Citation: Anonym [Eliza Haywood] (Ed.): "Livre Vingt-Troisieme.", in: La Spectatrice. Ouvrage traduit de l'anglois, Vol.4\005 (1751 [1749-1751]), pp. 319-408, edited in: Ertler, Klaus-Dieter / Fischer-Pernkopf, Michaela / Hobisch, Elisabeth (Ed.): The "Spectators" in the international context. Digital Edition, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4931 [last accessed: ].


Level 1►

Livre Vingt-Troisieme.

Level 2► Metatextuality► Comme ces essais tendent à leur fin & que je voudrois obliger tous mes correspondans qui ont quelque prétention aux suffrages du public, soit à cause de leur esprit & de leur sagacité, soit à cause de l’utilité de leurs méditations, j’entretiendrai principale-[320]ment mes lecteurs, dans le cours de ce mois, des ouvrages d’autrui, dans le même ordre qu’ils me sont parvenus. ◀Metatextuality

A la Spectatrice.
Level 3► Letter/Letter to the editor► Madame
,

« J’ai souscrit, un des prémiers, à votre entreprise, & je n’ai jamais discontinué ; ce qui suffit pour vous convaincre combien j’ai goûté votre ouvrage.

Permettez-moi cependant de vous dire, que je ne conviens point avec vous d’une position que vous avez avancée, j’espére que vous me pardonnerez cette liberté, puisqu’elle ne renferme rien dont vous deviez rougir, & que c’est la sincérité & la franchise de votre cœur, qui vous ont entraînée dans cet excès, si je puis l’appeler ainsi.

Dans la dernière partie de votre troisiéme volume, vous nous donnâtes une dissertation sur le mensonge ; je crois qu’elle charma tous vos lecteurs, du moins j’en ouis faire [321] les éloges à tous ceux qui en parloient & qui n’étoient pas des gens du commun ; effectivement vous avez si bien peint ce que ce vice à de fou & de malhonnête, en nous mettant devant les yeux différens exemples de mensonges destinés à se vanter, à éblouir, à tromper & à séduire, que tous ceux qui en sont coupables doivent y penser avec détestation. Je ne doute pas que cette dissertation n’ait eû les bons effets que vous désiriez ; Heteroportrait► je puis vous féliciter sur la conversion d’un de mes amis particuliers, qui venoit rarement en compagnie, sans avoir quelque merveille à débiter ; & qui est dévenu si ménager de ses hyperboles, après la lecture de votre livre, qu’il donne à peine aux matières de fait les épithétes qu’elles méritent : tant nous sommes sujets à courir d’une extrémité à l’autre. ◀Heteroportrait

Metatextuality► Maintenant, Madame, puisque je vous ai dit sincérement mon opinion sur la plus grande partie de votre ouvrage, permettez-moi de prendre la même liberté à l’égard de ce qui me plaît moins, vous promet-[322]tant d’avance que je n’avancerai rien avec partialité, ou que je ne me servirai d’aucun argument qui ne me paroisse très-raisonnable. ◀Metatextuality

Pour revenir donc à mon sujet, je pense que votre amour pour la vérité vous rend trop sévère, quand vous condamnez comme manifestement criminelles des choses que tous les gens de bon sens regardent comme un simple amusement ; je veux dire ces petites fictions qui abondent dans nos papiers de nouvelles, & divertissent extrêmement le lecteur par leurs contradictions & leurs absurdités.

Je ne puis convenir avec vous, que, quand les affaires de politique sont de telle nature qu’il ne convient pas de les communiquer au public, tous nos oracles doivent cesser, plûtôt que de nous en imposer, comme vous dites, par des nouvelles fabuleuses ; & voici les raisons pourquoi je ne puis avoir l’honneur de penser comme vous.

En prémier lieu, parce que je suppose, comme on doit en convenir, qu’aucun homme de bon sens ne se [323] laissera duper par ce qu’on lui communique de cette manière.

Et en second lieu parce que dans les tems de calamité, on ne doit point rejetter tout ce qui contribue dans le plus petit dégré à égayer l’esprit, & à exercer la faculté visible.

Que tous ces misérables papiers, qui ont fait jemir <sic> si long-tems la presse, ne produisent cet effet, c’est ce que personne ne niera. J’en appelle même à la Spectatrice, toute sévère qu’elle est, si elle ne s’est pas vûe souvent obligée de sourire à la lecture des graves absurdités dont ils sont remplis.

Ceux qui ont le moindre penchant pour les Pantomines, ne peuvent s’empêcher de rire à la vûe des petits tours & du jeu d’Harlequin, mais ils ne sont point en eux-mêmes plus visibles que ces nouvelles dont je parle, & que je défens pour cette même raison.

Par exemple le fameux Mr. Lun a-t-ail jamais sauté avec tant d’agilité à travers un tiroir, un miroir, ou un buffet de service ; que ces compila-[324]teurs de nouvelles font passer de la mort à la vie, ou de la captivité au triomphe, ceux qu’ils ont intention de tuer, ou de sauver ? Ne nous a-t-on pas dit un jour, qu’un Officier Général, après avoir eû la gorge présque coupée d’une oreille à l’autre, avoit été fait prisonnier, & qu’on avoit mis l’appareil sur ses blessures, mais sans espérance de guérison ; ensuite le jour suivant le même papier ne nous a-t-il pas informés qu’il étoit à la tête de son Régiment, occupé à faire le dégat à la distance de plus de cent lieues de l’endroit, où il devroit avoir été blessé, avec plusieurs autres contradictions de la même nature, dans l’espace de vingt quatre heures, sans la moindre Apologie pour les méprise précédentes ? Ce qui montre que les Auteurs de ces papiers n’ont pas même la modestie de vouloir passer pour sincéres.

Ne nous représente-t-on pas les plus grand Princes du monde sous des caractéres si differens, que celui qui passer aujourd’hui pour un Prince foible & capricieux, sera exalté de-[325]main comme le Salomon de son siécle. A l’égard des flottes, des embarquemens, des armées & des batailles, on en fait un si plaisant mêlange, & on attribue alternativement la victoire à chaque parti, ensorte que ni l’un ni l’autre n’a sujet de s’offencer, & que, si le lecteur se divertit, ou du moins s’amuse chez lui, ce n’est aux depens de personne.

Sur ma parole, Madame, nous passerions fort tristement notre tems dans les caffés, sans ces fictions, qui plus elles sont énormes & extravagantes, mieux elles repondent au dessein que nous avons en les lisant. C’est pourquoi comme elles n’en imposent point à notre jugement, & qu’elles ne sont dangereuses à aucun égard, mais qu’au-contraire elles remplissent dans notre esprit un vuide qui pourroit être plus mal occupé, j’ôse dire que ces mensonges portent avec eux leur excuse.

Mais il y a encore une <sic> autre motif qui devroit engager la Spectatrice à rabbatre de sa sévérité, c’est que [326] ces inventions donnent du pain à des personnes qui en manqueroient. Plusieurs miserables Auteurs périroient de faim dans leurs greniers, si des extraits de pré endues <sic> lettres du déhors ne les faisoient pas vivre ; c’est un demi Ecu bientôt gâgné, & payé promtement par l’éditeur, qui trouve ensuite son compte dans la vérité de son papier.

Il y a aussi quantité de pauvres gens, qui gâgnent passablement leur vie en détaillant, ou en prêtant au déhors ces romans de chaque jour, qui amusent également la Campagne & la Ville.

Pour l’amour du Ciel, Madame, cessez de condamner ce qui est si avantageux pour cette partie du genre humain qui est dans la nécessité, & si amusant pour leur supérieurs. Nous devrions à mon avis les regarder sur le même pied que ces contes de Géans & de Fées, que les nourrices font aux petits enfans pour les amuser & les endormir.

Je me flatte que ce que j’ai dit à ce sujet, sera convainquant non seulement pour vous, mais pour tous [327] ceux qui le liront, que les détails qu’on nous donne dans les papiers de nouvelles, ne méritent pas d’être confondus avec ces autres mensonges, qui font tant de mal dans le monde ; mais quelques différens que puissent être nos sentimens à cet égard, je ne laisse pas d’être avec la plus grande admiration pour vos écrits en général. »

Madame,

Votre très-humble & très-
obéïssant Serviteur
.

L. D.

Little-Britaince 30. Dec. 1745.

« P.S. Je serai charmé d’apprendre vos sentimens à ce sujet, & de savoir si vous pardonnez la liberté que j’ai prise. » ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3

Metatextuality► A l’égard de la dernière partie de cette lettre, notre correspondant peut s’assûrer que nous ferons ce qu’il nous demande, non seulement en insérant ce qu’il nous écrit ici, mais encore en [328] déclarant, comme nous l’avons fait plusieurs fois, que chacun pouvoit dire librement son opinion ; mais nous le prions de nous excuser, si nous ne faisons aucune réflexion sur sa lettre. Nos lecteurs les feront sans doute pour nous ; & il jugera mieux de ce que le public en pense, que si la Spectatrice avoit fait quelque tentative, pour déterminer en sa faveur, ou contre lui, les suffrages du public. ◀Metatextuality

Metatextuality► La lettre suivantes qui est devant nos yeux sur notre table, roule sur un sujet qu’on ne peut repéter trop souvent, quoique nous l’ayons touché plus d’une fois dans le cours de ces spéculations, & qui ne doit point ennuyer tout lecteur accoûtumé à réfléchir. ◀Metatextuality

A la Spectatrice.
Level 3► Letter/Letter to the editor► Madame
,

« On s’apperçoit aisément par les écrits dont vous avez enrichi le public, que vous êtes bien éloignée de penser comme ceux qui croyent la doctrine de la non existence après la mort, ainsi je ne vous ferai point [329] d’apologie de ce que je vous envoye quelques pensées détachées, qui me sont venues dans l’esprit en lisant quelques passages de Lucrece.

C’est un malheur commun à ce grand adversaire d’un état avenir & à tous ceux qui l’ont copié, de tomber dans des contradictions frappantes pour tous ceux qui les considerent, & que tout leur savoir comme toute leur philosophie ne pourroient pas concilier.

Mais il ne seroit pas honnête d’avancer une accusation de cette nature sans en produire les preuves. Je citerai donc deux ou trois passages entre plusieurs, qu’on pourroit extraire de cet ouvrage, qui est si justement admiré pour son élégance & la pureté du stile, & je suis fâché de le dire, qui n’a fait que trop de proselites.

Pour faire plaisir à ceux qui n’entendent pas l’original. Je les donnerai suivant l’excellente traduction de Mr. Dryden.

Voulant, comme je le suppose, garantir ses lecteurs contre la crainte de la mort, il dit.

[330] Level 4► Qu’à donc la mort, cet épouventail, de quoi effrayer les hommes, si l’âme peut mourir aussi bien que le corps ? Car comme nous n’avons point senti de douleur avant que d’être, ainsi quand ce quoi doit mourir sera dessous, nous serons une masse sans vie & inanimée, délivrée de tout sentiment de peine & de chagrin ; nous ne sentirons plus, parce que nous ne serons plus. Et en supposant même qu’après notre mort, l’âme séparée du corps dût sentir ; que nous importe ? Nous sommes seulement nous, un composé d’âme & de corps. ◀Level 4

Je ne puis m’empêcher de l’interrompre ici, en lui demandant, quelque conséquence il en tire ? Supposant, comme il le dit, que nous soyons seulement nous, tandis que l’âme reste dans le corps ; si elle est transportée dans une autre, suivant le systême de Pithagore, c’est, à mon avis, une bien pauvre consolation, que le futur nous doive souffrir sous une autre forme pour les crimes que le présent nous à commis. Oh ! dit il, nous n’en saurons rien, car il continue encore avec plus d’audace.

Level 4► Même quoique nos atomes, en conti- [331] nuant leurs révolutions, viennent à former un nouvel homme, à quoi aboutira tout cet éclat ? Ce nouvel homme sera une autre chose, & après que l’interruption sera faite dans notre existence, que notre individu sera détruit, nous, qui serons morts & partis, n’aurons point de part aux plaisirs & aux peines d’autres mortels, formés peut-être de la même substance qui avoit composé nos corps. Car quiconque vivra dans l’infortune, devra etre quand l’infortune arrivera ; & puisque celui qui n’est pas, ne sent point de malheur (car la mort le met à couvert des coups qui ne frappent que nous autres vivans) que nous reste-t-il à craindre au sujet de la mort ? Quand une fois nous avons cessé d’exister, c’est justement comme si nous n’avions jamais véçû. ◀Level 4

Il ajoûte encore quelques lignes plus bas pour confirmer ce qu’il avoit avancé.

Level 4► Même dans le sommeil, le corps enveloppé à l’aise, se repose tranquillement comme dans le sépulchre ; & n’ayant besoin de rien, ne demande rien ; si ce sommeil étoit éternel, ce seroit la mort ; la mort donc, & la crainte de la mort, [332] est moins que rien, si l’on peut s’exprimer ainsi ; car alors nos atomes sont dispersés & balottés de tous côtés ; & ne reviennent jamais à leur place, dès qu’une fois la cessation de la vie à laissé un espace vuide ; c’est pourquoi si un homme lamente son sort, de ce qu’après sa mort ses membres s’en iront en poudre, de ce qu’il sera dévoré par les flammes, ou qu’il deviendra la proye des bêtes sauvrages <sic>, sachez que c’est un homme sans jugement, ou sans sincérité ; le fou s’intéresse pour ce qui sortira de lui ; il se vante qu’il ne peut plus rester de sentiment après la mort ; cependant il se met dans l’esprit une autre vie, comme si quelque autre lui-même pouvoit sentir ; & si cette pensée se fixe dans son esprit, il passe ses jours dans des chagrins inutiles, & ne peut plus distinguer entre le corps & l’homme ; mais s’imagine qu’il pourra survivre à lui-même. Il murmura ensuite de ce qu’il est né pour mourir, & ne sçait pas qu’après la mort, il n’y a point d’autre lui. Il ne restera point de lui vivant, pour donner l’essor à ses chagrins & se lamenter sur son insensible cadavre. ◀Level 4

Vous voyez, Madame, qu’il re-[333]connoît constamment une âme ; & alors, je vous prie, que deviendront la pensée, la mémoire & la réflexion, qui sont incontenstablement des facultés de l’âme, après cette cessation de la vie, comme il s’exprime ? Les transactions passés ne se présenteroient-elles pas à l’esprit toûjours, par tout où il habiteroit ? Comment donc le nouvel être pourroit-il ne pas connoître, & n’avoir aucun sentiment de qui s’est passé dans une première vie.

Pour s’accorder avec lui, il faut absolument supposer, ou que la matière est capable de penser, on <sic> que l’Esprit peut devenir insensible, deux suppositions contraires à la Philosophie, ou à la droite raison.

Chacun sçait qu’il pense, qu’il se souvient, qu’il compare, qu’il réfléchit, & qu’il juge ; & nous sçavons tous très bien que, quand l’âme est partie, cette masse d’argille qu’elle a laissée, ne peut faire aucune de ces opérations. Ce sont donc manifestement des propriétés de l’âme ; ce qui suffit pour la première partie de l’argument.

[334] Et à l’égard de l’insensibilité de l’âme, ou de l’esprit, comme vous voudrez l’appeler ; il n’est pas en notre pouvoir d’oublier ce que nous voudrions, ni d’éviter des pensées, que nous tâchons d’ensevelir dans l’oubli. L’âme en dépit de tous nos efforts agira toûjours, & nous présentera même dans le sommeil les idées qui lui plairont ; cette immortelle étincelle brillera à travers les plus épais brouillards de l’ignorance ; l’homme le plus grossier & le plus sauvage trouvera toûjours dans lui-même quelque chose, qu’il n’aura pas le pouvoir de supprimer.

Comme donc la matière ne peut en rien aider à l’esprit, qu’elle lui est au-contraire un obstacle, certainement quand il sera délivré de cette grossiére compagnie, il agira avec plus de force, ou de liberté ; & de quelque enveloppe qu’elle soit revêtue ensuite, elle ne peut pas être privée de cette sensibilité qui est de son essence.

Il auroit usé sans doute de plus d’addresse, s’il avoit omis cette malheureuse supposition que l’âme peut [335] sentir séparée d’avec le corps, que de prétendre prouver qu’elle sera insensible à ce qui lui arrivera, soit qu’elle soit transportée dans une nouvelle masse de matière, ou qu’elle soit réunie à la précédente.

Enfin la persuasion d’un état de peines & de recompenses après la mort, est simple, aisée, conforme à la nature & à la raison ; imprimée dans l’une & confirmée par l’autre ; pendant que toutes les tentatives pour la renverser sont confuses, obscures, abstruses, & ne servent, quand on les examine sérieusement, qu’à montrer la vanité & la folie de ceux qui les font, & ne peuvent produire aucun effet que sur des esprit foibles & irrésolues.

Soit que vous lisiez les œuvres de ces Anti-Eterniteriens, ou que vous les entendiez raisonner sur ce sujet, vous les trouverez toûjours plein de contradictions ; même leurs meilleurs raisonnemens & les plus plausibles ne sont fondés que sur des suppositions, & soûtenus d’une fausse logique.

C’est cependant un grand malheur [336] pour le public, qu’on les souffre, je crains même qu’on ne les encourage à repandre avec autant de hardiesse leurs pernicieux ouvrages. Nous avons vû derniérement des Auteurs s’enfler de la réputation & du succès de quelques livres, ou de brochures qui, de mémoire d’homme, auroient été brûlez par la main de l’exécuteur, & les écrivains, les imprimeurs, comme ceux qui les publient, recompensés suivant leur mérite.

Rien n’étonne d’avantage les étrangers que de voir une nation, qui a payé si cher pour sa religion, regarder tranquillement & d’un œil calme cette même religion avilie, tournée en ridicule, & traitée d’une maniére qui choqueroit même les plus grands ennemis du Christianisme.

Puisque nous nous vantons d’être l’Eglise la plus pure qu’il y ait au monde, & que nous la sommes réellement, nous devrions, à mon avis, rougir de honte d’être infiniment moins zêlés pour la défense de nos principes, que ceux qui sont infatués de mille erreurs, & dont la foi n’est présque que superstition.

[337] Mais pour écarter hors de la question toutes les différentes manières de servir Dieu, car ce que j’ai dit à ce sujet est une digression de mon principal dessein ; ce que nous appellons Religion naturelle, & que réellement ne peut être effacé du cœur qu’avec beaucoup de peine, ce principe inné, qui sans l’aide des livres ou des préceptes, nous informe qu’il y a un Dieu, nous apprend aussi que nous avons au-dedans de nous une étincelle de son essence immortelle qui ne peut jamais mourir, mais qui doit exister éternellement dans un état ou un autre.

Les plus barbares habitans de l’Afrique & de l’Amérique vous diront qu’ils iront après leur mort dans un autre monde au-delà du soleil ; & qu’ils regardent plûtôt comme leur véritable séjour que celui qu’ils habitent maintenant. On ne peut attribuer les notions de ces pauvres créatures à la ruse des Prêtres, ainsi que nos incredules modernes appellent tout ce qui ne quadre pas avec leur propre opinion ; non, c’est le Créateur lui-même qui leur inspire cette [338] connoissance en commun avec le reste de l’espéce humaine ; quoique nous-mêmes, hélas ! trop enflés de notre vain savoir, nous fassions nos efforts pour obscurcir cette lumière naturelle, & que nous bâtissions de nouveaux systêmes, afin de nous embarrasser nous-mêmes & tous ceux qui voudront nous prêter l’oreille.

Mais je deviens trop long, & peut-être trop grave, pour un ouvrage dans lequel j’espére que vous me ferez l’honneur d’insérer cette lettre. Je vais donc finir, en vous souhaitant & à vos belles associées tout le succès que vous méritez & que vous désirez.

J’ai l’honneur d’être »

Madame,

Votre très-humble & très-
obéïssant Serviteur
.

Extratellus.

Bedford-Row, ce2. Janv. 1745

◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3

Metatextuality► Si ce que l’Auteur de cette lettre à avancé fait autant de plaisir à nos lec-[339]teurs qu’il nous en a fait à nous-mêmes, personne ne nous blâmera de l’avoir inséré dans cet essai ; mais je le dis avec chagrin, des sentimens tels que les siens, sont trop décrédités parmi le beau monde, pour que j’espére que sa lettre ait l’effet qu’elle doit produire, & que nous souhaitons l’un & l’autre.

Il est fâcheux que ceux qui ont malheureusement des notions assez chetives de l’âme humaine pour la mettre de niveau avec celle des animaux, ne gardent pas leur opinion pour eux-mêmes ; car quoique je pense entiérement comme Extratellus, que ceux qui sont infatués de cette opinion, ne peuvent avoir ni beaucoup de Réligion, ni un jugement droit, & que ce n’est point un honneur pour leur Doctrine de faire de semblables prosélytes ; cependant comme cette licence arrête ceux qui voudroient se convertir à une meilleure opinion, il seroit à souhaiter que l’on y mît des bornes, parce qu’elle fait plus de mal dans le monde que toutes les autres mises ensemble.

Je conviens aussi avec lui que les argumens, dont on se sert pour combattre un état à venir, jettent le désordre dans [340] l’esprit de ceux qui les écoutent ; la raison en est claire ; ils ne peuvent imposer entiérement silence à cette émanation divine qui est au-dedans d’eux-mêmes, & qui se reveillant en dépit de tous leurs efforts, occasionnera des débats & une confusion perpétuelle dans leur cœur.

Mais comme j’ai déclaré suffisamment mes sentimens à ce sujet dans plusieurs de mes essais précédens, je n’y ajoûterai rien à présent & je viendrai á la lettre suivante, qui prétend à une place suivant l’ordre de sa datte. ◀Metatextuality

Aux belles & ingénieuses personnes qui se font imprimer sous le nom de Spectatrice Level 3► Letter/Letter to the editor► Mesdames,

« Il est très probable, que ce que je vais vous offrir, vous paroîtra à la première lecture trop peu considérable pour mériter l’approbation de vous-même, ou de la plus grande partie de vos lecteurs ; mais comme je me flatte qu’après une mûre considération, ce sujet vous [341] paroîtra plus important, je hazarde de vous envoyer cette lettre sans aucune Apologie, parce qu’il dépend entiérement de vous de l’insérer, ou non.

Il y a, à mon avis, quelque chose d’étrangement contradictoire dans le jugement, le goût & l’humeur de nos beaux esprits modernes. Un homme passeroit pour très extraordinaire en compagnie, s’il prétendoit critiquer les écrits des anciens & la morale de leurs Philosophes ; nos législateurs même ont jugé à propos de fonder plusieurs de nos loix sur les dix tables des Romains. Tant nous avons une haute idée des siécles passés que, si nous voulons exalter quelque Moderne, c’est en le comparant avec un modèle de l’antiquité. Un éminent patriotte est un second Brutus, un grand guerrier un Alexandre ou un Jules César, un bon poëte un Horace ou un Virgile, un patron bienfaisant un Mécene, un orateur, un autre Cicéron, & ainsi du reste, comme s’il n’y avoit point de vertu & de bonne qualité qui ne fût copiée d’après les siécles passés.

[342] Cependant en dépit de toute cette vénération pour les grands hommes de l’antiquité, nous condamnons & nous affectons de traiter avec mépris une science, qui étoit dans la plus haute estime parmi eux, je veux dire l’Astrologie. Ne tressaillez point à ce nom, mes bonnes Dames, je vous en conjure, car avant que j’aye fini j’espére de vous convaincre, que l’étude du Ciel rélativement aux affaires humaines, est raisonnable & utile.

Le premier argument contre l’Astrologie, & celui qui véritablement mérite le plus notre attention, parce qu’il est fondé sur un principe de réligion, c’est que nous ne devons pas sonder les sécrets du Très-Haut, & que c’est ôter du pouvoir du Créateur, que d’attribuer quelque influence à la Créature.

Je reponds à la première partie de cette objection, qu’il n’est pas probable que l’étude des aspects des Planétes soit un de ces sécrets de Dieu, que nous ne devons pas sonder ; si cela étoit, les hommes seroient-ils doués de facultés suffisantes pour [343] comprendre les différens mouvemens & les phases des corps planétaires ? La seconde partie de l’objection a, suivant moi, encore moins de poids, & peut être refutée par la seule considération que toute la nature est gouvernée par les causes secondes ; que le Tout-puissant Auteur de cet Univers à <sic> ordonné que tous les Etres individus dépendissent les uns des autres, par une sympathie, une attraction ou une influence secrette, qui sans être sentie par la chose dirigée ou par celle qui dirige, gouverne tout d’une maniére irrésistible.

C’est ce que nous nommons le cours ordinaire de la nature, & lorsque nous voyons arriver quelque chose au-delà nous la regardons justement comme miraculeuse ; Exemplum► car alors la main immédiate de Dieu arrête le mouvement des causes subordonnées, comme quand la mer rouge s’ouvrit pour faire passage aux Israélites dans le tems de Moïse, & que les eaux du Jourdain firent la même chose pour laisser passer ce peuple [344] sous Josué, ou quand le soleil s’arrêta à la priére de ce grand conquerant tandis qu’il poursuivit ses ennemis, outre plusieurs autres événemens merveilleux que nous lisons dans les livres sacrés. ◀Exemplum Il est certain qu’aucun Astrologue n’auroit pû prévoir ces événemens, & qu’ils étoient parmi ces choses secrétes que nous ne devons pas entreprendre de développer.

Cependant depuis la dispersion des Juifs tout est allé de la même manière sans interruption ; mais comme Dieu à donné à l’homme une intelligence suffisante pour juger assez exactement de ce qui arrivera dans ce monde, par l’influence de ces globes qui roulent autour de sa tête, je ne vois point de raison pourquoi il devroit enfouir ses talens, sur-tout puisque leur exercice est d’une utilité si générale, comme je le prouverai bientôt.

La seconde objection, & je suis fâché de le dire, la plus usitée, est tirée de l’incertitude de cet art, qu’il est sujet à de grandes méprises, & [345] qu’il y a de la foiblesse & de la superstition à se reposer sur les pronostications de ce genre.

Je ne nierai pas que l’ignorance de quelques prétendus Astrologues n’ait donné occasion à cette censure, mais n’est-il pas injuste de condamner tout un corps pour quelques-uns de ses membres ; il n’y a point d’art ou de science qui n’ait été déshonorée par quelques-uns de ceux qui la professent ; il y a eû & il y a encore de mauvais Théologiens, de mauvais Philosophes, de mauvais Médecins, de mauvais Poëtes, & de mauvais Musiciens, cependant la Théologie, la Philosophie, la Médecine, la Poësie & la Musqiue, n’ont pas perdu leur réputation ; c’est pourquoi je ne conçois pas pour quelle raison l’Astrologie l’auroit perdue.

Que les corps célestes aient de l’influence sur l’esprit & les dispositions des hommes, suivant qu’ils sont nés sous tel & tel aspect, & que cette influence peut être connue, en consultant l’heure natale d’une personne tout-à-fait inconnue à l’Astrologue [346] qu’on employe pour ce calcul, c’est une vérité certaine.

Je ne puis m’empêcher de rappeller ici un exemple remarquable de cette vérité, que peu de personnes ignorent, mais qui s’applique très-bien à mon dessein.

Level 4► Exemplum► Socrate, ce grand Philosophe & cet éminent modèle de continence, de sobriété, de justice, de force d’esprit & de toutes les vertus morales, eut cependant la curiosité de savoir sous quel aspect il étoit né, & donna dans ce dessein l’heure & la minute de sa naissance à l’un des plus célébres Astrologues de son siécle, le priant d’en agir sincérement avec lui, & de ne lui cacher rien de ce qui pourroit le menacer.

L’Astrologue l’assûra de son intégrité, & lui promit de revenir dans peu de jours, pour lui donner toute la satisfaction qu’il désiroit.

Cependant Socrate ne le vit que long-tems après ; & quand il l’aborda ce fut avec un air de mécontentement très visible. Il reprocha avec quelque chaleur au Philosophe qu’il l’avoit trompé, en lui donnant le [347] moment de sa naissance, puisqu’il étoit impossible qu’il fût jamais né sous cet aspect.

Socrate eut beaucoup de peine à le persuader que ce détail étoit juste, que son père qui l’avoit examiné avec soin, l’en avoit assûré ; enfin il se laissa convaincre en réfléchissant de sang froid au caractére de celui qui lui parloit, & combien il étoit peu vraisemblable qu’il persistât à vouloir lui en imposer.

Fort bien, lui dit-il, après une assez longue pause, l’Astrologie est donc une science trompeuse, je vais brûler sur le champ tous mes livres, jamais je ne dresserai mon Télescope contre le Ciel, ou je ne formerai de figure.

Après avoir ainsi parlé, il alloit partir, lorsque Socrate l’arrêta par sa manche, & le pria avec son calme ordinaire, de lui dire pourquoi il renonçoit subitement à un art, qu’il avoit pratiqué si long-tems & avec tant de succès.

Parce, repliqua-t-il, que je suis très convaincu par l’examen de votre naissance qu’on ne peut pas se reposer sur cet art. Un homme né dans le même [348] tems que vous, devroit être naturellement enclin à l’yvrognerie, lascif, injuste & cruel, en un mot addonné à tous les vices.

Socrate sourioit en l’entendant parler ; & dès qu’il eut fini ; si c’est à cause de ma naissance, lui dit-il, que vous avez conçu une si mauvaise opinion de l’Astrologie, bannissez cette pensée de votre esprit, & exaltez plûtôt une science qui montre la vérité sans déguisement, en dépit des apparences. Apprenez, mon ami, que je suis venu dans le monde avec toutes ces inclinations vicieuses dont vous avez parlé, la Nature vouloit faire de moi un monstre, mais la Raison m’a fait ce que je suis. Elle m’a enseigné à fermer toutes les avenues de mon âme aux tentations que le monde & ses plaisirs me présentent constamment. Elle m’a montré la vraie dignité de mon être, & m’a convaincu qu’il est au-dessous de l’espéce humaine de poursuivre aucun dessein violent, ou injuste. ◀Exemplum ◀Level 4

C’est ce que nous savons d’un Auteur de réputation ; J’ai encore trouvé dans un vieux livre Latin que l’Astrologue à la priére de Socrate lui [349] ayant communiqué son horoscope ; il y trouva des prédictions qui contribuerent beaucoup à armer ce Philosophe contre les coups du sort qu’il essuya dans la suite, & à le mettre en état de se conduire même à l’article de la mort d’une manière qui lui a attiré de la part de Juvenal, cet éloge que je vous donnerai tel qu’il a été traduit par Mr. Creech.

Level 4► Grand Socrate, courageux au-dessus de l’humanité ! Il périt injustement & il pardonna en mourant ! Il but tranquillement la coupe empoisonnée, sans souhaiter que ses infâmes accusateurs eussent le même sort, trop grand pour la vengeance, qui est constamment une des plus grandes foiblesses de l’esprit humain. ◀Level 4

S’il devoit en partie cette force d’esprit aux prédictions de son Astrologue ; c’est ce que je ne veux pas prendre sur moi d’assûrer, parce que le titre du livre ou je l’ai lû ayant été déchiré, je ne sçais point le nom de l’Auteur, ni à quel point on peut se confier sur ce qu’il rapporte.

Quoiqu’il en soit la première partie de cette histoire, dont la vérité [350] n’a jamais été révoquée en doute, fait non seulement beaucoup d’honneur à la science que je defens, à l’égard de sa certitude, mais prouve encore qu’elle est réellement utile au genre humain.

Chacun n’a pas autant de pénétration que ce Philosophe ; & il y en a encore moins qui veuillent prendre la peine d’examiner impartialement leur propre cœur, & de découvrir à quel penchant ils ont le plus d’inclination, l’Astrologie ne seroit-elle pas alors d’un grand secours à ceux qui la négligent ? N’ont-ils pas besoin d’un tel Mentor pour les reveiller de cette léthargie, qui les laisse tomber dans des vices, dont ils ne se rendroient jamais coupables de dessein prémédité ?

Ce n’est pas seulement pour reprimer les progrès des inclinations vicieuses, que je regarde la coûtume de consulter les aspects des planétes à notre naissance, comme très utile ; elle contribue encore à notre conduite dans le monde, au choix de nos occupations, & enfin à tout ce qui est essentiel à notre bonheur.

[351] Il y a beaucoup de gens qui, malgré tous leurs soins & toute leur industrie, ne peuvent pas prospérer dans des affaires qu’ils ont malheureusement entreprises, & qui auroient eû sans doute, plus de succès dans d’autres affaires, comme le dit fort bien un de nos Poëtes.

Level 4► Le Ciel a alloué à tous, tôt ou tard, quelque heureuse révolution dans leur fortune, si nous les observons & que nous les conduisions avec habilité ; (car le bonheur des hommes dépend de leur volonté) notre fortune roule doucement suivant la première impression qu’elle a reçue ; mais si on ne la saisit pas, elle glisse comme le vent, & ne laisse après elle que le repentir. ◀Level 4

Comment trouverons-nous sans le secours de l’Astrologie quelles seront ces heureuses révolutions, & quand elles arriveront ? Ou comment pourrons-nous découvrir ce point critique dans lequel la fortune doit être saisie ? C’est pourquoi Mr. Dryden avoit certainement cette science dans l’esprit, quand il écrivit les lignes que je viens de citer, & de même quand il dit.

[352] Level 4► Le Cavalier est souvent renversé de dessus la selle ; mais c’est la faute de la fortune & non la sienne propre ; si des couronnes & des palmes décorent le front du victorieux, c’est parce qu’il étoit né sous un meilleur aspect. ◀Level 4

Mais pour mettre de côté toutes les autorités possibles & pour nous servir uniquement de notre raison, & de nos observations, rien de plus commun que de voir des gens destinés dans des emplois ou des affaires pour lesquelles ils ne sont nullement qualifiés, & où ils ne peuvent faire qu’une très petite figure.

Celui qui a donné l’âme, l’a sans doute revêtue de qualités suffisantes pour faire le bonheur du corps qu’elle habite ; mais comme ces facultés sont très différentes, il faut savoir les appliquer à la vocation qui leur convient.

Les Parens se méprennent souvent sur le génie de leurs enfans, & nous-mêmes ne pouvons pas toûours juger de nos propres talens, sur-tout dans notre jeunesse. Le brillant & la pompe d’une profession nous induisent quelques fois à faire choix [353] de celle qui nous convient le moins, & nous ne nous appercevons pas de notre erreur, qu’il ne soit trop tard pour la réparer.

En un mot je hazarderai d’assûrer positivement comme une opinion que je n’abandonnerai jamais, que quiconque agit contradictoirement à la planete qui a présidé à sa naissance, ne sera jamais heureux, quoiqu’il puisse être honnête-homme ; & que c’est plûtôt la négligence de cet article important qui rend tant de gens malheureux, que leur mauvaise conduite ou leur inadvertence, dans la professions qu’ils ont malheureusement choisie.

Pourquoi donc les hommes en général ont-ils tant d’aversion pour cette science, quoiqu’ils ne puissent prouver par aucun argument qu’elle soit préjudicable, & qu’aucontraire <sic>, ils ne puissent nier qu’elle ne soit d’une utilité universelle ? Je suis persuadée que quelques-uns l’ont éprouvé ainsi, cependant entraînés par l’opinion générale, ils ont déguisé ingratement le moyen auquel ils [354] devoient leurs succes & l’aggrandissement de leurs familles.

Il ne faut pas cependant qu’on insére de ce que j’ai dit, que je suis partisan des communs diseurs de bonne fortune, aussi bien que des charmes & des talismans. Non, Mesdames, l’un est absurde & ridicule & si les autres ont quelque efficace, ils en sont redevables à des influences qui ne devroient pas être encouragées par des gens qui se nomment Chrétiens.

Tout ce que je veux defendre est le simple calcul des nativités, qui peut nous instruire plus exactement & de meilleure heure, des inclinations qui doivent vraisemblablement nous guider dans la suite, & par conséquent qui nous met en état de veiller plus soigneusement sur celles qui sont pernicieuses, que nous en pourrions le faire par aucun autre moyen, & aussi de juger quelle vocation nous convient ou ne nous convient pas.

A l’égard de ceux qui affectent de rire de l’influence des astres, parce, [355] disent-ils, qu’on ne peut pas donner de raison pourquoi ils auroient cette efficace sur l’espéce humaine, ils nieroient également les effets de l’Aimant sur l’Acier, qui sont aussi inexplicables, s’ils n’en avoient pas chaque jour les effets devant leurs yeux.

Mais il nous suffit de savoir que les choses soyent, sans demander pourquoi elles sont. Le Grand Auteur de la Nature connoît seul les ressorts secrets qui mettent en mouvement la machine de ce vaste Univers, qui sont même voilés aux Anges, & dont sa seule sagesse peut rendre raison.

Je finirai donc par un passage du poëme de Mr. Dryden intitulé la Religion du Saique, Level 4► que si nous voulons sonder les misteres de la Providence, nous ne faisons que nous engager de tous côtés dans un labyrinthe. Comment le plus petit peut-il comprendre le plus grand, ou le fini atteindre l’infini ? Car celui qui pourroit trouver le fond de Dieu, seroit plus que ce souverain Etre. ◀Level 4

Mais je ne dois pas plier ma lettre [356] sans vous assûrer Mesdames que je suis avec la plus grande consideration, & le cœur les <sic> plus sincére pour le succès de votre dessein. »

Votre très-humble & très-
obéïssant Serviteur
.

Philas Trologos.

Hampstead,Ce 12. Fev. 1745 – 6.

◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3

Metatextuality► Je ne sçais point ce que la plûpart de mes lecteurs penseront de cette lettre ; mais je suis persuadée qu’elle sera approuvée de plusieurs personnes, qui ne voudront pas en convenir. Je ne doute point qu’il n’y en ait beaucoup qui souhaitent de tout leur cœur que l’Astrologie fût plus à la mode, quoiqu’ils ne veuillent pas être les premiers à se declarer en sa faveur.

Sans parler de tous les avantages, & des louables desseins, dont mon correspondant à fait mention, il y a un désir logé dans le cœur d’un chacun de lire dans l’avenir, aussi je crains qu’il n’y ait que trop de gens qui voudroient se servir de cet art pour pénétrer dans les affaires & les secrets des autres.

[357] Je nallégue <sic> pas ceci comme une objection contre l’Astrologie, puis qu’on peut abuser des meilleures choses. Pour moi je suis resolue d’être neutre à cet égard : j’ai beaucoup de respect pour ces magnifiques globes qui brillent au dessus de ma tête, & dont la vûe me fait tant de plaisir en Eté dans une promenade solitaire ; je serois bien fâchée de rien dire qui pût en donner une chetive idée ; cependant je pense comme quantité de gens qui craignent de trop attribuer à l’influence de ces corps celestes.

L’Histoire de Socrate prouve tout au plus que l’aspect de certaines planetes affecte les dispositions de celui qui naît dans cet instant : mais puis qu’il peut subjuguer ses penchans naturels, c’est une preuve évidente que, s’ils nous inclinent, ils n’ont pas le pouvoir de nous contraindre : & que le Tout-puissant Créateur se plaît quelquefois à montrer qu’on ne peut plaçer de confiance assûrée qu’en lui seul.

Même nos communs almanacs nous convainquent que les astres ne dominent point absolument sur les Saisons : nous avons eû des sécheresses longues, [358] lorsque la Lune étoit dans le Verseau ou dans les Poissons : & les Pleïades ne nous ont pas toûjours amené la pluye : cependant quoique cela arrive quelquefois, je ne prétends pas décrier l’étude des astres à cet égard, parce qu’elle est plus souvent vraie que trompeuse dans ses productions, du moins à l’égard du beau ou du mauvais tems.

Peut-être en est-il de mêmes d’autres égards ; mais comme je l’ai déjà dit, je laisse ce point à discuter à d’autres plus habiles.

Je hazarderai seulement de dire, comme mon propre jugement, que si la cause de Philastrologos est bonne en elle-même, le zèle avec lequel il s’exprime, mérite de grandes louanges ; & que si elle est mauvaise, il faut convenir qu’il l’a très bien defendue : ensorte qu’il mérite à tous égards les remercimens de la Spectatrice. ◀Metatextuality

Metatextuality► Je viens maintenant à une lettre que mes lecteurs ne seront pas surpris de trouver dans un ouvrage de cette nature, puis qu’elle pourra être très utile aux jeunes Dames qui ne sont pas encore mariées, si elles y donnent une juste attention. ◀Metatextuality

[359] A la Spectatrice.

Level 3► Letter/Letter to the editor► Madame,

« Cette tendre consideration que vous montrez pour le bonheur & la réputation de tout le genre humain en général, & particulierement des personnes de votre sexe, enhardit la plus infortunée de toutes les femmes à vous donner un détail de ses afflictions avec la fatale faute, qui ne les a attirées sur elle que trop justement.

En déchargeant mon cœur de cette manière, je goûte le premier intervalle de repos, que j’aie connu depuis long-tems ; mais c’est le moindre motif qui m’ait engagé à écrire ; le principal dessein que j’ai en vûe, en souhaitant que l’on publie mon avanture, c’est de fournir à toutes les jeunes filles, de quelque rang ou qualité qu’elles soyent, un avertissement pour ne pas tomber dans la même faute dont j’ai été coupable.

En lisant cette affligeante Epître vous jugerez combien elle mérite [360] l’attention du public à l’égard du sujet qu’elle contient ; car pour ce qui regarde le style, je ne me pique point d’esprit ou d’élegance, & dans ma situation présente on ne doit pas supposer que je puisse ranger mes pensées avec tout l’ordre que la presse exige : faites-moi donc la grace de les rendre plus méthodiques.

Level 4► General account► Je commencerai, Madame, par vous informer tout uniment que je suis la fille unique d’un homme, qui fait une figure considérable dans le monde. J’eus le malheur de perdre ma mère, lorsque j’étois encore fort jeune, mais je n’eus pas celui d’en voir une autre en sa place ; & quoique mon Père fût naturellement sévere, il paroissoit prendre tant de plaisir avec moi, qu’il disoit souvent que, si j’avois un frere qui m’enleveroit une grosse partie de son bien, il feroit ensorte que ma dot me mît en état d’aspirer à un homme plus riche que lui.

Sa tendresse pour moi étoit si bien connue, que j’avois à peine atteint l’âge de quatorze ans, que plusieurs Cavaliers demandérent la permission [361] de m’addresser leurs vœux ; mais il semble qu’il avoit de plus hautes idées pour mon établissement, il les refusa donc, & le premier qui me fit une Déclaration d’amour fut un jeune homme, avec qui je fis connoissance dans un bal malheureusement pour l’un & l’autre.

La passion qu’il me témoigna n’étoit que trop sincére, puisqu’il en a donné des preuves fatales dans la suite. Mon cœur se laissa insensiblement toucher aux choses tendres qu’il me dit, & comme j’étois trop jeune, ou du moins trop indolente, pour en considérer les conséquences, j’encourageai ses espérances, autant que ma modestie & mon honneur le permettoient.

Comme il étoit cadet de famille, & que sa fortune étoit peu considérable, il y auroit eû pour lui de la folie de s’addresser à mon père. Nous fîmes donc un grand secret de notre liaison, & il n’y eut que la fille qui me servoit, & qui avoit été dans le secret dès le commencement, qui sçut que je le connoissois.

[362] Il seroit trop long de rappeller tous les prétextes dont je me servois pour le rencontrer ; quelquefois j’avois les vapeurs, & j’avois besoin de me promener le matin de bonne heure dans le parc ; une autrefois j’avois la fantaisie d’aller à la Comédie incognito & de me placer bien envoloppée <sic> dans les secondes loges. De tems en tems j’affectois une grande œconomie & je fréquentois les ventes, sous prétexte d’acheter à grand marché. Personne avec moi dans ces courses que ma servante ; parce, disois-je, qu’un laquais en livrée montreroit qui j’étois, & frustreroit mes intentions ; sans parler de mille autres prétextes que ni mon père, ni personne de la famille ne soupçonnoient.

Cependant croiriez-vous, Madame, après toutes les peines que je prenois, que je n’avois pas pour lui une affection fixe ? La nouveauté de la chose plaisoit à ma vanité & le secret à mon orgueil, parce que je pouvois duper mon père. Cependant je me trompois moi-même en m’imaginant que ma passion égaloit [363] celle d’une heroïne de Roman, & les aveux de cette flamme idéalle que je laissois échapper de tems en tems, pouvoient très bien en imposer à la personne en faveur de qui je les faisois.

Il est étonnant que ce rat, car je ne puis pas lui donner un autre nom, ne m’ait pas transporté au point de consentira un mariage secret, comme il m’y pressoit continuellement : je ne sçais, si je dois imputer à ma bonne, ou à ma mauvaise fortune, qu’il ne put jamais me persuader à faire cette démarche, puisque j’en vins au point de lui promettre & de me lier par plusieurs vœux & imprécations, que je n’épouserois jamais un autre homme.

O que la jeunesse est imprudente ? Qu’elle est peu capable de juger pour elle-même, ou d’elle-même ! Sylvius, c’est ainsi que je le nommerai, s’imaginoit avoir gâgné un grand point de m’avoir engagée de cette manière ; mais, hélas ! j’y faisois bien peu d’attention, & quoique dans ce tems je fus résolue de tenir ma promesse, je ne réfléchis jamais aux difficultés [364] qui pouvoient se rencontrer en mon chemin.

Mais l’épreuve ne se fit pas attendre ; bientôt on fit à mon père une ouverture qu’il trouva trop avantageuse pour la rejetter ; c’étoit en faveur d’un jeune Gentilhomme, à qui je donnerai le nom de Célandre. Il descendoit d’une illustre famille, jousissoit d’une fortune considérable & possédoit toutes les qualités qui pouvoient lui gâgner l’affection de notre sexe.

J’en avois entendu souvent parler à des Dames de ma connoissance, & jamais sans les éloges qu’il mérite, comme je dois l’avouer. Je l’avois aussi vû, mais seulement en passant, ou à l’Opéra ; mais je l’avois assez remarqué pour savoir que c’étoit un homme beau, bien fait & très agréable. J’en convenois toûjours chaque fois qu’on en parloit, mais dès qu’on avoit fini, je n’y pensois plus, jusques à ce que mon père me dît qu’il lui avoit permis de me visiter, & que je devois le recevoir comme un homme, qu’il me destinoit pour mon Epoux.

[365] Il m’est impossible d’exprimer l’agitation de mon cœur, à l’ouie de cette Déclaration. Apprendre qu’un homme tant admiré de toute la ville m’avoit choisie pour le seul objet digne de ses affections, flattoit trop ma vanité pour ne pas me plaire ; cependant la pensée de l’épouser en abandonnant mon cher Sylvius, me donnoit la plus terrible alarme.

Enfin je ne sçais si je m’en rejousissois, ou si j’en étoits fâchée. Un mêlange de chagrin & de plaisir s’empara en même tems de mon cœur, & mit mes esprits dans un tel désordre, qu’il ne me fut pas possible de répondre directement à ce que mon père me disoit. Il attribua cependant mes fréquens changemens de couleurs, & le peu de liaison de mes réponses, à la timidité, qu’une première proposition de cette nature pouvoit naturellement occasionner, & comme je lui avois répondu à peine en begayant, que j’obéïrois toûjours à ses volontés, il fut très satisfait, & ne me parla plus pour cette heure de cette affaire.

Le jour suivant Célandre dîna avec [366] nous. La grandeur de son équipage & tout ce qui paroissoit autour de lui suffisoient pour éblouïr un cœur aussi jeune que le mien, mais sa politesse ne pouvoit que charmer la personne la plus expérimentée. Après-diné mon père prit une occasion de nous laisser ensemble ; & j’avoue que je trouvai tant de disproportion entre la manière, dont il me fit ses déclarations & celle de Sylvius, que je m’étonnai comment cet autre avoit pû me paroître digne de mon attention.

C’est ce que je pensois, dis-je, tandis que j’étois avec Célandre ; mais quand je fus seule, la tendresse de Sylvius, l’ardeur qu’il me témoignoit & l’assiduité avec laquelle il me rendoit ses devoirs, tournerent encore de son côté la balance de mes inclinations, & je m’écriai en moi-même que je ne serois jamais assez ingratte pour jetter dans le désespoir un amant que j’avois encouragé, & promis de récompenser.

Je continuai quelques jours dans cette incertitude d’esprit, les aimant l’un & l’autre, mais point autant [367] que je le dévois, & méritant bien peu par conséquent leur amour.

Metatextuality► Mais mon destin voulut que je trouvasse plus de sincérité que je ne méritois ; je ne suis que trop bien convaincue que leurs protestations n’excédoient point ce que leur dictoit leur cœur, & c’est ce qui fait mon malheur.

Pardonnez, Madame, ces interruptions du fil de mon récit ; le souvenir de ces tems passés me les arrache ; mais j’abrégerai à présent, autant qu’il me sera possible, pour venir à la triste catastrophe. ◀Metatextuality

Célandre fit enfin l’entiere conquête de mon cœur, & il ne me resta pour Sylvius que de la perte. Mes promesses à la vérité me faisoient quelque peine, mais je me tranquilisai en considérant, que je n’étois pas maitresse de disposer de ma personne & qu’un vœu de cette nature ne passeroit jamais pour obligatoire.

Mon père vit avec beaucoup de plaisir que mon inclination étoit conforme à ses désirs, & mon amant fut transporté de l’aveu que je lui en fis. Il ne restoit qu’à dresser le contract [368] de mariage & qu’à faire tous les préparatifs pour la solemnité de nos noces ; c’est à quoi on travailla avec la plus grande diligence.

Sylvius fut bientôt informé de ce qui se passoit dans notre famille, & ne doutant plus de son infortune, puisque jamais il n’avoit été si long-tems sans me voir, il m’écrivit une lettre remplie de plaintes, & obtint de ma femme de chambre qu’elle me la rémettroit, & qu’elle tâcheroit d’obtenir une réponse.

Je ne pus m’empêcher d’être un peu touchée à la lecture de cette lettre ; mais Célandre, qui arriva justement comme je finissois, prévit tout l’effet qu’elle auroit peut-être eû sur moi ; je réfusai absolument de lui répondre, & pour empêcher qu’il ne m’écrivit encor, j’ordonnai à ma femme de chambre de lui dire uniment qu’il n’y avoit rien pour lui à espérer ; que mon père avoit insisté que je donnasse ma main à Célandre, & que j’étois résolue de ne pas courir le risque de lui désobéïr.

Quelques jours ensuite, comme j’étois en carosse avec Célandre & une [369] jeune Dame, pour aller prendre l’air dans Hyde-Park, mon malheur voulut que je le visse dans une rue que nous traversions ; il me vit aussi & me jetta un regard, où la rage & le désespoir étoient peints, & qui s’accordoit exactement avec la déscription que ma femme de chambre m’avoit faite de son état, lorsqu’elle lui fit mon message en réponse à la lettre.

La vûe inattendue d’une personne que j’avois traitée si mal, me fit beaucoup de peine dans cette occasion : mais j’étois trop jeune, trop dissipée & trop satisfaite de mon propre sort, pour me mettre long-tems en peine de celui d’un autre, quelque obligation que mon honneur, ma conscience & ma générosité m’imposassent à cet égard.

Célandre, à qui chaque minute paroissoit un siécle, jusques à ce qu’il pût m’appeler sa femme, hâta de son côté tous les préparatifs pour notre mariage ; & mon père, qui ne souhaitoit pas avec moins d’ardeur notre union, ayant été également diligent, tout fût prêt beaucoup plûtôt [370] qu’on ne l’auroit attendu, & notre mariage se fit en présence de la plus grande partie de nos parens, qui paroissoient tous prendre intérêt à notre félicité mutuelle.

On donna trois jours aux réjouïssances dans la maison de mon père ; ensuite nous partîmes pour une belle campagne, que Célandre avoit à environ quarante milles de distance de Londres. Je reçus là les complimens & les félicitations de toute la Noblesse de la comté, les hommages & présque les adorations de tous les vassaux tenans & dépendans de mon Epoux, & chaque jour, même chaque heure me présentoit quelque chose de nouveau, capable de flatter ma vanité & mon orgueil.

Cependant tout cela n’étoit rien en comparaison du ravissement que l’excessive tendresse de Célandre me faisoit éprouver ; il sembloit même plus empressé à chercher les moyens de m’amuser, qu’avant notre mariage. Le nom d’Epoux ne lui ôtoit rien de la complaisance de l’Amant : ni notre familiarité du respect qu’il m’avoit toûjours témoigné ; ce bon-[371]heur, hélas ! étoit trop parfait pour être durable : cependant il auroit pû durer autant que ma vie, si je n’avois jamais rien fait qui m’en rendît indigne. Mais il semble que le Ciel, dans le dessein de me punir sévérement de mon manque de foi, vouloit verser sur moi tant de bénédictions, afin de me rendre plus sensible à la misére qui devoit suivre.

Tandis que ce tems si agréable dura, je ne pensai jamais à Sylvius, & ma femme de chambre que j’avois gardée n’avoit pas ôsé m’en parler, parce que je lui avois expressément enjoint le contraire, jusqu’à un malheureux jour. O que je fusse morte avant l’arrivée de ce jour, afin que ce fatal sécret eût pû être enséveli avec moi ! Alors j’aurois été préservée des chagrins que j’endure, & le plus excellent des hommes comme le meilleur des Epoux, n’auroit pas été privé de sa tranquillité.

Il y avoit environ six semaines que nous étions à la Campagne, autant que je puis m’en souvenir, & j’étois un matin toute seule à ma toilette, lorsque cette Créature entra [372] dans ma chambre, & avec un air tout extraordinaire, me prie de lui permettre de me réveler un secret qu’elle avoit, dit-elle, long-tems étouffé dans son sein, mais qui la mettoit actuellement si mal à son aire, qu’elle deviendroit folle, si je ne lui permettois pas de s’en décharger.

Je m’imaginois qu’il ne s’agissoit que de quelque folie qui la regardoit elle-même ; je ne pus m’empêcher de rire en voyant son air sérieux & je lui ordonnai de dire vitement ce qu’elle avoit sur le cœur.

Elle me dit donc, après m’avoir encore demandé pardon, que cinq ou six jours après notre arrivée à la Campagne, on l’avoit envoyée chercher d’une hôtellerie voisine, où on lui dit qu’un de ses parens venoit d’arriver de Londres & souhaitoit de lui parler ; & qu’y étant allée, elle avoit trouvé que la personne qui l’attendoit, n’étoit autre que l’infortuné Sylvius.

Je n’entendis pas plûtôt son nom, que je tâchai de l’arrêter, en lui disant que je ne voulois plus entendre par-[373]ler de lui, & que sachant mon intention, elle étoit très impudente d’en faire mention devant moi, ce que je ne lui pardonnerois jamais.

Cette pauvre fille trembloit tandis que je lui parlois, & elle me repondit qu’elle ne m’auroit pas désobéï pour tout le monde dans toute autre circonstance, mais qu’elle ne pouvoit pas fermer l’œil dans son lit, & qu’elle avoit l’esprit si agité, qu’il ne lui avoit pas été possible de se contenir davantage. Fort bien, lui dis-je avec un ton de mépris, quelle est donc cette grande affaire ?

Elle procéda alors à me faire un récit trop mélancolique pour ne pas toucher le cœur le plus désintéressé ; elle me dit qu’elle n’avoit jamais vû d’homme plus changé, qu’il ressembloit plûtôt à un spectre qu’à un corps réel, & qu’elle n’auroit pû le reconnoître qu’au ton de sa voix. Qu’après avoir donné l’essor à la passion dont il étoit transporté, dans des termes qui marquoient le plus terrible désespoir, il avoit pris une lettre, & tirant en même tems son épée, la lui auroit présentée à la poi-[374]trine, en lui disant que ce moment seroit le dernier de sa vie, si elle ne lui juroit pas de remettre entre mes mains cette lettre.

En vain lui repéta-t-elle l’ordre que je lui avois donné de ne me parler jamais de lui ; en vain allégua-t-elle que tout ce qu’elle pourroit me dire ne lui seroit d’aucune utilité & ne feroit que me chagriner, puisque j’étois mariée & que je ne pouvois rien faire pour lui. Tout ce qu’elle dit ne fit que le rendre plus passionné, & il insista toûjours sur son serment qu’elle fut enfin obligée de lui prêter, avec les plus solemnelles imprécations contre elle-même, si elle ne le remplissoit pas.

Elle me dit ensuite que la crainte de me déplaire lui avoit fait cacher cette lettre jusqu’à ce jour ; mais qu’elle songeoit continuellement à lui depuis une semaine, avec de si grandes frayeurs qu’elle ne doutoit point qu’il ne se fût donné la mort & que son esprit revenoit la persécuter de cette manière pour la punir d’avoir violé ses vœux.

Je ne pus m’empêcher d’être ex-[375]trêment touchée de ce qu’elle me dit, & je la fus encore davantage quand, après avoir pris la lettre de ses mains, je trouvai qu’elle contenoit ces lignes.

Level 5► Letter/Letter to the editor► A la belle parjurée Lavinie

Si je pensois que cette lettre pût vous faire la moindre peine, toute fausse, cruelle, & ingratte que vous êtes, je n’aurois pas été assez maître de mon cœur pour vous l’envoyer ; mais je ne doute pas que vous n’appreniez plûtôt avec plaisir que vous allez être délivrée pour toûjours d’un homme, dont la vûe vous auroit constamment reproché votre faute. Il y en a bien peu, très injuste Lavinie ! qui n’eussent fait valoir l’engagement qui s’est passé entre nous. Vous savez que vous êtes liée à moi, par les vœux les plus solemnels, en présence de votre femme de chambre, que je pourrois obliger à rendre témoignage de la vérité ; mais la générosité de mon cœur me met au-dessus de toute vûe mercenaire, & la sincérité de mon amour m’empêche [376] de rien faire qui puisse vous exposer, ou vous rende malheureuse. Puisse le Ciel être aussi disposé à vous pardonner ! puissiez-vous n’avoir jamais sujet de regretter votre manque de foi.

Pour vous délivrer de toute crainte à mon sujet, & afin que je n’aie pas le chagrin de respirer le même aire, qu’une personne qui m’a si cruellement trompé, je quitte l’Angleterre pour toûjours. Je ne serai jamais plus mal traité dans le pays le plus barbare, que dans celui où j’ai vû le jour ; & je me sépare sans répugnance de mes plus chers amis, parce que je laisse en même tems ma plus cruelle ennemie. Mais qui sçait mieux que vous, infidéle, si je suis le seul homme qui ait été séduit par vos appas ? Peut-être avez-vous pratiqué les mêmes artifices sur d’autres, qui sont envéloppés dans le même désespoir. Même Célandre qui dort à présent entre vos bras, ne doit pas se confier sur un cœur si inconstant, si incapable d’une vraie affection. Mais je finis ici mes reproches, & malgré les puissantes [377] raisons que j’ai de vous haïr, je vous aime encore assez pour souhaiter votre bonheur, si vous pouvez jamais être heureuse ; quoique vous m’ayez rendu misérable, vous voyez qu’il n’est pas en votre pouvoir de m’ôter ma générosité, c’est pourquoi vous devriez vous souvenir, du moins avec quelque compassion, de celui qui vous adoroit une fois, Sylvius. ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 5

Vous conviendrez qu’une telle lettre ne pouvoit que faire une forte impression sur une femme dans mon cas, convaincue que je méritois tous les reproches qu’elle contenoit ; & qui plus est, je sentois une terreur intérieure, dont je ne pouvois pas me rendre raison, mais que j’ai prise ensuite pour un présage de mon désastre qui s’approchoit.

J’avois lû deux fois cette fatale lettre, & j’allois l’enfermer dans une cassette, lorsqu’entendant la voix de Célandre, & croyant qu’il alloit entrer, je tremblai, & la mettant avec précipitation dans la main de cette fille, je lui ordonnai d’aller en courant la jetter dans le feu de la cuisine, parce que je n’en avois point [378] dans mon appartement ; elle m’obéït sur le champ & sortit de la chambre, pendant que je m’assis tâchant de me tranquilliser.

Mais comme Célandre ne venoit point, & que la palpitation de mon cœur augmentoit plûtôt qu’elle ne diminuoit, je me levai & je descendis après elle, pour lui ordonner de la brûler directement, ou de me la rendre, je ne sçais point ce que je pensois dans le désordre de mon esprit ; mais, bon Dieu ! que devins-je, quand mettant le pied dans un Sallon que je devois traverser, je vis mon Epoux avec cette lettre dans ses mains, ma servante à ses genoux le conjurant de la lui rendre, & la contenance de l’un & de l’autre si égarée, que je ne pus plus douter de mon malheur.

Je suis tombé sur un secret, Madame, dit Célandre, aussi-tôt qu’il m’apperçut, que je m’attendois bien peu de découvrir ; mais vous & Sylvius pouvez aisément me pardonner ma curiosité, puisque j’en souffrirai plus qu’aucun de vous.

Il n’en falloit pas davantage pour [379] m’ôter le peu de présence d’esprit que je possédois ; je ne sçais pas s’il ajoûta encore quelque chose, mais je tombai sur le champ dans une foiblesse. Célandre, comme je l’appris ensuite, ne témoigna point d’envie de me sécourir, & sortit de la chambre avec la lettre dans ses mains. Ma femme de chambre étoit peu en étant de me donner du secours ; mais ses cris attirerent d’autres Domestiques, qui me firent revenir à moi-même & me porterent dans ma chambre sur mon lit, & après qu’ils se furent tous retirés, excepté celle qui avoit été la cause de ce malheureux accident, j’appris comment il étoit arrivé.

Il semble que cette folle Créature eut la curiosité d’examiner le contenu de cette lettre avant que de la brûler, & que ne voyant personne dans le Sallon, elle y entra pour la lire. Elle étoit devant un miroir vis-à-vis de la porte, lorsque Célandre en passant pour monter à ma chambre, la voyant dans cette situation, avec les larmes qui lui rouloient des yeux, s’arrêta pour la considerer.

[380] Comme il étoit d’un caractére fort gay & enjoué, & qu’il la connoissoit pour ma favorite, il badinoit très souvent avec elle ; voyant donc qu’elle étoit si attentive sur ce papier, il s’avança doucement par derrière & lui arracha des mains la lettre, ne pensant qu’à se divertir de la frayeur qu’il lui causeroit.

Il est sûr qu’il n’avoit point intention de la lire, mais qu’il l’auroit rendue après avoir un peu ri de son inquiétude, si par malheur mon nom ne l’avoit pas frappé. Cette vûe le fit changer de dessein & il crut être en droit de voir ce qu’elle contenoit.

C’est ainsi, chère Spectatrice, que tout le sécret de mon crime fut découvert par celui de tous les hommes, à qui j’avois le plus de raison de le cacher éternellement.

Que dire pour ma défense, ou pour pallier cette affaire, c’est surquoi je ne pouvois point me résoudre ; quelques fois je pensois à tout nier, & à soûtenir que je n’avois jamais connu un homme tel que Sylvius. Je trouvois ensuite qu’il valoit [381] mieux avouer ingénuement la vérité & rejetter toute la faute sur ma jeunesse & mon imprudence.

Cependant Célandre ne se pressa pas de me mettre à cette épreuve ; il sortit directement, ne revint que fort tard, & ordonna qu’on lui préparât un lit dans une autre chambre.

Ce procédé me donna la plus terrible alarme : je crus y remarquer une indifférence plus cruelle pour moi que les plus rudes reproches ; & comme je l’aimois véritablement, j’aimai mieux m’exposer à tout ce que sa fureur pourroit m’infliger, plûtôt que de rester davantage en suspens.

Je courus donc à sa chambre dans le plus grand désordre, & le conjurai de me faire connoître pourquoi il abandonnoit mon lit, je fus obligée de repéter plusieurs fois les mêmes paroles, ou d’autres dans le même dessein, avant que d’obtenir une reponse, quoiqu’il m’eût regardé durant tout ce tems avec des yeux qui marquoient plus de chagrin que [382] de colère. Enfin, je ne sçavois pas, me dit-il avec un profond soupir, jusqu’à ce malheureux jour, que j’eusse usurpé le droit d’un autre, ou que Lavinie ne pourroit pas me rendre heureux sans un crime.

Je me jettai alors à son cou, lui disant, autant que mes larmes purent me le permettre, que personne, excepté lui-même, n’avoit aucun droit à mon cœur ou à ma personne, & que, si j’avois eû la folie de donner de bonnes paroles à un autre quand j’étois fille & incapable de juger par moi-même, je ne méritois pas qu’on m’en fit un crime.

Mais pourquoi vous incommoderois-je, Madame, avec un détail de ce que je lui dis, ou de ses repliques ; il me suffit de vous informer qu’il a naturellement une délicatesse excessive que tous mes raisonnemens, ni alors, ni depuis, quoiqu’il se soit écoulé une année entière depuis cette Catastrophe, n’ont pû surmonter.

Il ne me censure pas seulement comme coupable d’injustice, d’ingratitude, d’inconstance & de parju-[383]re à l’égard de Sylvius, mais encore de dissimulation à son égard ; & ne veut pas se laisser convaincre, que je l’aie préfére <sic> à son rival, par aucun autre motif que celui de l’intérêt. Il se lamente souvent, en des termes qui me frappent le cœur de ce que je n’ai pas une âme douée d’autant de perfections qu’il continue à en trouver dans ma figure.

Pour me rendre encore plus malheureuse, les papiers de nouvelles ont donné un détail, que le vaisseau, sur lequel le désespéré Sylvius s’étoit embarqué, avoit été jetté sur un écueil, & que tout l’équipage étoit péri dans les flots ; à cette nouvelle mon Epoux s’écria, Malheureuse Lavinie ! née pour la perdition de tous ceux qui l’aiment. Quoique je prisse part à la mort d’un homme à qui je n’avois été que trop chère, je trouvai quelque consolation dans l’espérance que Célandre seroit délivré par cette mort des scrupules qui l’avoient éloigné si long-tems de mon lit ; mais hélas ! je trouvai qu’il s’étoit mis dans l’esprit une opinion inébranlable que j’en étois indigne ; ni [384] mes priéres, ni mes larmes, ni toutes les caresses qu’une femme peut mettre en pratique, n’ont pû altérer le moins du monde sa résolution. L’air le plus morne couvre son front. Il mange peu ; parle encore moins, évite la compagnie, ne prend point de divertissemens ; on le voit quelque fois tressaillir avec des marques d’horreur, qui montrent évidemment qu’il est en danger de tomber dans un état plus déplorable que la mort elle-même. ◀General account ◀Level 4

Comme je l’aime avec la plus grande sincérité, jugez combien je souffre de le voir dans cet état, & infiniment plus encore dans la persuasion que j’en suis la cause ; mais pourquoi en appelle-je à votre décision ? Avec toute votre capacité de Specatrice vous ne pouvez pas concevoir la millième partie de ce que je souffre ; ma misère est de telle nature qu’on ne peut pas en bien juger, sans se trouver dans les mêmes circonstances.

Mais je ne m’arrêterai pas davantage sur ce mélancolique sujet. Ce n’est pas seulement la pensée que [385] mon histoire pourroit être utile à quelques personnes de mon sexe, qui a été le seul motif de ma lettre à la Specatrice. J’en avois un autre plus intéressé, qui est que, si vous ne jugez pas ma faute trop grande pour être pardonnée dans le Ciel, & plainte sur la terre, de vous prier de dire quelque chose pour la mitiger. Célandre souscrit à votre ouvrage & le lit constamment. Il trouvera le fond de mon cœur dans le détail que je vous ai donné ; ce qui joint à quelques raisonnemens persuasifs de votre agréable plume, pourra, peut-être, me remettre en possession de quelques uns de ces biens, dont je jouissois autrefois, & préserver d’un long désespoir celle qui est à présent la plus malheureuse de toutes les Créatures, & cependant avec le plus grand respect. »

Madame,

Votre très-humble & très-
obéïssante Servante
.

Lavinie.

Rue de St. Jacquesce 5. Fév. 1745.

[386] « P.S. Les maladies de l’esprit aussi bien que celles du corps augmentent chaque jour, si elles sont négligées. C’est pourquoi je vous conjure de différer le moins que vous pourrez la publication de cette lettre & de ce que vous jugerez à propos de dire à ce sujet. » ◀Letter/Letter to the editor ◀Level 3

Metatextuality► Il faudroit avoir le cœur bien dûr, pour n’être pas sensible à l’affliction de cette Dame ; mais nonobstant toute la pitié que nous avons pour elle, nous ne pouvons pas l’excuser autant qu’elle peut le souhaiter, ou s’y attendre. ◀Metatextuality

C’est un grand malheur que de jeunes Demoiselles, qui ont à peine quitté la menans, croyent déjà être des femmes, s’imaginent qu’elles peuvent se conduire à leur fantaisie, choisissent la compagnie qui leur plaît & sont passionnées pour être dans quelque sécret, tandis que réellement il ne peut rien y avoir de conforme à leur honneur ou à leurs intérêts, qu’il ne convienne de communiquer à leur parens.

Rien ne convient mieux, à mon avis que cette modeste timidité qui naît avec notre sexe, & de laquelle l’exem-[387]ple d’autres personnes plus expérimentées nous oblige à nous dépouiller ; une jeune fille qui s’accoûtume de bonne heure à parler d’amour & d’amans, deviendra aisément la proye du prémier qui l’attaquera. C’est pourquoi ceux qui ont le soin de leur éducation, devroient tenir leur esprit employé à d’autres choses, & ne les laisser jamais entendre des discours, ou lire des livres, qui puissent leur inspirer la vanité de faire des conquêtes, dont nous ne sommes que trop susceptibles, quand nous sommes jeunes, vanité qui nous reste quelque fois dans la vieillesse.

Je crains que, comme Lavinie eut le malheur de perdre sa mère étant encore jeune, lorsqu’elle étoit le favorite de son père, on ne lui ait donné trop de liberté ; & quoique Sylvius ait eû le prémier la témérité de lui déclarer sa passion, elle avoit sans doute entendu souvent les éloges de sa beauté. Quoi de plus commun que de faire ce compliment à un pére & à une mère ! Mademoiselle votre fille devient très-aimale, elle gâgnera sûrement tous les cœurs ; qu’elle a des beaux yeux ! que sa taille est déli- [388] cate ! & d’autres expressions semblables qui empoisonnent l’esprit de la jeune fille, & lui front <sic> croire qu’elle n’a point d’autre soin à prendre, qu’à embellir sa personne, en-sorte que la meilleure partie d’elle-même est négligée, & que tous les préceptes déplaisent ensuite à ses oreilles & ne font pas la moindre impression sur son cœur.

Si au-contraire elle n’avoit entendu que les éloges de ses progrès dans les qualités louables qu’on vouloit lui faire acquérir, ses pensées se seroient entiérement tournées de ce côté. Elle auroit considéré ces connoissances comme une chose aussi estimable dans une femme que dans un homme, & ne se seroit point glorifiée de ces attraits, que la petite vérole ou un accès de maladie peuvent détruire même dans la fleur de la jeunesse, & qui se faneront dans peu d’années.

Ce sont principalement ces éloges mal digérés, qui mettent tant de différence entre le jugement des deux sexes ; & j’ôse dire, parce que j’en suis fort sûre, que si on agissoit avec nous quand nous sommes filles, comme on agit a-[389]vec les garçons, nous serions beaucoup plus en égalité avec les hommes, quand nous sommes devenues femmes.

Nous ne devrions pas même les flatter qu’avec ménagement sur leur esprit ; car l’esprit, sans un jugement proportionné qu’on ne peut pas attendre de la première jeunesse, dégénère trop souvent en hardiesse & en un impertinent mépris de nos supérieurs, très dangéreux pour nos manières & nos mœurs.

Il y avoit peut-être un mélange de ce défaut dans le caractère de Lavinie, sans quoi elle n’auroit pas ôsé encourager un amour clandestin, moins encore, comme elle le reconnoît, se plaire à tromper son père ; elle devoit certainement avoir renoncé à tout devoir & à toute affection filiale, quand elle se porta à disposer d’elle-même, non seulement sans sa permission, mais en faveur d’une personne qu’il ne pouvoit jamais approuver.

On doit cependant la plaindre beaucoup, même pour se fautes, puisqu’elles ont été indubitablement occasionnées par la négligence de ceux qui étoient autour d’elle, & qui, en donnant un mauvais pli à son humeur, la rendi-[390]rent incapable de juger pour elle-même.

Heureuse si elle avoit vû Célandre, avant qu’elle eût connu Sylvius, puisqu’il est clair qu’elle aime le prémier, & qu’elle s’imaginoit seulement d’aimer le second ! Plusieurs jeunes dames se sont trompées comme elle ; il convient à toutes de se tenir en garde contre ces trompeuses émotions de leur cœur, qu’elles ne peuvent favoriser sans s’exposer à quelque fâcheuse conséquence.

Cependant, comme cette infortunée Dame se laissa entraîner par ces premières impressions à entrer dans un engagement solemnel avec son prémier Amant, je ne sçais pas comment elle auroit pû, si elle y avoit réfléchi, se justifier de l’avoir violé ; il est vrai qu’elle n’auroit jamais pû le remplir, même durant la vie de son père, sans s’envelopper elle-même & Sylvius dans toutes les misères de la pauvreté, & comme elle aima ensuite un autre homme, elle se seroit rendue encore plus malheureuse en sacrifiant sa passion à sa promesse ; cependant je suis toûjours surprise, qu’elle pût jouir d’un moment [391] de bonheur, en prodiguant à Célandre ces caresses, qui étoient le droit d’un autre.

Mais ont <sic> peut l’excuser à cause de son extrême jeunesse & des flatteries dont j’ai parlé, & qui lui furent sans doute prodiguées ; & comme elle paroît à présent très sensible aux fautes de sa conduite passée, nous serons moins sévères à son égard.

Célandre devroit aussi, à mon avis, n’être pas moins disposé à pardonner. La plus grande faute de Lavinie vient d’inadvertence, & de ce qu’elle n’a pas dûement examiné son propre cœur ; & il y en a bien peu qui en soyent capables à son âge. S’il a jamais eû le moindre soupçon que son inclination s’accordoit avec ses prémiers vœux, qu’elle l’a épousé uniquement par amour pour la grandeur, & que Sylvius auroit été l’heureux mortel, si son bien avoit été aussi considérable, ce soupçon auroit dû s’évanouir, après les preuves qu’elle lui a données d’une affection sincère. L’affliction & la détresse de Lavinie à la vûe de son procédé extraordinaire, devroient le convaincre que c’étoit sa personne & non sa fortune, [392] qui l’avoit engagée à rompre son engagement & à désespérer son rival.

De plus il devroit considérer que, si elle étoit véritablement son Epouse, dans le tems de leur mariage, quoiqu’un autre eût reçû sa foi, ce que je ne suis pas assez casuiste pour déterminer, elle l’est maintenant sans aucun doute, depuis que la mort de Sylvius l’a libérée de l’obliagtion qu’elle s’étoit imposée imprudement à son égard, ainsi je ne sçais pas s’il n’est point autant blâmable que Lavinie, en vivant comme il fait actuellement.

Elle paroît croire qu’il l’aime encore ; & si cela est vrai, comme elle peut s’en apperçevoir aisément, sa conduite ne vient que d’une excessive délicatesse, qu’on peut nommer une vertu dans son extrême, ou un point d’honneur porté trop loin, & qui le fait peut-être plus souffrir que celle qui en est l’objet. C’est, comme dit l’un de nos Poëtes, un accès de vertu dans l’âme, l’origine de l’Orgueil, & le tombeau de la Nature.

Et notre inimitable Cowley s’en plaint de cette manière. Level 3► Comment aurois-je surmonté tous mes maux réels ? Et je trou- [393] verai encore devant moi ce phantôme ! ce rien bruyant, cette ombre énorme ! Par quel art de magie as-tu été faite, toi, cause préçaire des maux réels, ennemie de la paix & de charmes du repos. ◀Level 3

Je pense, sur le tout, qu’il doit recevoir entre ses bras la désolée pénitente, pardonner & tâcher d’oublier ce qui s’est passé ; elle a fait, avant qu’elle l’eût jamais vû, la terrible méprise pour laquelle elle souffre tant aujourd’hui. Pour lui elle ne lui a jamais fait d’injustice ; Sylvius seul a raison de se plaindre, & le Ciel de réssentir la violation de ses vœux. Célandre n’a point de sujet de l’accuser, ni de prétexte pour se vanger d’un crime, qu’elle n’a pas commis contre lui.

Qu’il cesse donc de se tourmenter lui-même & une personne qui lui est si chère. Il a déjà assez sacrifié à sa délicatesse, qui est à la vérité une marque d’un esprit riche en vertus, mais qui peut-être cependant regardée comme une mauvaise plante, qui pousse dans un terroir trop abondant, & qui doit-être arrachée, de peur qu’elle n’étouffe de meilleures plantes.

Mais si les avis de la Spectatrice n’ont [394] pas la force de chasser les nuages de son imagination, qu’il écoute ce que dit Mr. Dryden. Level 3► Que reste-t-il après les maux passés, que de saisir cette agréable vicissitude de plaisirs qui se présentent à leur tour, de remercier les Dieux pour ce qu’ils nous donnent, de nous posséder nous-mêmes & de vivre, tandis que nous sommes ici bas ? ◀Level 3

A l’égard de Sylvius la mort l’a mis à l’abri de la juste censure que nous aurions prononcée sur sa conduite ; mais quoique le sépulchre soit sacré & fermé à tous nos reproches, ceux qui vivent, & se conduisent comme il a fait, ne doivent pas échapper aux répréhensions de leur faute.

Quand un jeune homme voit une Dame, qu’il penche à aimer, il devroit certainement, avant que de se livrer à sa passion, réfléchir à toutes les circonstances dans lesquelles il se trouve, afin de pouvoir se dire à soi-même, que le succès de ses désirs n’est point une chose impratiquable, ou n’aura pas de conséquences plus fâcheuses que s’il y renonçoit.

Exemplum► On sçait l’histoire d’un garçon tailleur, qui, voyant la Reine Elizabeth, [395] lorsqu’elle alloit au parlement dans sa robe de cérémonie, en devint si violemment amoureux, qu’il en perdit la raison. ◀Exemplum Je pense que tout homme qui encourage une inclination, où il n’a point d’espérance de réüssir, est aussi peu dans son bon sens que ce pauvre garçon ; ou s’il a quelques espérance <sic> de satisfaire sa passion, le résultat en doit être la ruine immanquable de la fortune de l’objet aimé.

C’étoit évidemment le cas de Sylvius & de plusieurs autres inconsidérés comme lui ; mais je sçais ce qu’ils allèguent pour leur excuse ; ils vous disent que l’amour est une passion, que toute la raison humaine ne peut pas controller ; qu’ils y sont entraînés irrésistiblement par les charmes de l’objet aimé ; & que, quelqu’inégalité qu’il puisse y avoir entr’eux & la personne qu’ils aiment, ils ne peuvent s’empêcher d’aimer ce qui est aimable.

Ces amoureux ont toûjours à la bouche quelque morceau de Poësie, qui leur paroît favoriser leur enthousiasme, & ils se font une telle idole de leur passion qu’ils la mettent au-dessus de toutes les loix divines & humaines. Ils [396] aiment sur-tout les lignes suivantes & ne manquent pas de les citer, quand on leur fait quelque remontrance.

Level 3► Il n’y a point de loi pour l’amour ; la Loi est pour les choses qui dépendent de notre choix ; l’Amour n’est pas dans notre choix, mais dépend du destin ; les loix sont d’institution, mais le pouvoir de l’amour vient de la nature, il est son prémier décret. Chaque jour nous violons en faveur de l’amour les loix humaines, & nous véngeons la cause commune ; les loix sont instituées pour défendre les droits des citoyens, l’amour renverse la barrière, & fait un dégat général ; les filles, les femmes & les veuves tombent sans distinction, l’inondation de l’amour vient, courre, & entraîne tout ; l’amour confond toute distinction du juste & de l’injuste ; un amour violent & une forte ambition ne reconnoissent point de bornes. ◀Level 3

On peut bien l’appeler, après un fameux Auteur, la frénésie de l’Esprit. Cependant je prétends soûtenir qu’une personne sage & prudente peut aisément le subjuguer dans son origine, mais les jeunes gens sont malheureusement assez infatués pour s’imaginer que c’est une fort jolie chose d’être a-[397]moureux ; que cela leur donne de la réputation & leur fournit occasion de dire & d’entendre de fort jolies choses. Combien ai-je vû de personnes, des deux sèxes, qui sans sentir cette passion, ont donné à leurs yeux un air languissant, ont soupiré par intervalles, & affecté tous les Symptomes de l’amour le plus violent ; & dont quelques-unes, après une longue dissimulation, ont enfin attrappé la réalité ! comme Cowley le décrit admirablement bien.

Level 3► Quand j’étois sain & sauf, je me suis plaint & j’ai effrayé tous les autres avec le recit de mes peines ; mais à présent je sens le terrible mal : Ah ! il ne faut pas badiner avec le diable ! Ainsi des imprudens, en voulant épouventer les autres, se sont causés à eux-mêmes une frayeur réelle ; Je ne parlois de dards, de players, de flamme & d’ardeur, que pour la rime, ou pour m’amuser ; je ne pensois pas que mes vers dussent mériter la réputation de Prophétie, la vérité rend mon Style dur, quoique propre, & en gâte toutes les métaphores. Il est dangereux de feindre sur des sujets qui sont trop sous le règne de l’imagination. Le badinage peut enfin devenir une vérité, & la coûtume se changer en nature. Ce [398] maudit art de mendier m’a fait devenir boiteux, en feignant de l’être ; j’ai écrit mes lignes d’amoureux desirs pour allumer, & souffler le feu des autres ; je me proposois là un plaisir barbare, mais à présent je dois le premier faire l’essay du taureau brûlant que j’ai fait rougir. ◀Level 3

Mais à l’égard de ceux dont le cœur est insensiblement attiré par les charmes d’une personne qu’il leur arrive de voir, & qui sentent en eux-mêmes les indices d’une passion qui croît, même ceux-là, dis-je, s’il se rencontre quelque obstacle dans la réüssite de leurs désirs, peuvent surmonter ces premières impressions. Qu’ils renoncent à toute entrevûe avec le dangereux objet. Qu’ils évitent la conversation de tous ceux qui attirent, ou prétendent aimer, & tâchent d’occuper leur esprit à l’étude de quelque science, ou d’un art. L’absence, le tems & l’occupation, les gueriroit infailliblement, quoiqu’ils souffrent d’abord quelque peine.

Level 3► General account► Un jeune mâtelot aimoit passionément une fille, qui n’avoit qu’un oeuil & revint la voir après trois ans de voyage ; mais croyant la trouver tout-à-fait différente de celle qu’il aimoit avant à [399] son départ ; Que vous êtes changée, s’écria-t-il, depuis que je suis parti ! Comment avez-vous perdu un œuil ! Non, lui répondit-elle en riant & avec esprit, mais je m’apperçois que vous avez trouvé vos deux yeux. ◀General account ◀Level 3

Tandis que la passion dure, elle donne sans doute des charmes où il n’y en a point, & exagère hautement ceux qu’elle trouve ; mais quand elle cesse, nous voyons sans le brouillard devant nos yeux, & nous nous étonnons très souvent de nous être si fort trompés.

Mais en supposant que l’objet de notre affection possède réellement les plus grandes perfections, si nous ne pouvons jouïr de ces charmes, sans nuire ou à nous-mêmes, ou à la personne que nous aimons, n’est-ce pas la plus gande <sic> folie de poursuivre nos desseins ? Quelle idée Sylvius qui aimoit réellement, ou Lavinie qui s’imaginoit aimer, pouvoient-ils se former de leur félicité dans cette vie, en encourageant mutuellement leur inclination ? Qu’elle apparence d’exécuter l’union qu’ils avoient vouée ! Ou s’ils avoient eû l’extravagance de la former, quelles misères devoient en être les suites ? L’Epoux incapable [400] d’en entretenir son Epouse comme elle avoit été élevée, auroit été doublement malheureux, en voyant l’idole de ses affections languir sous des besoins qu’il ne pouvoit pas écarter, & auxquels il l’auroit exposée, & l’Epouse devenue plus avisée par l’infortune, se seroit certainement répentie de son choix, & auroit haï l’Auteur de cette altération dans son état. Le mécontentement, le chagrin, les réproches auroient bientôt pris la place des tendres caresses, & celui qui aimoit comme celle qui n’aimoit pas, se seroient vûs également malheureux. Je crois que, si nous régardons ce qui se passe dans le monde, nous ne trouverons pas de plus grands maux dans la vie privée, que ceux qui viennent de mariages clandestins, ou solemnisés ouvertement, contre la volonté de ceux qui peuvent disposer de nos personnes.

L’Obéïssance à ses parens est un devoir indispensable : Quelqu’élevé qu’on soit, on ne doit point s’en exempter. La décence & les bonnes manières l’exigent. L’affection naturelle y oblige. Les loix humaines l’ordonnent & celles de Dieu, non seulement le com-[401]mandent, mais encore lui joignent la promesse d’une longue vie dans la terre, qu’il lui plaira de nous donner.

Cependant lorsqu’un père par avarice, caprice ou partialité, veut forcer son enfant à se marier contre son inclination, je ne regarde point comme un crime la désobéissance dans ce cas, parce que nous ne sommes point obligés d’obéïr à nos parens dans des choses illégitimes, & il n’y a certainement rien de plus opposé aux lois de Dieu, de plus contraire à l’institution & même aux paroles du mariage, que de vouër un amour éternel à une personne pour qui on a une aversion fixe.

Mais quoique nous ne soyons pas toûjours obligés de nous marier suivant la volonté de nos parens, nous ne devons pas nous croire en liberté de choisir pour nous-mêmes. Si nous ne pouvons résoudre notre cœur à répondre à leurs désirs, nous ne devons pas nous laisser guider entiérement pas <sic> les nôtres, au point d’introduire dans leur famille une personne qu’ils n’approuvent pas.

En un mot, c’est l’opinion de la Spectatrice que ceux ou celles, qui ne peuvent pas se marier suivant le goût de [402] leurs parens, ne doivent point se marier du tout, du moins jusques à ce que le décès de ces parens les laisse en liberté de disposer d’eux-mêmes.

C’est un grand malheur que tant d’endroits, où les jeunes gens peuvent se rencontrer & se perdre pour toûjours, soient tolérées. La coûtume de publier les bancs dans l’Eglise paroissiale, quoiqu’elle paroisse à présent hors de mode & vulgaire, à préservé plusieurs dignes familles de l’affliction, que leur auroit causée la moins considérable branche.

Même des mariages en chambre privée, quoiqu’avec le consentement des parens & en présence de plusieurs personnes, me paroissent perdre beaucoup de leur solemnité. Si cette cérémonie est d’une institution divine, & que l’union des mains & du cœur soit un type de l’union mystique de Christ & de son Eglise, certainement il n’y a point d’endroit plus convenable pour la célébrer, que celui qui est consacré & mis à part pour les cérémonies religieuses.

J’ai l’honneur de penser entiérement comme un illustre seigneurs <sic>, qui disoit, qu’il ne pouvoit pas regarder un mariage [403] comme parfait, à moins qu’il ne fût célébré en face de l’Autel, & qui obligea sa Fille & l’Epoux dont il fit choix pour elle, à se marier dans l’Eglise de leur paroisse, quoique l’un & l’autre eussent de la répugnance contre cette démarche, comme étant hors de mode.

La principale raison qu’on allègue, c’est que rien en choque plus la modestie d’une jeune personne, que de se livrer à un homme, en présence de tant de personnes qui se rendent à l’Eglise dans ces occasions ; mais je voudrois qu’il y eût plus de sincérité & moins de Sophisme dans cet argument, & que les Epouses de ce siécle eussent à d’autres égards autant de timidité que leurs grands-mères, qui n’avoient point honte d’aller à l’Eglise avec l’homme qu’elles aimoient, & qui étoit authorise par leurs parens, ou par ceux de qui elles dépendoient.

D’autres encore, pour montrer qu’ils sont bon protestants, diront, qu’un mariage devant l’autel ressemble trop à un sacrement & à ce qui se pratique dans l’Eglise de Rome ; mais je crains que tous ceux qui parlent de cette manière, ne soient de ceux qui [404] pour s’éloigner du Papisme, se jettent dans la Profanation, & plûtôt que d’avoir trop d’attachement pour les ordonnances de l’Eglise, méprisent & tournent en ridicule tout ce qu’elle ordonne.

Je suis fâchée de dire qu’il y en a beaucoup de ceux-ci, mais comme c’est un sujet entiérement étranger à mon dessein présent, & que j’avoue qu’il n’est point dans le département, d’une Spectatrice, je ne m’étendrai pas davantage à cet égard.

Tout ce que je me propose dans ces rémarques sur la lettre de Lavinie, c’est de persuader, les jeunes personnes de mon sexe, qu’il ne leur convient nullement d’entretenir aucune pensée d’amour & de mariage, jusques à ce que la première ouverture leur en vienne de ceux qui ont le droit de les gouverner ; & à l’égard de celles qui sont plus âgées, de s’abstenir de tout compliment, & de tout discours frivole, qui pourroit mettre dans l’esprit de celles qui sont sous leurs soins, des idées auxquelles elles n’auroient jamais pensé.

La petite vérole n’est pas la moitié autant ennemie du visage, que la flatte-[405]rie l’est de l’esprit d’une jeune personne. Elle emprisonne ses plus nobles penchans, change tout en vanité & au-lieu de plaire aux autres, fait qu’elle ne trouve qu’elle-même qui mérite de l’attachement. Elle fuit la conversation de tous ceux qui agissent sincérement avec elle, & se sent ravie d’aise avec ceux qui louent sa beauté. Elle gobe avec avidité les éloges les plus grossiers & les plus absurdes, les croit fermément & est persuadée, qu’elle en mérite plus qu’on n’en peut dire. Dans cette imagination enflée d’une haute opinion d’elle-même, elle se met au dessus de toute contradiction. Ses discours & ses actions ne sont dirigés que par sa volonté, qui la porte uniquement à satisfaire ses passions & ses fantaisies, quelques en puissent être les suites.

De toutes les vertus il n’y en a point qu’on doive plûtôt inculquer, dans l’esprit d’une jeune fille que la modestie, & la douceur. La vanité & l’orgueil tâchent perpétuellement de se faire jour dans le cœur, & on ne peut pas prendre trop de soin de répousser leurs efforts. Plus elle a de beauté, moins [406] on doit lui en parler, & plus il faut prendre de peine, pour la convaincre du peu de cas qu’elle doit en faire.

Rien ne me fait plus de peine que de voir une mère encourager dans ses enfans de qu’elle nomme vivacité, & se divertir plûtôt que s’offenser de leur hardiesse, tandis qu’ils sont fort jeunes. La pauvre femme ! elle ne considère pas combien cette disposition croîtra avec l’âge, & à quel excès elle peut être portée ?

Ce feu une fois allumé ne s’éteint pas aisément, les parens ne doivent pas se flatter d’en venir à bout ; car lorsqu’on passe d’une trop grande douceur à la sévérité, la personne sur qui on l’exerce, au-lieu d’être humiliée par ce changement, devient plus opiniâtre, & en vient même souvent à une rébellion ouverte.

C’est pourquoi on devroit nous donner des leçons de vertu dans les premières années de notre vie, si l’on veut que nous les pratiquions quand nous sommes arrivés à un âge mûr.

Mais je prévois que ces avertissemens ne seront point goûtés de plusieurs de mes lecteurs, non seulement des plus [407] jeunes, mais encore de ces parens, qui se laissent conduire par une fausse tendresse ; cependant la persuasion d’avoir rempli le devoir de tout écrivain public, me consolera de ce qu’on pourroit dire contre moi.

Metatextuality► Nous avons reçu une seconde lettre de Eurisso-Politico : mais quoiqu’elle renferme plusieurs bonnes choses, comme elle roule sur un sujet qui ne convient nullement à un ouvrage de cette nature, nous le prions de nous excuser, si nous ne l’insérons pas ici.

Nous réjettons pour la même raison la lettre d’Alcandre, de même qu’une copie de vers d’un Auteurs qui ne se nomme point, intitulée : Poëme sur la présente Posture des affaires, ou un Tour dans le Nord. Nous ne doutons point que cette dernière piece ne prenne fort bien dans le public, si on l’imprime séparément ; nous conseillons donc à l’auteur de la faire paroître ; c’est pourquoi nous l’avons laissée chez notre Editeur, avec ordre de la délivrer à celui qui prouvera ses droits à cette piece, en récitant quelques lignes qui y soient contenues.

[408] La Lettre signée S. S. S. est reçue ; l’ingénieux Auteur peut s’assûrer de la voir dans notre essai suivant, elle est venue trop tard pour paroître dans celui-ci, autrement nous aurions montré immédiatement, combien nous sommes sensibles à l’honneur qu’il fait à notre entreprise, en publiant par notre canal, des sentimens si dignes de l’attention du public.

En même tems nous le prions de recevoir nos sincères remercimens, non seulement pour ce qui sera autant utile à nos lecteurs qu’à nous-mêmes, mais encore pour la bonne opinion qu’il témoigne si obligeamment de la Spectatrice, dans sa lettre à l’Editeur. ◀Metatextuality ◀Level 2

Fin de la vingt-troisiéme Partie. ◀Level 1