Hor. A. P. v. 5.
C’est-à-dire, Mes chers amis, pourrez-vous vous empêcher de rire, à la vûё d’un tel spectacle?
Charles II, s’ils avoient vû Nicolini en Robe fourrée d’Ermine, exposé à un Orage, & cingler dans un Esquif sur une mer faite de Carton? Quel champ n’auroient-ils pas eu pour exercer leur raillerie, si l’on avoit prétendu les divertir par des Dragons peints qui vomissent feu & flamme, par des Chariots enchantez qu’on attelle à des Cavales de Flandres, ou par des Cascades effectives qu’on joint à des Païsages artificiels? Un peu de bon goût pourroit nous instruire qu’on ne doit pas mettre ensemble, dans la même Pièce, des Ombres avec des Réalitez: & que les Décorations, desti-
Ce plaisant Dialogue me rendit si curieux, que j’achetai d’abord l’Opera, où je vis que les Moineaux devoient chanter dans un agréable Bocage. Mais après une information plus exacte, je trouvai qu’ils Martin Ce mot signifie celui qui gâte tout, un étourdi, & c’est le Personnage d’une Comedie Angloise Mar-all jouoit à sa Maîtresse; car quoiqu’ils voltigeassent à la vûë de tout le monde, la Musique venoit d’un concert de Flageolets & d’Appaux, qu’il y avoit derriere la Tapisserie. Dans le même tems que je fis cette découverte, je fus, par le discours des Acteurs, qu’il y avoit de grands desseins sur le tapis pour perfectionner l’Opera; qu’on avoit déjà proposé d’abattre une partie de la muraille, afin d’introduire sur la scène un corps de cent Cavaliers, & qu’on pensoit d’un autre côté à y amener des eaux de la nouvelle Riviere, pour les employer à des cascades. L’execution de ce dernier Projet a été renvoiée, à ce que j’ai ouï dire depuis, jusques à l’Eté prochain; parce qu’alors la fraîcheur, qui vient des Fontaines & des Jets d’eau, sera plus agréable aux Personnes de qualité. Cependant, pour divertir l’assemblée d’une maniere plus convenable à l’Hiver, l’Opera de
D’ailleurs, il ne faut pas s’étonner si ces Décorations paroissent fort étranges, pusique deux Poëtes de différens Païs les ont inventées, & qu’un Magicien & une Sorciere les font venir sur la Scène. L’Argument nous dit qu’Armide est une Enchanteresse du Païs des Amazones, & la Liste des Personnages représentez nous instruit que le pauvre Signor Cassani est un Sorcier Chrétien, un Mago Christiano. J’avouë que ce n’est pas un petit embarras pour moi de savoir comment une Amazone s’est rendue si habile dans l’Art Magique, & de quelle manière un bon Chrétien, car c’est le rôle que jouë le Sorcier, peut entretenir correspondance avec le Diable.
Italien, vous n’avez qu’à jetter les yeux sur ces premieres lignes de sa Préface: Eccoti, benigno Lettore, un Parto di pocho sere, che se ben nato di notte, non è pero aborto di tenebre, mà si farà conoscere Figlio d’Apollo con qualche raggio di Parnasso: c’est-à-dire, «Voici, mon cher Lecteur, un Ouvrage de peu de soirées; & quoi qu’il soit éclos de nuit, ce n’est pas un Avorton des tenébres; mais il se fera connoître, par quelques raions du Parnasse, dont il est environné, pour un Fils légitime d’Apollon.» Il traite ensuite Mymheer Hendel de l’Orphée de notre Italie, entre les Modernes, s’expriment en des termes si fleuris, & qu’ils emploient des circonlocutions si ennuyeuses, qu’il n’y a que nos Pédans qui les imitent. Ce n’est pas tout, ils remplissent leurs Ouvrages de Pensées si grotesques, & de ce qu’ils appellent Concetti, que nos jeunes Ecoliers, après avoir demeuré un ou deux ans à l’Université, auroient honte de les produire. Quelques-uns s’imagineront peut-être que la différence qui paroît dans les Ecrits de l’une & de l’autre Nation, vient de la différence de leur Genie; mais pour se convaincre que cette supposition est mal fondée, on n’a qu’à examiner les Ouvrages des Anciens, par exemple de Ciceron & de Virgile, & l’on trouvera que les Auteurs Anglois, dans la maniere de penser & de s’énoncer, approchent beaucoup plus de ces grands Originaux que les Italiens modernes, quoique ceux-ci prétendent l’emporter sur nous. A l’égard du Poëte, de qui l’on a pris les rêveries de cet Opera, je suis absolument de l’opinion de feu M. Boileau Sat. IX., qui croioit qu’un seul vers de
Whittington & de son Chat, & que pour cet effet on avoit rassemblé quantité de Souris; mais que Mr. Rich, le Proprietaire de la Comédie, ne voulut pas permettre qu’on y joüât cette Pièce, de peur que le Chat ne pût venir à bout de les croquer toutes, & que les Princes de son Théatre ne fussent autant exposés à leurs insultes, que l’étoit le Prince de l’Ile avant l’arrivée du Chat. Pour moi, je ne saurois blâmer sa conduite à cet égard, & j’approuve même fort la réponse qu’on lui attribue à cette occasion: «Je ne crois pas, dit-il, que les Directeurs de notre Opera prétendent être aussi habiles que le célèbre Fluteur, blanc & noir, qui obligea toutes les Souris d’une grande Ville en Allemagne de le suivre au son de sa Flûte, & qui de cette maniere délivra les Habitans de la persecution de ces petits Animaux.
London & Wise, qui doivent être les Jardiniers de la Comédie, pour fournir à l’Opéra de Rinaldo & d’Armide un Bocage d’Orangers; que la premiere fois qu’on le jouera, le chant des Oiseaux y sera executé par des Mézanges & que les Entrepreneurs n’épargneront ni soins ni dépense satisfaire la curiosité de tout le monde.
C.