Cita bibliográfica: Laurent Angliviel de la Beaumelle (Ed.): "La Lettre. Fable.", en: La Spectatrice danoise, Vol.2\004 (1750), pp. 45-46, editado en: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Los "Spectators" en el contexto internacional. Edición digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4430 [consultado el: ].


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La Lettre.

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Fable.

Nivel 4► Relato general► Alcidon soupiroit après l’aimable Ismène : l’absence de cette bergère étoit sans cesse présente à ses ïeux ; & ce tendre & malheureux amant, déchiré tour à tour par la crainte & par l’espérance, se livroit tout entier à son amour & à sa douleur.

Il entre dans une forèt ; helas ! il avoit coutume d’y suivre les pas d’Ismène ; il y entre seul. Ce souvenir aigrit ses peines, cette réfléxion renouvelle ses regrets. Il pense à Ismène ; y penser fait son supplice, y penser fait son unique plaisir.

Nivel 5► O toi, s’écrie t’il, tendre Dieu, qui présides à la destinée des amans ! pourquoi unissois tu deux coeurs par un lien si doux, si ce lien devoit rendre deux coeurs malheureux. Amour ! qui faisois mes délices, amour ! tu fais aujourd’hui ma douleur, mes ennuis, mon désespoir. Ne vaurdroit il pas mieux ne point aimer, qu’aimer aux dépens de son repos & de sa félicité ?

Helas ! que ferai je ? Peut ètre ma bergère doute t’elle en ce moment de ma fidélité ? Comment lui dire que je l’aimerai toujours ? A qui confierai je mes sentimens ? Qui me donnera des conseils ? Nos parens desapprouvent nos feux : je ne vois de tous côtés que des Argus ou des rivaux ; comment tromper la vigilance des uns & la jalousie des autres ? Amour ! remédie à mes maux, si tu ne veux que la mort en soit le remède. Gnéri <sic> les blessures que tu as faites, si tu ne veux que ma main m’en ôte le sentiment. ◀Nivel 5

Amour vint ; mais c’étoit le chaste amour. La modestie [46] & la beauté brilloient sur ses joües vermeilles ; & cette aimable alliance rehaussoit le prix de l’une & l’éclat de l’autre.

Nivel 5► Alcidon, dit il, cessé de vous plaindre : la pureté de vos sentimens m’a fléchi ; votre passion est mon plus bel ouvrage ; votre amante est le chef d’œuvre de la nature : je suis le Dieu du chaste amour : j’aime à soulager les malheureux.

Vous pleurés l’absence d’Ismène : essuiés vos larmes : il vous est permis de lui parler, de verser dans son sein vos plus secrettes pensées. Que votre main soit l’interprète de vos sentimens ; un papier muet fera l’office de votre voix, & sera le confident de votre amour. ◀Nivel 5

Il dit ; & étendant ses aîles, il en arrache une plume qu’il taille avec sa fleche ; il ôte le bandeau qui couvre son beau front, & en coupe une partie.

Alcidon comprit ce qu’amour vouloit. Nivel 5► Ce papier, dit il, sera écrit de mon sang. ◀Nivel 5 Aussitot il tire un trait léger du carquois de l’amour, & s’en perce de sa propre main. Le sang sort ; la plume boit : le bandeau reçoit ces tendres paroles. Je vous aime, belle Ismène ! Aimés vous toujours Alcidon ?

La lettre est faite. Amour la porte. Ismène est ravie de joie ; enchantée de cet ingénieux stratagème, elle en attribue l’invention à son amant. Cupidon lui enseigne le secret, & devient le courier de cet heureux couple. ◀Relato general ◀Nivel 4

O vous qui aimés, servés vous des découvertes de l’amour. O vous tous qui vous en servés, offrés lui un coeur pur : c’est le seul hommage qu’il prescrit à votre reconnoissance.

M - - - - - - ◀Carta/Carta al director ◀Nivel 3 ◀Nivel 2 ◀Nivel 1