Sugestão de citação: Armand de Boisbeleau de La Chapelle (Ed.): "Article XV.", em: Le Philosophe nouvelliste, Vol.2\015 (1735), S. 156-165, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer, Michaela (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.5058 [consultado em: ].


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Article XV.

Du Mardi 2. au Jeudi 4. Août 1709

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De mon Cabinet, 2. Août.

1 Mr. Powel m’a écrit de Bath, la Let-[157]tre suivante, qui roule, à ce que je croi, sur le sujet de notre Dispute. J’en laisse le jugement au Public.

Nível 3► Carta/Carta ao editor► « Au Sieur Bickerstaff.

Monsieur,

Comme la grande quantité de Monde qu’il y a encore ici, m’y donne beaucoup d’occupation, j’avois d’abord formé le dessein, d’attendre une Saison plus libre pour repondre à votre Feuille Volante du 21. Juillet. Mais ayant ensuite considéré, qu’il ya dans cet Ecrit beaucoup d’impertinences, auxquelles je ne prends point intérêt, je me suis trouvé assez de loisir pour examiner ce qui me concerne. Trois raisons me déterminent à ne point garder le silence. La premiére est que je ne veux pas vous [158] donner lieu de croire que je vous meprise, chose dont j’ai tout lieu de me persuader que vous seriez furieusement en colere. D’ailleurs ce que j’en fais est encore en partie pour étendre ma reputation, & par consequent pour m’attirer plus de monde ; car tout cela ne sauroit me manquer quand notre Noblesse saura que je vous ai fait voir d’une maniere aussi pleine d’esprit que de délicatesse, que je ne me soucie pas plus de vous que de mes Vieilles Pantoufles. Enfin comme on fait bien que je suis ici sans Livres, 2 je puis sans consequence mettre peu de savoir dans ma reponse, & l’on n’ira pas s’imaginer là-dessus que ma Bibliotheque n’est pas ailleurs mieux garnie.

Sachez donc, Monsieur, que j’ai voyagé en 3 Italie, en France, & [159] en Espagne, & que les plus ingenieux Ouvriers de la Germanie ne sauroient inventer d’Ouvrage si difficile que je ne l’entende. Or je voudrois bien savoir ce qui vous oblige à venir troubler le petit Negoce que je faisois tranquillement dans cette Ville ? Est-ce que vous seriez choqué tout de bon de mes Prologues, & de mes Epilogues ? On le diroit à vous les entendre traiter de medisances, & de sottises. Cela ne sauroit être pourtant, & jusqu’à ce que vous m’en donniez une meilleure raison, je ne saurois m’empêcher de croire, que la seule, qui vous a porté à me chercher querelle, est la qualité de Gouverneur que j’ai prise, & qui m’appartient si legitimement. Vous attaquez, d’inclination, une Personne de ce caractére, & cela d’autant plus que vous vous en promettez une Victoire infaillible Monsieur, Monsieur Biquerstaff, je connois vos allures, & vos finesses tout cousues de fil blanc, comme on dit en proverbe. Je penetre vos vuës. Vous voulez jetter par-[160]mi mes Marionettes, des semences de sedition & de desobéïssance, & dans le zèle qui vous anime pour 4 la bonne Vieille Cause, vous insinuez à Polichinelle qu’il doit ôter le Fil d’Archal qui fait jouer sa Machoire, afin qu’il ne puisse point la remuer, quand je voudrai qu’il parle. J’en fais juges tous les hommes du monde. L’Entreprise n’est elle pas contre l’autorité souveraine & sans bornes que les Loix de la Nature me donnent ? Me nieroit on que tous les Bois, & que tous les Metaux, de quelque ordre qu’ils soient, ont été faits pour le service, & pour l’usage de l’Homme ? Ne suisje <sic> donc pas incontestablement en droit de les former, de les façonner, & de les joindre, tout comme il me plait, & puisque j’ai fait mes Marionettes, ce qu’elles sont, ne m’appartiennent elles pas en toute proprieté, & par conséquent ne sont el-[161]les pas mes Esclaves ? Toutes les raisons du monde veulent qu’un Etre inferieur en excellence rende hommage à un Etre plus excellent. Mes Figures me doivent donc reconnoître pour l’Arbitre absolu de leur sort ; car je leur suis superieur en genie, quoiqu’en fieffé Repuplican que vous êtes, il vous plaise d’insinuer que je ne suis moi-même qu’une grande Marionette, & que par consequent je ne puis avoir sur les autres qu’une jurisdiction limitée. Voilà qui suffit, si je ne me trompe, pour 5 démontrer le Droit paternel que j’ai sur mes Poupées, & comptez qu’en toutes rencontres je défendrai ce Droit envers & contre tous.

Si vous vous avisez donc de repli-[162]quer, je vous avertis de prendre garde à ce que vous direz. Tous les jours ne vous seront pas aussi favorables que le fut le 29. d’Avril, & peut-être qu’enfin mon ressentiment l’emportant sur ma générosité, je ne dédaignerai pas d’attaquer à armes inégales, un Homme qui n’est pas mon égal. Vous n’ignorez pas apparemment ce que c’est que les 6 Scandalums Magnatums. Mesurez donc bien vos paroles, & qu’il ne ne vous arrive pas de m’écrire des choses auxquelles je ne saurois repondre ; car vous me mettriez en colere.

Je veux & entends que vous vous en teniez aux deux Propositions suivantes, auxquelles toute notre Dispute peut-être reduite. La 1. est de [163] savoir si, en vertu de mon Pouvoir souverain, je ne puis pas, s’il me plait, me servir d’une jambe de Polichinelle pour allumer ma Pipe, ou le mettre tout entier au feu pour me chauffer. Après quoi vous examinerez 2. S’il ne faudroit pas que le même Polichinelle 7 fut possedé du Diable, pour faire ou dire quoique ce soit qui contredit ma Volonté & mon bon Plaisir. Quand vous aurez expedié ces deux Points-là, je pourrai bien vous écrire encore, pourvû que j’en aye le temps.

Vous étes plaisant, de vous amuser, comme vous l’avez fait, à rechercher l’Origine du jeu des Marionettes, & les differentes Revolutions que ce jeu a essuyées, depuis le temps de Thespis, & d’autres semblables. Je ne me soucie ni de Thespis, ni de ses pareils. Ce sont là pour moi des Noli me tan- [164] gere, & j’ai fait vœu de ne parler jamais des choses qui me déplaisent. Vous me viendrez peut-être alléguer 8 certain Contract que j’ai fait avec le Maire, & les Bourgeois de la Ville ; pour en obtenir la permission d’y représénter mes Piéces, de même que quelques Etrennes que je donne aux Connetables pour ma sureté ; Mais je vous avertis que si vous touchez cette Corde, vous aurez affaire, non à moi, qui suis bien resolu de n’en dire jamais un seul mot, mais à certain Savant, Homme d’Esprit, qui a depuis peu écrit un Livre, & qui entend à fond ces Matieres. Il est à présent au jeu, & c’est lui qui mêle les Cartes. Dès que la Reprise d’Ombre sera finie, il ira vous attaquer, 9 [165] au Bagammon & vous prouvera par belles raisons que Deux & As font cinq.

Au reste je me soumets 10 au jugement de ma Patrie c’est-à-dire à celui de douze jurés, bons & loyaux, pourvû que le Sr. Biquerstaff ne soit pas de ce nombre ; je le recuse comme n’étant ni bon, ni loyal. Adieu, je suis

Monsieur,

A Bath, 28. Juillet.

Votre bon Ami

Powel. » ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1

1C’est une Lettre supposé á Mr. Blackhal, Evêque d’Exeter, sous le nom de Powel, le Maitre des Marionettes. On y voit avec clarté, de quoi il s’agissoit dans quelques Articles précedens, où il est parlé de cette dispute. On y voit la même hauteur de stile qui regnoit dans les Ecrits de cet Evêque contre D. Hoadley.

2Les Ennemis de cet Evêque prétendoient qu’il n’avoit que très peu de Livres, & que très peu de Lecture.

3Je ne croi pas que le Dr. Blackhall soit jamais sorti d’Angleterre. Mais les Endroits, où l’on, suppose ici qu’il a voyagé ne sont pas ceux de l’Europe où un Voyageur judicieux, & qui connoit le prix de la liberté, trouvera le moins de reflexions à faire sur le Despotisme par rapport aux peuples.

4C’est ainsi que les Torys, appellent en riant le Parti Antimonarchique, & dans la supposition que les Whigs lui donnent fort serieusement le même Titre. Cela s’entend aussi du Systême Anti-Episcopal.

5Le Chevalier Filmer a publié deux Ouvrages l’un sur l’Anarchie de la Monarchie limitée, & l’autre sur le Gouvernement Patriarchal, où, il veut prouver que tout Gouvernement doit être absolu & Monarchique, & où il établit pour fondement de son Opinion, que le pouvoir Paternel est la même chose que l’Autorité Royale, & que ce Pouvoir est entierement despotique. Voy M. Barbeyrac. Not. 2. sur la X. Sect. Du Chap. II. Liv. VI. de Puffendorff du Dr. de la Nat. & des Gens. Tom. II. pag. 241. Edit. 1734

6En Angleterre les Personnes qui diffament par Medisances ou par Libelles, des Pairs du Royaume, sont puni severement en vertu de certaines Loix particuliers faites á ce dessein. Un Evêque seroit donc en droit de se prevaloir de cet avantage contre un Ecrivain, qui s’emanciperoit à son égard. Dans le langage Vulgaire, le crime de cet Ordre, & la Loi qui le défend, portent le même nom de Scandalum Magnatum. Le mot ne se decline point ; mais on jouë ici un Ignorant qui veut faire l’habile homme.

7Les Partisans de l’Obéissance Passive, prétendent que cette Doctrine est un Article nécessaire à salut & qu’on est damné quand on ne le croit pas. L’Assemblée du Clergé fit en 1640. des Canons Ecclesiastiques, par l’un desquels ceux qui refusent de recevoir cette Doctrine sont soumis à l’excommunication.

8La Monarchie limitée suppose un Contract Original entre le Souverain & le Peuple. La Convention qui ajugea la Couronne à Guillaume & Marie, decida que Jaques II. avoit dissous ce Contrat, & dans le fameux Plaidoyer de la Chambre des Communes contre le Ministre Sacheverell, Mr. Lechmere appuye fortement cette Decision, comme servant de base justificative à la Revolution de 1688.

9C’est le Trictrac à l’Angloise. Il n’y a presque pas un Ecclesiastique Anglican, qui ne l’entendre, & qui n’y joue. D’ailleurs on a accusé ces Mrs. d’avoir fort contribué à mêler les Cartes, & à debiter en Chaire bien de la Politique qu’ils ne croyent pas eux-mêmes.

10Une des plus grandes suretés du Sujet Anlois contre l’usurpation des Souverains, est le privilege de ne pouvoir être jugé, pour la question de fait, que par 12. personnes, de bien, & d’honneur, dont le Roi & le Prevenu conviennent, pouvant les choisir sur plusieurs autres que l’on est dans la liberté de recuser. Les Torys d’ailleurs si zelez pour l’Obéissance Passive, ne le sont pas moins pour ce Privilege. Sont ils bien d’accord avec eux-mêmes ?