Le Mentor moderne: Discours CXXXVI.
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Discours CXXXVI.
Citazione/Motto
Miserum est aliena vivere
quadra C’est un malheur de vivre dans la maison
d’autrui.
Livello 2
Quand je me trouve dans la disposition
de me reposer, j’ordonne seulement qu’on ouvre mon Lion, &
qu’on cherche, dans ce Magazin, des choses qui répondent à mes
vûës : La premiere Lettre, que j’y ai trouvée aujourd’hui me
vient d’une personne, qui est Aumônier chez un grand Seigneur,
& qui trouve que son Maître le traite un peu cavalierement.
Je trouve ses plaintes très bien fondées ; dans un Royaume un
Jurisconsulte, & un Medecin prétendent que les gens du
premier ordre n’ayant pour eux, ni hauteur, ni mépris ; la
profession de Théologien & de Ministre de l’Evangile, est
certainement au dessus de la leur, & je ne vois pas, par
quelle raison elle doit être moins respectée ; je ne veux point
du tout réveiller une dispute, qu’on a poussée
ici avec vigueur, sur ce Problême : Qui doit être le plus
respecté dans une maison le Maître ou le Chapelain ? Ces sortes
de matieres me paroissent aussi odieuses, qu’inutiles. J’excuse
pourtant quelques-uns de nos plus fameux Théologiens d’avoir
poussé un peu trop loin les prérogatives prétenduës du
Chapelain. L’opinion populaire va si fort dans une extrêmitez,
qu’il faut leur pardonner d’avoir voulu la rectifier, en se
jettant un peu trop dans l’extrêmité opposée. Je croi pour moi,
qu’un grand Seigneur & son Chapelain ne devroient se
disputer uniquement que l’honneur de se rendre l’un à l’autre
les plus grands services, & de contribuer le plus au bonheur
réel de toute la Famille. Si d’un côté c’est un avantage
considerable pour un Théologien, de trouver un Patron puissant
& généreux ; ce n’est pas un moindre avantage pour un homme
de qualité d’avoir chez lui un homme qui a de la vertu & des
lumieres ; j’ai toûjours consideré comme une des plus grandes
prérogatives du rang & de la richesse, celle de pouvoir se
choisir, de tout l’Illustre Corps du Clergé
Anglois, un Guide Spirituel, & un Ami intime. Voici la
Lettre en question.
Autre lettre.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Monsieur, J’ai eu pendant
plusieurs années l’honneur d’être Chapelain dans une des
premieres Familles du Royaume, & jusqu’ici, on m’a
du moins fait la grace de m’y considerer comme le
premier des Domestiques. Pendant la vie de mon vieux
Seigneur & Maître, la bonne chere étoit relevée
& assaisonnée chez nous, par une joye innocente,
& par des discours savans & agréables ; on ne me
regardoit pas simplement comme un meuble nécessaire dans
une grande Maison, & toute mon utilité ne se bornoit
pas à presenter ma figure à table & à benir les
mets ; on me traitoit en homme de famille, &
d’ordinaire Mylord me retenoit auprès de lui quelques
heures après le repas, pour tenir mon coin dans la
conversation. Mais depuis que son Fils a succedé à son
titre & à ses Biens, on ne me considere plus, que
comme un Censeur fâcheux, qui ne sert à rien, qu’à traverser les plaisirs de la table, &
l’on est ravi que je la quitte, avec la fin de ma priére
à la bouche. Je puis vous protester, Monsieur, que
depuis la mort du vieux Seigneur, tout ce que j’ai
entendu dire de plus remarquable aux amis de Mylord,
c’est qu’un jeune Seigneur Anglois s’est enivré sept
fois à Génes, & qu’un autre a eu une intrigue avec
une fameuse Courtisanne de Venise. J’ai été assez
insolent, il y a quelques jours, pour rester dans la
Chambre, jusqu’à ce qu’on eût bû quatre santez, au delà
de celle de l’Eglise, pour voir un peu sur quoi
rouleroient les Discours de ces Messieurs, mais je
n’entendis sortir de leurs bouches, que les noms des
plus belles Dames de la Cour, à l’honneur desquelles ils
vuidoient leurs Verres ; ils ne faisoient que me
regarder continuellement, & je vis dans tout leur
air, qu’ils attendoient impatiemment que j’eusse la
bonté de me retirer ; aussi-tôt que je leur eus fait ce
plaisir, je remarquai d’abord par le bruit qu’ils
faisoient, qu’ils avoient eu très grande envie d’avoir
les coudées franches, & de dire tout ce qui pourroit
leur venir dans l’esprit. Il n’y a pas d’apparence que
leurs Discours soient fort édifians, puis
qu’ils sont tellement ravis de m’en éloigner, moi,
dis-je, qui n’affecte point une farouche austérité, qui
aime autant le plaisir innocent qu’un autre, & qui
ne me choque d’aucune liberté ; pourvû qu’elle soit
compatible avec l’esprit du Christianisme. Jusqu’à
present, Monsieur, j’ai défendu avec bien de la peine
mon poste au dessert, & tous les jours je mange du
fruit & des confitures, à la barbe de mon Maître,
mais j’ignore si je pourrai encore long-tems me soûtenir
dans cette prérogative ; déja les Domestiques commencent
à se donner des airs avec moi, & à mettre
brusquement ma chaise à l’écart quant <sic> il
s’agit de servir le dessert ; je suis né quelque chose,
Monsieur, & l’on m’a donné l’éducation d’un homme de
naissance ; faites-moi la grace de m’empêcher d’être
traité desormais, comme un Faquin ; peut-être y
réussirez vous, si vous voulez bien faire sentir à nos
Compatriotes, que le Ministere de l’Evangile n’avilit
point ceux qui s’y sont dévouez. Vos feuilles volantes
rendent souvent des services considérables à la
Religion, & il me semble que c’est avoir soin de ses
intérêts, que d’attirer un peu plus de respect, à ceux qui s’occupent à en développer l’utilité
& l’excellence. Je suis.
Livello 3
Lettera/Lettera al direttore
Venerable Mentor. J’ai été
charmé de celui de vos derniers Discours, où vous
recommandez aux Dames, qui ont du bien, ou de la
naissance, l’étude des Sciences utiles. J’ai trouvé
depuis ce tems-là votre opinion établie dans un
admirable Poëme Latin, composé par le fameux Chevalier
Thomas Morus. Il adressa ces Vers à un de ses Amis, qui
cherchoit une Femme, pour lui conseiller de faire moins
attention à la Beauté & à la Fortune, qu’à la vertu
& à l’esprit, qui placez dans le cœur d’une Femme
contribuent plus sûrement au bonheur d’un Epoux, que
tous les autres avantages ; j’ai cru devoir copier pour
vous un lambeau de cette Piéce, où vous trouverez vos
sentimens sur ce sujet très élégamment exprimez.
Voici à peu près le sens de cette élegante
description :
Livello 4
Citazione/Motto
Proculque stulta sit
Parvis labellulis
Semper loquacitas,
Proculque rusticum
Semper silentium ;
Sit illa vel modo
Instructa Litteris,
Vel talis, ut modo
Sit apta litteris,
Fælix, quibus bene
Priscis ab omnibus
Possit libellulis
Vitam beantia
Haurire dogmata,
Armata cum quibus
Nec illa prosperis
Superba turgeat
Nec illa turbidis
Misella lugeat
Prostrata casibus.
Jucunda sic erit
Semper, nec unquam erit
Gravis, molestare
Vitæ comes tuæ
Quæ docta parvulos
Docebit, & tuos
Cum lacte literas
Olim Nepotulos ;
Jam te juvaverit
Viros relinquere,
Doctæque Conjugis
Sinu quiescere,
Dum grata te fovet,
Manuque mobili
Dum plectra personet,
Et voce, (qua nec est
Progne, sororculæ
Tuæ suavior)
Amœna cantilat
Apollo, quæ velit
Audire carmina.
Jam te juvaverit
Sermone blandulo
Docto tamen, diez
Noctesque ducere ;
Notare verbula
Mellita maximis
Non fine gratiis
Ab ore melleo
Semper fluentia,
Quibus coërceat
Si quando te levet
Inane gaudium,
Quibus levaverit,
Si quando deprimat
Te mœror anxius ;
Certabit in quibus
Summa Eloquentia
Jam cum omnium gravi
Rerum Scientia.
Talem olim ego putem
Et Vatis Orphei
Fuisse conjugem,
Nec unquam ab Inferis
Curasset improbo
Labore Fœminam
Referre rusticam.
Talemque credimus
Nasonis inclitam,
Quæ vel patrem queat
Æquare carmine,
Fuisse filiam ;
Talemque suspicor,
(Qua nulla charior
Unquam fuit patri,
Quo nemo doctior)
Fuisse Tulliam :
Talisque, quæ tulit
Gracchos duos, fuit
Quæ, quos tulit, bonis
Instruxit artibus,
Nec profuit minus
Magistra quam Parens.
Semper loquacitas,
Proculque rusticum
Semper silentium ;
Sit illa vel modo
Instructa Litteris,
Vel talis, ut modo
Sit apta litteris,
Fælix, quibus bene
Priscis ab omnibus
Possit libellulis
Vitam beantia
Haurire dogmata,
Armata cum quibus
Nec illa prosperis
Superba turgeat
Nec illa turbidis
Misella lugeat
Prostrata casibus.
Jucunda sic erit
Semper, nec unquam erit
Gravis, molestare
Vitæ comes tuæ
Quæ docta parvulos
Docebit, & tuos
Cum lacte literas
Olim Nepotulos ;
Jam te juvaverit
Viros relinquere,
Doctæque Conjugis
Sinu quiescere,
Dum grata te fovet,
Manuque mobili
Dum plectra personet,
Et voce, (qua nec est
Progne, sororculæ
Tuæ suavior)
Amœna cantilat
Apollo, quæ velit
Audire carmina.
Jam te juvaverit
Sermone blandulo
Docto tamen, diez
Noctesque ducere ;
Notare verbula
Mellita maximis
Non fine gratiis
Ab ore melleo
Semper fluentia,
Quibus coërceat
Si quando te levet
Inane gaudium,
Quibus levaverit,
Si quando deprimat
Te mœror anxius ;
Certabit in quibus
Summa Eloquentia
Jam cum omnium gravi
Rerum Scientia.
Talem olim ego putem
Et Vatis Orphei
Fuisse conjugem,
Nec unquam ab Inferis
Curasset improbo
Labore Fœminam
Referre rusticam.
Talemque credimus
Nasonis inclitam,
Quæ vel patrem queat
Æquare carmine,
Fuisse filiam ;
Talemque suspicor,
(Qua nulla charior
Unquam fuit patri,
Quo nemo doctior)
Fuisse Tulliam :
Talisque, quæ tulit
Gracchos duos, fuit
Quæ, quos tulit, bonis
Instruxit artibus,
Nec profuit minus
Magistra quam Parens.
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Citazione/Motto
Pour faire choix
d’une Femme Digne de ta passion,
Cher Damis, prête attention
Moins à son corps qu’à son ame :
A quoi sert une Beauté
Qu’avilit la rusticité ?
Ne destine point à ta couche
Ni celle dont l’aimable bouche
N’est que le passage usé
D’un babil mal avisé ;
Ni celle, qui belle souche
Garde un silence farouche.
Qu’un tour d’esprit élevé
Et qu’un bon sens cultivé
Capable au moins de culture,
Et charmé de la Lecture
Serve à ta Femme de parure,
Qui par un air de nouveauté
Ranime ton goût rebuté ?
Ah qu’une Femme est embellie
Par l’Erudition polie !
C’est un bien, pour sa rareté,
Pour son aimable utilité,
Qui n’est jamais trop acheté.
Elle tire des Ouvrages
Des Poëtes, & des Sages
De solides avantages
Et d’innocens badinages.
Tous les jours elle nourit
Sa mémoire & son esprit
De la substance des maximes
Salutaires & sublimes,
Qui nous rendent magnanimes,
Fermes, dans l’adversité
Doux, dans la prosperité.
De ses Enfans double Mere,
En même tems tendre & severe,
Elle en fait ses nouriçons
Par son lait & par ses leçons.
Tu pourras trouver chez elle
A tous ses devoirs fidelle,
Mille fois heureux Damis,
Sous les traits d’une Femme aimable
L’ame d’un homme estimable
Et le meilleur de tes amis.
Sous tous tes désirs pliée,
Selon tes vœux variée
Quoi qu’en ton particulier,
Elle t’est un monde entier.
Dans une troupe savante,
Dans une troupe amusante,
Tu bâteras son retour
Vers l’objet de ton amour.
Lors que sa Muse l’inspire,
Ses doits font parler la Lyre
Elle y sait joindre une voix
Telle, que l’honneur des bois
La plaintive Philomele
Là moins docile, moins belle ;
De ces Vers harmonieux
Phœbus seroit envieux.
A cette douce Musique
Qui t’éveille, flatte, pique
Succederont des Discours ;
Que Pallas dicte aux Amours ;
Des Discours pleins de sagesse
Des Discours pleins de tendresse ;
La douce persuasion
L’indirecte Instruction
Coulant dans ton ame saisie
Comme un ruisseau d’Ambrosie
Contre des chagrins excessifs
Affermiront ton courage
Et sauront calmer l’orage
Qu’excitent des plaisirs trop vifs.
Telle dut être la Femme
Qu’entrainé par sa tendre flamme
Le grand Orphée aux sombres bords
Racheta par ses accords ;
Ce Sage pour un beau corps,
Destitué d’une belle ame,
Eut-il suivi ses transports
Jusqu’à l’Empire des Morts ?
Telle la Fille d’Ovide,
Qui dans son Père eut son guide,
Livrée au feu le plus beau
Monta d’un pas intrepide
Au sommet du sacré coupeau.
Sans doute encore Tullie
De ces charmes embellie
Par sa trop rapide fin.
Au plus éclairé Romain
Rendit amere la vie.
Telle aussi fut Cornelie
Mere des Gracques Généreux
Qui du bien public amoureux
Dévouez à la justice
Perirent par un supplice
Qui porta leurs noms aux Cieux ;
Leur vertu ferme, severe,
Des preceptes de leur Mere
Fut l’ouvrage glorieux.
Cher Damis, prête attention
Moins à son corps qu’à son ame :
A quoi sert une Beauté
Qu’avilit la rusticité ?
Ne destine point à ta couche
Ni celle dont l’aimable bouche
N’est que le passage usé
D’un babil mal avisé ;
Ni celle, qui belle souche
Garde un silence farouche.
Qu’un tour d’esprit élevé
Et qu’un bon sens cultivé
Capable au moins de culture,
Et charmé de la Lecture
Serve à ta Femme de parure,
Qui par un air de nouveauté
Ranime ton goût rebuté ?
Ah qu’une Femme est embellie
Par l’Erudition polie !
C’est un bien, pour sa rareté,
Pour son aimable utilité,
Qui n’est jamais trop acheté.
Elle tire des Ouvrages
Des Poëtes, & des Sages
De solides avantages
Et d’innocens badinages.
Tous les jours elle nourit
Sa mémoire & son esprit
De la substance des maximes
Salutaires & sublimes,
Qui nous rendent magnanimes,
Fermes, dans l’adversité
Doux, dans la prosperité.
De ses Enfans double Mere,
En même tems tendre & severe,
Elle en fait ses nouriçons
Par son lait & par ses leçons.
Tu pourras trouver chez elle
A tous ses devoirs fidelle,
Mille fois heureux Damis,
Sous les traits d’une Femme aimable
L’ame d’un homme estimable
Et le meilleur de tes amis.
Sous tous tes désirs pliée,
Selon tes vœux variée
Quoi qu’en ton particulier,
Elle t’est un monde entier.
Dans une troupe savante,
Dans une troupe amusante,
Tu bâteras son retour
Vers l’objet de ton amour.
Lors que sa Muse l’inspire,
Ses doits font parler la Lyre
Elle y sait joindre une voix
Telle, que l’honneur des bois
La plaintive Philomele
Là moins docile, moins belle ;
De ces Vers harmonieux
Phœbus seroit envieux.
A cette douce Musique
Qui t’éveille, flatte, pique
Succederont des Discours ;
Que Pallas dicte aux Amours ;
Des Discours pleins de sagesse
Des Discours pleins de tendresse ;
La douce persuasion
L’indirecte Instruction
Coulant dans ton ame saisie
Comme un ruisseau d’Ambrosie
Contre des chagrins excessifs
Affermiront ton courage
Et sauront calmer l’orage
Qu’excitent des plaisirs trop vifs.
Telle dut être la Femme
Qu’entrainé par sa tendre flamme
Le grand Orphée aux sombres bords
Racheta par ses accords ;
Ce Sage pour un beau corps,
Destitué d’une belle ame,
Eut-il suivi ses transports
Jusqu’à l’Empire des Morts ?
Telle la Fille d’Ovide,
Qui dans son Père eut son guide,
Livrée au feu le plus beau
Monta d’un pas intrepide
Au sommet du sacré coupeau.
Sans doute encore Tullie
De ces charmes embellie
Par sa trop rapide fin.
Au plus éclairé Romain
Rendit amere la vie.
Telle aussi fut Cornelie
Mere des Gracques Généreux
Qui du bien public amoureux
Dévouez à la justice
Perirent par un supplice
Qui porta leurs noms aux Cieux ;
Leur vertu ferme, severe,
Des preceptes de leur Mere
Fut l’ouvrage glorieux.