Sugestão de citação: Armand de Boisbeleau de La Chapelle (Ed.): "Article XXV.", em: Le Philosophe nouvelliste, Vol.2\025 (1735), S. 263-272, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.5068 [consultado em: ].


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Article XXV.

Du Jeudi 25. au Samedi, 27. Août.

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De la Maison de White, 26.Août.

Quoique je me sois fait une Loi jusqu’ici de ne dater de cette Maison que les choses qui s’y passent, je dois aujourd’hui changer de Methode. On m’en saura gré, quand on aura lu l’Histoire suivante. Il s’y agit d’un jeune Homme qui est réchappé, depuis peu des redoutables mains de Mrs. les Chevaliers d’Industrie. Cette delivrance s’est faite d’une façon si extraordinaire, que [264] le récit ne pourra qu’en faire plaisir aux Lecteurs.

Nível 3► Narração geral► Au sortir de l’Université, ce jeune Homme nommé Sauvage, vint au 1 Temple, & s’y jetta bientôt dans le train de vie, que goûtent le plus les gens de son âge ; C’est-à-dire, qu’il vit les Donzelles, qu’il but, & qu’il joua. Quant aux deux premiers Vices, il les tenoit de son Pére ; mais pour le troisiéme il y fut entraîné par le commerce d’un Myrmidon qui logeoit près de lui. Ce que le Pére fournissoit auroit été beau pour un autre ; mais ne suffiroit point pour un Galant Homme à la Moderne. Ses pertes le mirent bientôt si bas, qu’il se voyoit perpétuellement assiegé de Créanciers importuns. Il falloit donc en être toujours aux Expediens pour se tirer d’affaire. Il ne savoit plus ni comment continuer sa vie, ni comment s’en retirer. Il ne voyoit pas plus de jour à l’un qu’à l’autre. Or comme il ne manque jamais dans le monde de ces personnes charitables qui disent aux Gens [265] ce qu’il leur seroit plus agréable d’ignorer, le Pére reçut, de plusieurs côtez fidéle avis de ce qui se passoit. On lui détailla les débauches de son Fils, les Compagnies qu’il frequentoit, ses embarras, & ses folles dépenses. Le Bon-Homme en fut navré, ne sachant à quoi se resoudre. Il passoit les jours & les nuits à délibérer sur le parti qu’il devoit prendre. Le sujet ne pouvoit être plus important. Il falloit conserver tout à la fois son Bien, & son Fils. Après de grandes inquietudes, & de grands combats, il fit reflexion, que la Disette est lé piege ordinaire qui fait que le gens s’encanaillent, & qu’une situation plus honnête inspire quelquefois les sentimens de l’honneur. Il se détermina donc enfin à prévenir l’entiere ruïne du jeune Homme, en le mettant en état de goûter les douceurs d’une Abondance tranquille, & dans ce dessein il lui ecrivit un Billet, qui en refermoit un autre, adressé, en ces termes, au Banquier Tristram.

Mr. A vûe il vous plaira payer à Mrs. Thomas Sauvage, ou à son Ordre la somme [266] de milles Livres Sterling, que vous placerez au compte de Votre Serviteur,

Homfrai Sauvage.

La Lecture de cette Lettre de Change étonna fort le Fils. Il voyoit bien qu’elle étoit de la main de son Pere. Il savoit bien que son Pere avoit toujours de grosses Sommes entre les mains de Tristram. Mais qu’on lui confiât mille Livres Sterling, à lui dont la Conduite étoit si mauvaise, c’est ce qu’il ne pouvoit comprendre. Il se resolut donc d’attendre réponse à la Lettre suivante qu’il écrivit à son Père :

Nível 4► Carta/Carta ao editor► Mon cher Pere,

J’ai reçu une Lettre de Change, signée de votre Main, pour recevoir mille Livres. La Somme est écrite tout du Long, & sans chiffres. Je pourrois jurer que c’est votre Ecriture ; je l’ai luë & reluë vingt mille fois. Il y a en Caractéres très-lisibles, M, I, L, L, E, après quoi vient, en Lettre aussi lisibles, L, I, V, R, E, S. Je la garde encore par devers moi, & je ne ferai, je pense, autre chose que la relire, jusqu’à ce que vous m’ayiez appris ce que vous voulez que j’en fasse. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 4

[267] Le Pere ne fit pas semblant d’avoir reçu cette Lettre ; & pour toute réponse, lui envoya un nouvel Ordre pour recevoir trois mille Livres Sterling davantage. La surprise du jeune Homme : fut bien autre à cette seconde fois qu’à la premiére. Il se retira sur le champ dans sa Chambre, ferma sa porte à double tour, & s’assit pour lire, & pour comparer à loisir ses deux Lettres de change. Après les avoir luës & reluës tant de fois que son esprit en étoit à demi égaré, il se leve, fait cinq ou six tours dans la Chambre, ouvre sa porte, la referme ; & craignant de n’avoir pas assez examiné les choses, il ferme a double tour ; met la Table, & les Chaises contre la Porte comme pour se barricader ; entre dans son Cabinet ; s’y renferme ; relit encore une vingtaine de fois les deux Lettres, & toujours son étonnement augmente. Il se rappelle alors quantité de contes qu’il avoit ouï faire de personnes à qui de pures illusions, & des imaginations chimeriques, dont ils étoient trop possedez, avoient fait perdre l’esprit, dans un temps où elles croyoient conserver encore toute leur raison. C’en est assez pour lui faire [268] craindre que même chose ne lui soit arrivée. Il tache de se remettre pour s’en assurer, & prend son Bonnet de nuit, dans la resolution de dormir, jusqu’à ce que la fin du Reve le rende à son bon sens & à sa pauvreté. Il se couche donc à Midi, mais il se releve bientôt, & prend enfin le parti d’aller rendre visite à Tristram. Il y dine, & ne parle de rien, dans l’opinion que le Banquier parleroit le premier, si les deux Lettres étoient réelles. Celui-ci ne disant mot non plus, Sauvage prend un détour, Monsieur, dit-il, vous saurez qu’il m’est arrivé une affaire quiMonsieur, reprit brusquement Tristram, vous saurez que je vous connois, vous m’allez prier de vous avancer de l’argent : l’appel de la Banque, où je n’ai pas fait encore mon dernier payement m’a contraint... A ces mots le jeune Homme perdit tout-à-fait patience & tira de son Porte-feuille la premiére Lettre de mille Livres Sterling. Le Banquier l’ayant bien regardée, & jetté à plusieurs reprises les yeux sur celui qui la lui présentoit, voyez vous, Monsieur, dit-il, mille Livres, c’est… Il alloit continuer lors qu’on lui présenta la seconde Lettre de trois mille Livres Sterling. [269] Tristram se met au grand jour pour examiner ces deux Lettres ; il y reconnoit, près du seing, la marque secrete dont le Père étoit convenu avec lui pour les Ordres qui devoient être le plus proprement honorez, & sans hesiter il paye les Sommes. La possession de tant d’especes changea tout l’esprit du jeune Sauvage. Il fit pour la premiere fois reflexion sur sa Naissance ; sur les grands bien auxquels il pouvoit prétendre ; & sur l’indigne conduite qu’il avoit tenuë. Auparavant c’étoit une Brute qui ne pensoit à rien : A présent il a de la prévoyance, de beaux sentimens, une Conduite reglée. Le Pere & le Fils sont en correspondance étroite pour leurs affaires, & leur confiance est aussi mutuelle qu’elle est sans reserve. Le Fils regarde son Pere comme le meilleur Fermier qu’il puisse avoir dans la Province, & le Pere estime que son Fils et le Banquier le plus sûr qu’il puisse avoir dans la Capitale. ◀Narração geral ◀Nível 3

De la Maison de Guillaume, 26. Août.

Vous ne sauriez imager d’action si [270] folle, ou de Proposition si extravagante que vous ne trouviez quelqu’un qui la fasse ou qui la soutienne. Il y a paru ce soir dans notre Compagnie. Nível 3► Narração geral► Le Sr. Spondée y a voulu prouver, par belles raisons, qu’il n’y a rien de plus persuasif qu’un Galimathias bien placé. « C’est, disoit-il, l’Eloquence qui a le plus de pouvoir sur les Dames ». Il a poussé le paradoxe jusqu’à pretendre que ce n’est jamais par la Raison que se prend le Beau-Sexe, mais que c’est toujours par les Passions. « Or, a-t-il ajouté, l’unique moyen de mettre les passions en mouvement, c’est de laisser la raison à l’écart. J’en vis l’autre jour un exemple. Nível 4► Narração geral► J’étois par hazard dans une Chambre qu’une Cloison très mince separe de celle ou Straphon, contoit fleurettes à la Servante d’une grande Dame dont le nom ne fait rien à la chose. Je pus entendre tout ce qu’ils se dirent. Avec ces Belles, subalternes de rang & d’esprit, il ne faut que des grands mots qui étourdissent. Straphon s’y entend à merveilles. Il a le secret de prononcer, d’un air tendre, un grand nombre de paroles sans signification & sans suite, mais dont chacune à part pré-[271]sente une idée agréable, quoiqu’elles ne semblent point avoir été faites pour êtres mises ensemble. Après les premiers Complimens, il prit la main de sa Belle, & la baisant il s’écria ; Bocages vous êtes témoins de ma joye. Ruisseaux taisez vous. O Bois ! O Grottes ! O Fontaines ! Arbres, Valons, Montagnes, Collines, Courans ! O ma Belle ! m’aimeriez vous ? Elle repondit en faisant agréable ; Oh ! Straphon, que vous êtes dangereux. Pourquoi me dire des choses si tendres ? Que vous autres Beaux-Esprits connoissez bien la route du cœur ! Est-il donc possible, s’écria de nouveau Straphon, mais comme hors de lui-même, est il donc possible, qu’elle ait pitié de mes peines ! Oh pitié, beaume salutaire des cœurs affligez ! Si les Transports, les priéres, les tendres desirs, & les douces inquietudes… Cependant je suis toujours dans la situation la plus accablante. L’incertitude… Ma charmante ne pourroit-elle point nommer le lieu & l’heure… Pardonnez moi, Mademoiselle. Ce n’est pas que mon cœur soit las de ses chaines ; Mais… La pauvre fille repondit par un soupir des plus tendres, en ajoutant, pourquoi [272] employez vous tout votre esprit contre une personne si foible ? Straphon, qui se prévalut de son ascendant, donna lui-même l’assignation qu’il avoit demandée, mais ce ne fut pas sans s’écrier de nouveau, Sylvains ! Hamadryades ! Dieux des Bois ! lieux consacrez à l’amour ! Amour ! vous entendrez mes Vœux, les Ondes & les Echos les repeteront après vous. ◀Narração geral ◀Nível 4 C’est-là le jargon qu’il appelle l’art de parler sans être entendu ; je suis pourtant assuré, qu’en tenant un langage plus intelligible, il ne se seroit pas si bien fait entendre, & j’en conclus qu’un Amant paroit froid aux Dames tant qu’il conserve son bon sens auprès d’elles. » ◀Narração geral ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1

1J’ai remarqué déja que ce lieu est à Londres une espece de Seminaire pour l’Etude de la Juriprudence.