Le Spectateur françois pendant le gouvernement révolutionnaire: XVIIIe Discours.
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Livello 1
XVIIIe Discours.
Sur le Jugement des Nantois, et les nouveaux Troubles dont la République est menacée.Livello 2
Quel est donc ce peuple qui offre des
contrastes si étonnans ? Il y a quelques jours, il sembloit ne
vouloir que meurtres, que destruction ; le nombre des victimes
ne lui paroissoit jamais assez grand ; il murmuroit contre la
lenteur des jugemens, et menaçoit de les devancer par ses
exécutions : aujourd’hui, il applaudit à la liberté, à la
conservation de ses semblables ; il ne veut plus voir de
coupables ; il couvre de ses embrassemens et l’innocence qui
triomphe, et la justice qui absout. Combien il étoit facile de
le rendre bon et heureux, de le préserver de ses excès ! Mais on
n’a pas voulu qu’il fût sage ; on a irrité ses
passions ; on a brisés tous ses freins, et on l’a poussés
ensuite contre ceux qu’on lui a désignés comme ses ennemis.
Jamais spectacle ne fut plus touchant pour le véritable ami de
l’humanité, que celui de ces quatre-vingt-treize accusés
échappés aux dangers d’une route longue et semée d’embûches,
amenés devant un nouveau tribunal qui a pris la lois pour règle
de ses jugemens, rendus tout-à-coup à la liberté, aux
acclamations d’une multitude émue du récit de leurs souffrances.
A la vue d’une allégresse si honorable pour l’espèce humaine,
comment ne pas se réconcilier avec la nation qui l’exprime par
ses transports, et ne pas lui pardonner ses erreurs ? Non, il
n’est pas perdu ce peuple dont la franchise et la générosité
formoient les heureux attributs ; il existe encore dans son
ensemble. Misérables qui cherchez à le troubler, qui voudriez le
ramener à sa férocité, n’avez-vous pas honte d’abuser ainsi de
sa légèreté, de sa foiblesse ? Si vous ne le détourniez pas du
bien, il iroit de lui-même. L’entendez-vous dans sa justice
demander à grands cris la punition de cet odieux
comité qui a surpassé en lâche cruauté ce que l’antiquité offre
de plus exécrable en puissance ? Quel jour horrible ce procès
instruit avec calme, avec solemnité, a répandu sur la tyrannie
exercée dans nos départemens. Quoi ! il a pu se trouver des
monstres assez pervers pour faire précipiter, abîmer dans les
flots des centaines de captifs que la loi bannissoit seulement
de leur patrie, et qui s’avançoient enchaînés vers le point de
leur exil ! Et ces criminels ont trouvé des exécuteurs de leurs
ordres inhumains ? Et ils respirent encore ! O mes concitoyens !
sont-ce là les fruits si vantés de la révolution ? Est-ce de
cette sorte que la nation s’est régénérée ? Est-ce pour exercer
ou subir des actes d’un despotisme aussi barbare que nous avons
étouffé la royauté ? Eh qu’aurions-nous donc eu de plus à
redouter, je ne dis pas d’un Louis XI, d’un Charles IX, mais des
tyrans les plus épouvantables ? Si j’étois appelé à faire une
loi sur les contre-révolutionnaires, ce ne seroit pas de vieux
prêtres, des dévotes imbécilles, de timides signataires, de
dociles constitutionnels, des enfans égarés par
leur père, que je poursuivrois. Je les laisserois à leur nullité
tant qu’ils y demeureroient ensevelis ; mais je déploirois la
plus grande sévérité contre tous ceux qui font haïr le
gouvernement républicain, en ruinant nos manufactures, en
persécutant les propriétaires, en décourageant l’agriculture,
les arts, le commerce, en soudoyant les délateurs, en excitant
l’envie des indigens, en inquiétant les familles laborieuses, en
multipliant d’inutiles emprisonnemens, en exigeant des taxes
arbitraires, en jetant la défiance et le discrédit par leurs
menaces. Oui, voilà les vrais contre-révolutionnaires ; voilà
ceux que les véritables amis de la liberté doivent dénoncer,
saisir et traîner devant le tribunal élevé pour exterminer les
traîtres. Une puissance aveugle en a abbattu plusieurs dans les
orages de la révolution ; mais combien il en reste encore qui
présentent un front audacieux et menaçant ! Que d’artifices ils
mettent en œuvre pour soutenir leur empire ébranlé ! Parce
qu’ils ne savent pas se faire aimer, ils veulent toujours se
faire craindre ; ils appellent des complices de
tous les points de la république. Qu’on juge de leurs projets
par les instrumens qu’ils emploient. On ne citera pas, parmi
ceux dont ils ont invoqué le secours, un bon chef de famille, un
propriétaire riche de son travail et de celui de ses pères, un
citoyen bien famé : ce sont tous des vagabonds, des débauchés,
des hommes repris de justice, flétris dans l’opinion publique,
qui n’ont rien à perdre et tout à gagner dans le désordre de nos
finances et la ruine de l’Etat. Aujoud’hui <sic> ils sont
à ces chefs de rebelles ; demain ils seront au premier tyran qui
les paiera, et voudra les faire servir à ses vengeances.
Heureusement la convention a pris de sages mesures pour écarter
ces coupables auxiliaires, et réduire le crime à ses seules
facultés. Qu’elle profite de son ascendant du vœu populaire, et
l’Etat sera sauvé, et la justice dominera dans tous les
départemens. Les agitateurs, frémissant de leur impuissance,
seront concentrés dans leur rage, et retomberont dans le mépris.