette Ville quantité de Personnes de néant, ou d’un fort petit mérite qui ne font point du tout propres pour la conversation des Gens d’Esprit, & qui, malgré tout cela, ont une sotte envie de vouloir paroître familiers avec ceux qui ne les estiment guéres. S’ils vous trouvent dans le Parc, ils ne manquent pas de vous joindre, quoique vous vous promeniez avec des Dames ; si vous allez boire une bouteille de vin dans un Cabaret, ils sont d’abord à vos trousses. Ce qui rend cette espece de Fats d’autant plus incommodes, c’est qu’ils ne choquent ou qu’ils ne plaisent pas jusqu’à un point qui vous oblige à prendre connoissance d’eux à l’un ou à l’autre égard. Je m’imagine que les Personnes, qui m’ont écrit les deux Lettres suivantes, afin que je les publiasse, voudroient bien se délivrer de pareils Importuns. Je leur obéïs ; mais je ne leur réponds pas du succès. Quoi qu’il en soit, un vieux Garçon qui a du merite, & qui va tous les soirs à une certaine heure, boire sa dose de vin rouge dans un Cabaret, y est fatigué par une foule de ces gens-là. Sûrs de l’y trouver toujours avec un bon feu dans sa Chambre, & de n’y manquer pas de place, ils se sont avisés d’y établir une Coterie, quoique cet honnête Homme soit l’ennemi mortel de cette espece de Societez. Voici la Lettre, qu’il m’a écrite à cette occasion. Monsieur, « L’aversion, que j’ai, depuis quelques années, pour tout ce qui s’appelle Coteries en genéral, m’a fait goûter un plaisir extrême à la lecture du Voïez Disc. VIII. p. 51, &c.Discours que vous avez publié là-dessus. Mais j’ai été bien mortifié en dernier lieu, lorsque j’ai appris qu’on étoit assez malin, pour me ranger entre les Fauteurs de ces impertinentes Assemblées. Qu’il me soit permis de vous exposer le Cas, tel qu’il est, & après que vous l’aurez entendu, je ne doute pas que votre Plume équitable ne me rende la justice qui m’est dûë à cet égard. «Il faut que vous sachiez, Monsieur, que je suis un assez vieux Garçon, qui ai voiagé, & quetous <sic> mes soins se bornent à suivre mon humeur, sans critiquer celle des autres. J’ai une Chambre & un Lit à moi seul, un Chien, un Violon & un Fusil, qui servent quelquefois à me divertir, sans faire tort à qui que ce soit au Monde. Le meilleur de mes repas est le souper que je fais toûjours dans un Cabaret. Je suis fixé à une certaine heure, & j’ose dire que je ne suis pas de mauvaise humeur ; c’est pour cela, que je n’ai pas plutôt soupé, que je me vois assailli, quoique je n’invite jamais personne, d’une foule de gens, & de cette sorte de bonne compagnie, qui ne sauroit où donner de la tête, si elle n’avoit ce rendez-vous. Il est vrai que chaqu’un, paie alors son écot du Vin qui se boit ; mais comme ils viennent sans que je les prie, j’ai un droit indubitable à être le seul Orateur, ou du moins à parler plus haut qu’aucun de la troupe, & je le maintiens, au grand profit de tout mon Auditoire. Je leur dis quelquefois leurs véritez d’une maniere assez libre ; & d’autres fois je leur débite de plaisans Contes, suivant l’humeur dont je me trouve. Je suis de nombre de ceux qui féquentent les Cabarets jusques à un âge fort avancé, par une sorte d’Intemperance reglée. Je ne bois jamais jusques à me saoûler ; mais je ne me cou-che guéres sans être un peu gris. Je déchois d’une maniere presque imperceptible ; j’ai quelque disposition à être chagrin, mais je ne suis jamais en colere. Si vous avez hanté, Monsieur, toute sorte de Compagnies, vous savez, que dans tous les Cabarets de la Ville, il y a quelque vieux Bizarre qui le fréquente, & qui est autant le Maître de la Maison que celui qui la tient. Tous les Domestiques le craignent, & tous les Chalands de l’Hôte lui rendent une espece d’obéïssance comique. Je ne sai si je ne suis pas moi-même un de ces Bourrus. Mais j’en appelle à votre decision, si l’on doit nommer une Coterie, tous ces Impertinens qui me viennent joindre sans mon aveu ? Clinch de Barnet a tous les soirs une Assemblée, où il est seul Acteur, & où tous ceux qui se rendent & qui le paient, sont les bien venus. Pourquoi ne donner pas aux choses les Noms qui leur appartiennent ? Si ce qui se fait à son Rendez-vous porte le titre de Concert, d’où vient qu’on n’appelleroit pas une Leçon ce que je débite â mon Cabaret ? Quoi qu’il en soit, je me soûmets à tout ce qu’il vous plaira d’en prononcer, & je suis, » Monsieur,Votre très-humble & trés-obéïssant serviteur,Tmo. Kimbow Une pareille Impertinence ne fatigue pas moins les Personnes d’esprit & de mérite entre le beau Sexe. Il me semble que celles qui n’ont pas le moindre genie ont grand tort de se mettre sur le pied de leur rendre visite, puisqu’elles servent plutôt à remplir un siège vacant, ou à orner une Chambre, qu’à soutenir la Conversation. Une Dame de mes Amies m’engage à publier la Lettre suivante, pour se délivrer, s’il est possible, d’une de ces jeunes Etourdies, pleines de babil, qui, sous prétexte de leur bonne mine & d’un air agréable, se flatent d’aller de pair avec les Femmes du mérite le plus distingué. La voici mot pour mot. Mademoiselle, « Je me sers de cette voie pour vous donner un avis, que les regles de la Civilité ne me permettroient jamais de vous communiquer d’une autre maniere. Quoique nous soiïons à niveau, à l’égard des Biens & de la Qualité, nous ne sommes pas faites l’une pour l’autre. J’avouë que vous êtes fort jolie, que vous savez bien danser, & que vous pouvez faire une très-bonne figure dans une Assemblée publique ; mais demeurez-en là, si vous m’en croiez : le silence & la retenue vous conviennent le mieux du monde ; ainsi je vous prie de ne me rendre plus de visites. Vous venez voir les gens au pied de la Lettre, puisque vous n’avez rien de bon ni de solide à leur dire. Ce n’est pas que je veuille rompre avec vous, mais je voudrois observer toujours les regles les plus exactes de la Bienséance & de la Civilité. Si nous nous rendons visite, que cela soit, s’il vous plaît, sans nous voir : Si vous avez la bonté de vous faire celer toutes les fois que j’irai chez vous, je vous promets de vous rendre la pareille lorsque vous viendrez à mon Logis ; en cas même que le hasard nous fasse trouver dans une Maison tierce, nous pouvons déplorer le malheur que nous avons de nous manquer toujours, & nous joindre avec d’autres pour aller à une Comédie franche, où les places ne coütent rien. S’il arrive d’ailleurs que nos Carosses viennent à se croiser en ruë, nous pouvons en abattre les Glaces, pour nous saluer, & sourire l’une à l’autre. C’est ainsi que nous nous aimerons toutes deux, autant que nous en sommes capables ; puisqu’il y a de certaines Personnes qu’on ne doit connoître que de vûe, & c’est de cette espece d’amitié, dont je me flate que vous honorerez toujours. » Mademoiselle,Vortre très-humble & très-obéissante servante,Maris Mardi P.S. « Je prens le Nom du jour que je destine à recevoir mes Visites, afin que mes Amies surnumeraires ne s’y trompent pas & qu’elles sachent bien qui je suis. »