Le Mentor moderne: Discours CXVII.
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Discours CXVII.
Il m’est venu encore une autre Lettre d’une personne qui
a le génie plus vif, & l’imagination plus seconde. Persuadé,
que les femmes ont un penchant presque invincible à se
dépouiller, & qu’il n’est presque pas faisable de leur
arracher cette fantaisie, il prétend qu’il faudroit capituler
avec elles, & trouver un milieu entre l’habillement & la
nudité. Conformement à cette idée, il leur propose de rappeler
la mode de leurs Ayeules les Bretonnes, ou les Pictes, & de
peindre les parties découvertes de leur corps, de telles
figures, qu’il leur plaira de choisir. La gorge d’une Coquette
peut briller, selon lui, d’un Cupidon, avec un arc à la main
tout prêt à tirer ; celle d’une Prude pourroit se
distinguer par une Pallas, qui auroit dans la main droite sa
terrible Egide. En un mot, il pense que par cette méthode, les
Dames trouveroient les moyens de faire de très-ingenieuses
découvertes de leur humeur, de leur caractere, & de leurs
desseins. Mais avec la permission de mon Correspondant, il m’est
impossible d’être de son avis, & de souscrire jamais à un
projet qui va tout droit à gâter la peau de mes charmantes
Compatriotes ; je leur défie de trouver jamais des couleurs, qui
leur aillent la moitié si bien, que celles, qu’elles doivent à
la Nature. Quand même elles remplaceroient leur vive blancheur
par la figure du Soleil, que leurs Ancêtres les Pictes faisoient
peindre sur leur corps, elles perdroient au change, & elles
cacheroient quelque chose de plus beau, que ce qu’elles
exposeroient aux yeux.
Citação/Lema
Quibus incendi jam frigidus
ævo
Laomedontiades, vel Nestoris hernia posset.
Laomedontiades, vel Nestoris hernia posset.
Des beautez capables de ranimer le vieux Fils de Laomedon, & de rallumer l’amour dans le cœur de Nestor affoibli par l’âge.
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Metatextualidade
J’ai reçu, il y a quelque tems,
une Lettre d’un fameux Astrologue, & je l’ai luë avec un
très sensible plaisir. Il observe que mon Lion a été érigé
dans le Caffé de M. Button, précisément dans le tems que le
Soleil étoit dans le signe de Leo. Il dit encore qu’il tire
un bon augure du nom de Batême de ce Monsieur, qui s’appelle
Daniel, & qui par là paroît fort propre à
loger avec le Lion sous un même toit. Il ajoûte que dans une
conversation, avec ledit Maitre du Caffé, il a découvert
l’instant de l’érection de mon Animal, & que par le
moyen d’autres lumieres, qu’il a reçuës, il s’est trouvé en
état de tirer l’Horoscope du Lion. J’apprends aussi par la
Lettre de ce misterieux Philosophe, qui le signe de Leo
précede dans le Zodiac immédiatement celui de Virgo ; ce qui
designe la tendresse naturelle de cette genereuse bête, non
seulement pour les Vierges, mais encore pour les Matrones
sages & vertueuses, dont l’ame conserve une Virginité
éternelle. De là mon Astrologue croit pouvoir prognostiquer
avec certitude, que les rugissements de mon Lion auront de
grandes influences sur les Dames, en réglant leur conduite,
en épurant leur cœur, & en réformant leurs manieres. De
plus il m’enseigne, que par les Systêmes Astrologiques les
plus exacts on observe, que le Lion influë d’une maniere
toute particuliere, sur les jambes & sur la gorge, &
qu’il tempere le venin du Scorpion, dans les parties, qui
sont de ressort de cette constellation dangereuse. Sur ce
fondement il prédit que mon Lion attaquera
avec grand succès les corps sans tour de gorge, aussi-bien
que les Jupes courtes, & que dans quelques mois d’ici on
ne verra, dans toute la Grande-Bretagne aucune gorge nuë,
aucun pied découvert. Enfin il veut me persuader qu’il a
prévu par les régles de son art, il y a déja cinq ans, que
précisément dans ce tems ici le Pape & moi nous unirions
nos efforts, & que nous réussirons à produire des
révolutions surprenantes dans l’ajustement du Beau-Sexe.
Metatextualidade
Ces
Reflexions dont personne, je croi, ne me contestera la
justesse, m’attachent à mon premier dessein de réformer
l’ajustement des Dames, par rapport à la gorge, & aux
jambes ; elles n’ont qu’à hausser leurs Corps, & baisser
leurs Jupes, & mon affaire est faite. Je
veux bien pousser ma condescendance jusqu’à leur donner du
tems, pour déliberer là-dessus, & voici la derniere fois
que mon Lion rugira sur ce sujet pendant cette saison ; je
trouve à propos de le declarer publiquement, afin d’épargner
à mes Correspondans la peine qu’ils pourroient se donner,
d’ici à l'hyver prochain, pour me fournir des informations
touchant le tour de gorge. Qu’ils sachent donc, que je ne
compte pas de traiter cette matiere sur nouveau frais, qu’à
la fin de l’Automne, lorsque la rigueur du temps pourra me
procurer de nouvelles raisons pour pousser mon projet.
Lettre a l’Auteur.
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Carta/Carta ao editor
Venerable Mentor. Tout le
monde est également charmé de la voix de vôtre Lion,
& les connoisseurs trouvent dans ses rugissemens
contre le tour de Gorge de la mélodie, & même du
Chromatique. Il faut esperer que nos Dames les
écouteront avec docilité, & qu’elles seront trop
sensées, pour l’agacer davantage. C’est un terrible
sire, & vous avez parfaitement bien remarqué, qu’il
n’est composé que de Mâchoires & de Griffes ; je
vous assure, Monsieur, que j’ai un très-grand respect
pour lui, & que depuis long-temps je songe à trouver
les moyens de donner quelques marques de ma gratitude à
ce genereux Animal, qui prend si fort à cœur les
interêts de la Patrie. Après maintes déliberations sur
ce sujet, je me suis résolu à la fin, à compiler à son
honneur & gloire une Histoire de toute son espece,
en recueillant de tous les Auteurs les particularitez
qui peuvent lui être avantageuses. En executant ce
dessein je n’aurai pas le moindre égard pour tout ce
qu’Esope a debité sur la Gent Lionne. Je le soupçonne
fort ce malin bossu d’avoir été un Whig outré, & un
franc Républiquain : le moyen d’en juger autrement,
quand on prend garde à la maniere dont il
s’acharne contre le Roi des bêtes. Il n’y a rien qui me
manque, que du temps, pour faire voir que tout ce que ce
Fabuliste nous a débité sur le chapitre de ce noble
Animal est faux & controuvé, & peut-être qu’un
jour je procureray cette satisfaction aux justes
Estimateurs du mérite. Les Auteurs de Romans sont encore
des Messieurs, pour l’autorité desquels j’aurai fort peu
de respect. Ils paroissent tous nez avec une antipathie
invincible contre les Lions, & par tant où ils les
rencontrent, ils ne leur donnent pas plus de quartier,
qu’aux Géants. Il n’y a pas un seul Chevalier de la
Table ronde, qui n’ayant autre chose à faire ne
rencontre aussi-tôt, point nommé, quelque terrible Lion,
& qui ne le terrasse dans un tour de main,
simplement pour amuser sa valeur. Il semble à entendre
parler ces Auteurs, que tout Chevalier errant soit en
vertu de sa profession, en état de guerre avec ces bêtes
estimables, & qu’il les haïsse plus que chose au
monde, excepté seulement les Dragons. Pour moi, j’avouë
franchement, que je ne crois point du tout toutes ces
Histoires-là veritables ; si elles l’étoient, il y
auroit long-temps, que toute l’espece des Lions seroit
entierement détruite. N’ayez pas peur que
j’oublie dans le recueil, que je promets ici à vous
& au public, l’Histoire d’Androcle ce fameux Esclave
fugitif, qui pour un leger bienfait reçut des marques de
reconnoissance si essentielles d’un des plus terribles
Lions de toute la Numidie.