Hor. L. I. Ep. V. 28.
C’est-à-dire, Il y a de la place pour un plus grand nombre de conviez.
Angleterre.
Virgile nous décrit, & où les Soldats étoient si près les uns des autres, que plusieurs n’avoient pas tout l’espace nécessaire pour manier leurs armes. On peut distinguer cette nombreuse Societé en Avocats guerriers & en Avocats paisibles. La premiere Classe enferme tous ceux, dont on voit aller tous les matins de pleins Carosses à la Salle de Westminster, durant les quatre Tems de l’année, ausquels se tiennent les Cours de Justice. La description, que Martial donne, en peu de mots, de cette espece d’Avocats est fort plaisante : Iras, dit-il, & verba locant ; Westminster, pour faire voir qu’ils sont prêts d’entrer en lice, en cas de besoin.
Les Avocats paisibles sont, en premier lieu, les anciens Membres & les principaux Jurisconsultes des Colléges en Droit, qui semblent être les Chanoines de ce Corps, & qui ont les talens requis pour servir de Juges, plutôt que d’Avocats plaidans. Ceux-ci vivent en repos dans leurs Demeures, où ils mangent une fois le jour, & où ils dansent une fois l’année, à l’honneur de leurs Societez respectives.
Une autre branche d’Avocats paisibles, qu’on ne sauroit nombrer, est formée de cette Jeunesse qu’on envoie aux Colléges, pour étudier le Droit civil, qui fréquentent plus la Comédie que la Salle de Westminster, & qu’on voit à toutes les Assemblées publiques, excepté dans les Cours de Justice. Je ne parlerai point de cette multitude d’Avocats taciturnes, quoique fort occupez, dans leurs Chambres, à dresser des Ecritures, des Transports ou des Cessions ; ni de ces autres, en plus grand nombre, qui n’ont aucune affaire ; mais qui prétendent avoir de ces pratiques du Cabinet.
Guillaume Temple se fatigue beaucoup à chercher d’où vient que la Pepiniere du Nord, comme il l’appelle, n’envoie plus de ces prodigieux Effains de Gots & de Vandales, qui inondoient autrefois le Monde ; Thor & de Vvoden, & que cette Science fleurit aujourd’hui dans le Nord, il auroit pû donner une meilleure solution de cette difficulté, qu’aucune de celles qu’il a mis en usage. Quoi qu’il en soit, on peut comparer nos Medecins à l’Armée des anciens Bretons, du tems de Cesar, dont les uns tuoient à pied, & les autres montez sur des Chariots. Si l’Infanterie ne fait pas tant d’execution que la Cavalerie, c’est parce qu’elle ne sauroit se transporter si vîte dans tous les Quartiers de la Ville, ni dépêcher tant d’affaires en si peu de tems. Mais outre ce Corps de troupes reglées, il y a quantité de Marodeurs, qui ne sont pas dûement enrôlez, & qui causent un préjudice infini à ceux qui ont le malheur de tomber entre leurs mains.
Lorsque je considere qu’il y a un nombre infini de gens, qui cherchent à gagner leur vie par l’une ou l’autre de ces Professions, & qu’il se trouve dans chacune bien des personnes de mérite, de qui l’on peut dire qu’ils entendent plutôt la Science, qu’ils ne la mettent en pratique, je m’étonne de voir qu’il y ait des Peres & des Meres, d’une humeur si étrange, qu’ils aiment mieux destiner leurs Fils à des Emplois, où la Probité la plus scrupuleuse, le Savoir le plus profond & le Sens le plus exquis peuvent échouer, que de leur donner des Vacations, où une honnête industrie ne sauroit manquer de réussir. Combien y at’il de Curez de Village, qui auroient pû devenir Echevins de Londres, s’ils avoient appris à faire valoir une Somme plus petite, que ce qu’il en coûte d’ordinaire pour étudier dans lés<sic> Universitez ? Un honnête Homme, d’une vie frugale, avec un esprit médiocre & une conception len-Vagellius est exact, studieux & civil, mais il a la tête un peu dure ; il n’a pas une seule Partie, qui le consulte, ni qui le prenne pour défendre sa Cause en Justice : avec tout cela, s’il se fût trouvé dans un Magasin, ou une Boutique, il auroit eu nombre de chalans. Le malheur est, que dans une des plus importantes affaires de la vie, les Peres & les Meres ont plus d’égard à leur propre inclination, qu’au genie & à la capacité de leurs Fils.
C’est le grand avantage d’une Nation adonnée au Trafic, de ce qu’il y a fort peu d’Hommes assez lourds & assez bêtes, pour ne trouver pas les moïens d’y gagner leur vie, & même de s’y enrichir. Un Commerce bien reglé n’est pas de la nature du Droit, de la Médecine, ou de la Théologie ; il ne sauroit avoir trop de monde qui mette la main à l’œuvre ; il fleurit par la multitude des Ouvriers, & il donne de l’occupation & du profit à tous ceux qui s’y attachent. Nos Vaisseaux Marchands sont autant de Boutiques flotantes, qui vont exposer nos Denrées & nos Manufactures dans tous les Païs du Monde, & qui trouvent des Acheteurs sous les deux Tropiques.
C.