Sugestão de citação: Laurent Angliviel de la Beaumelle (Ed.): "Zobeïr et Nérébi : Fragment d’une histoire de sentiment, traduite du Russe.", em: La Spectatrice danoise, Vol.2\009 (1750), S. 66-73, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4435 [consultado em: ].


Nível 1►

Zobeïr et Nérébi:

Fragment d’une histoire
de sentiment,

Traduite du Russe.

Nível 2► Nível 3► Narração geral► . . . . . . . : . Que vous etes cruel, repondit Zobéïr ! A quelle épreuve, cher Nérébi ! mettés vous mon amour ? Pourquoi voulés vous que je vous raconte l’histoire de mon coeur ?

Ne vous suffit il pas, que ce cœur n’aime que vous ? Pourquoi éxiger l’aveu de ses foiblesses ? Ses premiers feux n’ont pas été pour vous ; je vous ai vu trop tard ; trop tard vous m’avés aimée. Pourquoi me rappeller un souvenir, amer puisqu’il ne m’offre pas votre idée ?

Laissés moi oublier les plaisirs que j’ai goutés sans vous : l’amour les justifie, & la vertu les reproche àmon <sic> amour. Je [67] me dis sans cesse, qu’il ne m’étoit permis d’ètre tendre que pour vous, d’ètre foible que pour vous seul. La plus vive passion n’approche pas de la votre ; ne devois je pas vous réserver mes premiers transports ? Puis je me pardonner de n’avoir pas déviné, qu’il étoit un coeur unique sans le mien ?

Ah ! Nérébi ! Nérébi ! dispensés moi de cette confidence. Objet de toutes mes pensées, de tous mes desirs, de tous mes sentimens, ne le seriés vous pas de tous mes discours ? Vous voiant à mes cotés, comment vous peindre mon premier amant dans mes bras ? Occupée de vous seul, vous voulés que je vous rappelle un autre que vous ? Sûr de mon coeur, vous voulés que je rougisse de ce qu’il ne vous a pas toujours appartenu : est ce m’aimer ? Emploions mieux les rapides momens, qne <sic> le Ciel a fixé à notre bonheur. Jurés moi, que vous m’aimerés toujours. Vivons & mourons en nous le jurant. Sûrs l’un de l’autre ne cessons de nous le dire. Hélas ! ajouta t’elle, en lui lançant un regard passionné, on ne sçauroit se le prouver toujours.

A ces mots, l’ardent Nérebi ◀Narração geral ◀Nível 3 Metatextualidade► . . . . . . Il y a ici une lacune dans le manuscrit qui m’est tombé entre les mains . . . . . . . . . ◀Metatextualidade

Nível 3► Narração geral► Ah ! Dieux ! s’écria Zobéir en revenant de son désordre, comment peut on, sans mourir, gouter de si grandes délices ? Mourons au milieu des plaisirs ; mais non, vivons ponr <sic> nous aimer.

Vous l’avourai je, ajouta t’elle en passionnant ses regards ? Vous l’avourai-je ? Je voudrois, cher Nérébi ! réconcilier l’amour avec la sagesse : quand on aime bien, a t’on l’ame trop délicate ? Je voudrois, que l’amour ne se nourrit point de plaisirs. Je voudrois, que les desirs du coeur s’épurassent aux raisons de la vertu, ou du moins qu’on pût joüir sans remords & sans regrets. [68] Je voudrois, que les sens n’eussent aucune part à notre passion. Je voudrois, que nos coeurs brulans toujours l’un pour l’autre n’eussent besoin que du secours de nos îeux pour renouveller leurs flammes. Je voudrois montrer aux Dieux qu’il est ici bas des mortels, qui sçavent mieux aimer qu’eux. En un mot, je voudrois . . . . .

En un mot, interrompit Nérébi, vous voudriés l’impossible.

L’impossible ! répondit Zohéir ; un de vos regards est pour moi une jouîssance. Un coup d’oeüil, où vont se peindre tous mes sentimens, ne vous dit il pas mieux que vous etes aimé, que les emportemens de l’amour, que la perte de ma raison, que l’oubli de ma vertu ?

Vous trouverés mille femmes voluptueuses ; en trouverés vous une aussi tendre que moi ; & cette tendresse ne vous suffit pas ? Le plaisir vaut il le sentiment ? Ne perd on pas le sentiment dans le plaisir ? Pourquoi nous partager entre l’un & l’autre ?

Vous parlés comme uu <sic> Ange, dit Nérébi. Votre sistème est inventé par l’amour ; & c’est l’amour même qui le rend chimérique.

Chimérique ! s’écria Zobéir. Si vous ne vous y opposiés, qu’aisément je vous prouverois le contraire ; mais hélas ! qu’il m’en couteroit !

Ce soupir, interrompit le Génie, peut ètre involontaire, certainement naturel, m’est garant, que vos efforts seroient inutiles. Vous ne m’aimeriés pas si vous pouviés vous y résoudre, & je mériterois que vous ne m’aimassiés pas si je pouvois l’imaginer. Plus on aime, plus on veut s’unir. Aimer, qu’est ce autre chose que desirer ! Chére Zobéir ! je n’aime que vous, je ne [69] vis que pour vous, je ne pense qu’à vous : que ne suis je capable d’un bonheur égal à mon amour ? que ne suis je aussi voluptueux que tendre ? Laissés aux fades héros de romans ces sentimens délicats & quintessenciés, ils ne sont pas faits pour vous. Isolé des plaisirs des sens, l’amour disparoit ; il ne tient à rien dès qu’il ne tient pas à la matiere. Concevés vous de plus heureux momens que ceux ◀Narração geral ◀Nível 3 Metatextualidade► . . . . . autre lacune . . . . . . . ◀Metatextualidade

Nível 3► Narração geral► Oüi, dit Zobéir avec vivacité ; & j’en ai éprouvë de plus délicieux. La premiere fois que Nérébi s’offrit à mes regards ; la premiere fois que je le vis tomber à mes genoux, & attendre de ma bouche l’arrèt de son sort ; la premiere fois que je me convainquis de la sincérité de son aveu ; la premiere fois que je dis à Nérébi : Nérébi ! je t’adore ; la premiere fois qu’affligé de mes rigueurs, désespére de mes refus, il osa porter sa bouche sur ma main, & moüiller mes îeux de ses larmes. Oui, dans tous ces instans, j’ai été plus heureuse.

Le Génie regarda fixement la Fée : la Fée comprit, qu’elle s’étoit trahie, & que son coeur penchoit pour le dernier moment, qui certainement n’étoit pas le plus sage de ceux qu’elle avoit décrit.

Nérébi, qui, dit l’auteur de cette histoire, étoit un des plus sçavans démonstrateurs des mathématiques de Cythère, lui prouva, que les plus grands plaisirs sont ceux, où les sens & les sentimens se prètent un secours mutuel.

Zobéir n’en voulut pas convenir. Metatextualidade► On ne dit point, si ce fut par délicatesse, par entètement, par défaut de pénétration, ou par une prudente sensualité, qu’elle ne se rendit pas. Je m’en rapporte.

Mais on assure, qu’il démontra si bien cette vérité, qu’il [70] la porta au plus haut degré d’évidence. La tendre Zobéir, désabusée de son amour platonique, se rendit enfin. N’eut-elle pas voulu pouvoir décemment ne pas se rendre ? ◀Metatextualidade ◀Narração geral ◀Nível 3

Metatextualidade► Il m’est tombé entre les mains une piéce assés singulière : je ne sai pas au juste à quoi elle étoit destinée ; En la publiant, désobligerai-je la Dame qui l’a écrite ? ◀Metatextualidade

Nível 3► Carta/Carta ao editor► Veuve depuis deux ans, âgée de vingt quatre, Je veux me remarier, & je ne sçai pourquoi. Mon premier mariage ne m’a point donné de préjugés avantageux pour ces sortes d’engagemens ; j’en crains un second. Depuis que j’ai éprouvé qu’un mari n’est pas, dans le fonds, fort essentiel an <sic> bonheur d’une femme, je sens que je pourrois aisément m’en passer. Je ne suis point libertine, ni, ce qui revient au même, tendre. Mon tempérament ne me conseille pas le plaisir, en un mot, je ne suis pas brune. Je hais à mort les tracasseries de ménage. J’aime, par dessus tout, ma beauté, ma santé, ma liberté. Je me pique d’indifférence, je suis naturellement fiére ; & cependant je veux me marier ; & je me marierai, dussai je me marier à propos de rien.

Quand j’y songe pourtant, nous sommes singuliers, nous autres femmes, nous avons des folies uniques. Nous courons après ce qui n’a pour nous qu’un foible attrait : nous rentrons avec empressement dans les liens que nous avons maudit mille fois : toujours opposées à nous mèmes, nous aimons & nous haîssons tout ensemble ; & nos gouts sont toujours en contradiction avec nos aveus.

Par éxemple, je me dis, que rien ne m’engage à me marier ; cela seroit vrai, si je ne me disois tout bas, que le titre de veuve me le conseille. Je ne saurois dire positivement, pourquoi le [71] veuvage me déplait ; car il me plait à bien des égards ; seulement il me semble qu’il n’est pas fait pour moi, ou que je ne suis pas faite pour lui. Un peu de vanité rend des contradictions là possibles.

Ma fortune & mon rang me mettent en droit de choisir. Mais le choix m’embarasse.

Je ne veux point de vieillard : J’ai trop éprouvé combien il est dur d’etre enchainée à un cadavre vivant. Ce n’est pas que je haîsse ces vieux galans, qui, autrefois grands amis dee <sic> dames, se consolent de n’ètre plus aimés d’elles en s’amusant à leur montrer qu’ils les aiment toujours. Mais, à vrai dire, je n’ai à leur donner que de la pitié ; mon coeur n’a point pour eux de sentimens plus tendres. C’est bien dommage, qne <sic> leur figure n’assortisse pas leurs maniéres, & qu’une femme ne puisse aller avec eux audelà de la complaissance ! Que les jeunes gens seroient dangereux, s’ils joignoient aux agrémens de leur âge la politesse & le respect de ces vieillards gracieux ! quelle vertu pourroit tenir contre de la jeunesse respectueuse ? La mienne, je me l’avoüe, s’en défendroit assés mal.

De ces jeunes gens, je n’en veux point. Ils sont fort aimables, fort gentils, fort amusans tout ce que vous voudrés ; mais ce sont des girouettes, des papillons, des Zéphirs tout ce que vous ne voudrés pas ; & je cherche un mari, c’est à dire un Etre qui soit tout à moi & à moi seule. Cependant, il seroit naturel que, jeune comme je la suis, je prisse de la jeunesse : mais n’est ce pas assés d’une tète folle dans un ménage ? Si je m’unissois à un jouvenceau, cela seroit ridicule au moins à mes ïeux, parcequ’une femme à vingt quatre ans, est dans l’âge de raison, aulieu qu’un homme est à vingt quatre ans dans l’âge de l’Esprit. Mais hélas ! que nous païons cherement [72] notre sagesse puisqu’elle nous empèche d’etre folles ! Quand un jeune homme est raisonnable, il l’est trop ; il anticipe au galop sur les désagrémens de l’humeur bilieuse de la vieillesse : il maitrise sa femme, la prèche, la boude, la fatigue, enfin c’est une misere.

Je parle trop lontems de la jeunesse, pour que mon penchant ne m’entraine pas vers elle ; c’est un tour, que mon coeur joüe à mon esprit. Sa fatuité me déplait ; accoutumée à une certaine façon de penser, également éloignée de la coquetterie & de l’indécence, de l’indolence & de la vivacité, je ne sçaurois souffrir un Petit Maitre.

Un Aimable me faisoit le mois passé deux doigts de cour ; il grimaça si bien, & ses grimaces m’excéderent si fort, que je lui donnai sur le champ son congé. Mon coeur ne courut point après lui ; une femme qui rebute un Petit Maitre n’est elle pas une femme forte ?

Je me voudrois un mari raisonnable, amusant, sincère ; ces qualités me suffiroient, bien entendu, que si elles étoient jointes à une figure aimable, l’himen n’en iroit que mieux.

Je voudrois qu’il n’eut qu’une naissance médiocre. S’il étoit entèté de la chimere de la Noblesse, il pourroit me reprocher la mienne ; & ce reproche là, je ne le lui pardonnerois jamais. S’il étoit de la lie du peuple, je craindrois qu’on ne m’accusat d’encanailler mes sentimens ; peut ètre même son ame se ressentiroit elle de la bassesse de son origine, & franchement, je ne saurois souffrir une ame, qui conserveroit le moins du monde le gout du terroir.

Je voudrois, que sans se piquer de délicatesse, il en eut autant que moi, qui suis assés folle pour m’en piquer.

[73] Je voudrois qu’il eut de l’esprit & qu’il ne s’en connut pas. Pour son savoir, je voudrois qu’il le bornât à me plaire.

Je voudrois, qu’il n’eut point de bien, & qu’il parut en avoir beaucoup. Je voudrois qu’il n’en eut pas, pour avoir la satisfaction de me l’acquérir tout entier, d’en faire ma créature, d’ètre l’auteur de sa félicité, & des-là, le centre de toutes ses affections. Je voudrois qu’il parut en avoir, afin de mettre ma vertu à l’abri des soupçons des emportemens de l’amour, afin que les obligations que m’auroit mon mari, dérobées à la curiosité du public, fissent de ce mari mon amant, afin que nécessité à m’adorer, il ne s’apperçut point ds <sic> sa chaine, afin de soustraire son coeur aux sentimens naturels, mais humilians, d’une reconnoissance marquée. Qu’un homme doit aimer une femme délicate & désintéressée, à laquelle il doit sa fortune ! Qu’il s’éleve entr’eux quelque nuage, l’amour le dissipera bientôt ; qu’il survienne quelque démèlé, l’amour mettra la main au raccommodement ; que le mari soit un instant infidelle ; l’amour, en lui pardonnant, le ramenera à l’amour.

Je voudrois ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 Metatextualidade► . . . .  Le reste manque . . . . . ◀Metatextualidade ◀Nível 2 ◀Nível 1