Discours CXVII. Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Hannah Bakanitsch Mitarbeiter Lilith Burger Mitarbeiter Karin Heiling Mitarbeiter Elisabeth Hobisch Herausgeber Mario Müller Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 02.05.2018 o:mws.6862 Justus Van Effen : Le Mentor moderne ou Discours sur les mœurs du siècle ; traduit de l'Anglois du Guardian de Mrs Addisson, Steele, et autres Auteurs du Spectateur. La Haye : Frères Vaillant et N. Prévost, Tome III, 126-135 Le Mentor moderne 3 117 1723 Frankreich Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Autopoetische Reflexion Riflessione Autopoetica Autopoetical Reflection Reflexión Autopoética Réflexion autopoétique Mode Moda Fashion Moda Mode Frauenbild Immagine di Donne Image of Women Imagen de Mujeres Image de la femme United Kingdom -2.69531,54.75844 France 2.0,46.0

Discours CXVII.

Quibus incendi jam frigidus ævoLaomedontiades, vel Nestoris hernia posset.

Des beautez capables de ranimer le vieux Fils de Laomedon, & de rallumer l’amour dans le cœur de Nestor affoibli par l’âge.

J’ai reçu, il y a quelque tems, une Lettre d’un fameux Astrologue, & je l’ai luë avec un très sensible plaisir. Il observe que mon Lion a été érigé dans le Caffé de M. Button, précisément dans le tems que le Soleil étoit dans le signe de Leo. Il dit encore qu’il tire un bon augure du nom de Batême de ce Monsieur, qui s’appelle Daniel, & qui par là paroît fort propre à loger avec le Lion sous un même toit. Il ajoûte que dans une conversation, avec ledit Maitre du Caffé, il a découvert l’instant de l’érection de mon Animal, & que par le moyen d’autres lumieres, qu’il a reçuës, il s’est trouvé en état de tirer l’Horoscope du Lion. J’apprends aussi par la Lettre de ce misterieux Philosophe, qui le signe de Leo précede dans le Zodiac immédiatement celui de Virgo ; ce qui designe la tendresse naturelle de cette genereuse bête, non seulement pour les Vierges, mais encore pour les Matrones sages & vertueuses, dont l’ame conserve une Virginité éternelle. De là mon Astrologue croit pouvoir prognostiquer avec certitude, que les rugissements de mon Lion auront de grandes influences sur les Dames, en réglant leur conduite, en épurant leur cœur, & en réformant leurs manieres. De plus il m’enseigne, que par les Systêmes Astrologiques les plus exacts on observe, que le Lion influë d’une maniere toute particuliere, sur les jambes & sur la gorge, & qu’il tempere le venin du Scorpion, dans les parties, qui sont de ressort de cette constellation dangereuse. Sur ce fondement il prédit que mon Lion attaquera avec grand succès les corps sans tour de gorge, aussi-bien que les Jupes courtes, & que dans quelques mois d’ici on ne verra, dans toute la Grande-Bretagne aucune gorge nuë, aucun pied découvert.

Enfin il veut me persuader qu’il a prévu par les régles de son art, il y a déja cinq ans, que précisément dans ce tems ici le Pape & moi nous unirions nos efforts, & que nous réussirons à produire des révolutions surprenantes dans l’ajustement du Beau-Sexe.

Il m’est venu encore une autre Lettre d’une personne qui a le génie plus vif, & l’imagination plus seconde. Persuadé, que les femmes ont un penchant presque invincible à se dépouiller, & qu’il n’est presque pas faisable de leur arracher cette fantaisie, il prétend qu’il faudroit capituler avec elles, & trouver un milieu entre l’habillement & la nudité. Conformement à cette idée, il leur propose de rappeler la mode de leurs Ayeules les Bretonnes, ou les Pictes, & de peindre les parties découvertes de leur corps, de telles figures, qu’il leur plaira de choisir. La gorge d’une Coquette peut briller, selon lui, d’un Cupidon, avec un arc à la main tout prêt à tirer ; celle d’une Prude pourroit se distinguer par une Pallas, qui auroit dans la main droite sa terrible Egide. En un mot, il pense que par cette méthode, les Dames trouveroient les moyens de faire de très-ingenieuses découvertes de leur humeur, de leur caractere, & de leurs desseins. Mais avec la permission de mon Correspondant, il m’est impossible d’être de son avis, & de souscrire jamais à un projet qui va tout droit à gâter la peau de mes charmantes Compatriotes ; je leur défie de trouver jamais des couleurs, qui leur aillent la moitié si bien, que celles, qu’elles doivent à la Nature. Quand même elles remplaceroient leur vive blancheur par la figure du Soleil, que leurs Ancêtres les Pictes faisoient peindre sur leur corps, elles perdroient au change, & elles cacheroient quelque chose de plus beau, que ce qu’elles exposeroient aux yeux.

Ces Reflexions dont personne, je croi, ne me contestera la justesse, m’attachent à mon premier dessein de réformer l’ajustement des Dames, par rapport à la gorge, & aux jambes ; elles n’ont qu’à hausser leurs Corps, & baisser leurs Jupes, & mon affaire est faite. Je veux bien pousser ma condescendance jusqu’à leur donner du tems, pour déliberer là-dessus, & voici la derniere fois que mon Lion rugira sur ce sujet pendant cette saison ; je trouve à propos de le declarer publiquement, afin d’épargner à mes Correspondans la peine qu’ils pourroient se donner, d’ici à l'hyver prochain, pour me fournir des informations touchant le tour de gorge. Qu’ils sachent donc, que je ne compte pas de traiter cette matiere sur nouveau frais, qu’à la fin de l’Automne, lorsque la rigueur du temps pourra me procurer de nouvelles raisons pour pousser mon projet.

Lettre a l’Auteur.

Venerable Mentor.

Tout le monde est également charmé de la voix de vôtre Lion, & les connoisseurs trouvent dans ses rugissemens contre le tour de Gorge de la mélodie, & même du Chromatique. Il faut esperer que nos Dames les écouteront avec docilité, & qu’elles seront trop sensées, pour l’agacer davantage. C’est un terrible sire, & vous avez parfaitement bien remarqué, qu’il n’est composé que de Mâchoires & de Griffes ; je vous assure, Monsieur, que j’ai un très-grand respect pour lui, & que depuis long-temps je songe à trouver les moyens de donner quelques marques de ma gratitude à ce genereux Animal, qui prend si fort à cœur les interêts de la Patrie. Après maintes déliberations sur ce sujet, je me suis résolu à la fin, à compiler à son honneur & gloire une Histoire de toute son espece, en recueillant de tous les Auteurs les particularitez qui peuvent lui être avantageuses. En executant ce dessein je n’aurai pas le moindre égard pour tout ce qu’Esope a debité sur la Gent Lionne. Je le soupçonne fort ce malin bossu d’avoir été un Whig outré, & un franc Républiquain : le moyen d’en juger autrement, quand on prend garde à la maniere dont il s’acharne contre le Roi des bêtes. Il n’y a rien qui me manque, que du temps, pour faire voir que tout ce que ce Fabuliste nous a débité sur le chapitre de ce noble Animal est faux & controuvé, & peut-être qu’un jour je procureray cette satisfaction aux justes Estimateurs du mérite.

Les Auteurs de Romans sont encore des Messieurs, pour l’autorité desquels j’aurai fort peu de respect. Ils paroissent tous nez avec une antipathie invincible contre les Lions, & par tant où ils les rencontrent, ils ne leur donnent pas plus de quartier, qu’aux Géants. Il n’y a pas un seul Chevalier de la Table ronde, qui n’ayant autre chose à faire ne rencontre aussi-tôt, point nommé, quelque terrible Lion, & qui ne le terrasse dans un tour de main, simplement pour amuser sa valeur. Il semble à entendre parler ces Auteurs, que tout Chevalier errant soit en vertu de sa profession, en état de guerre avec ces bêtes estimables, & qu’il les haïsse plus que chose au monde, excepté seulement les Dragons. Pour moi, j’avouë franchement, que je ne crois point du tout toutes ces Histoires-là veritables ; si elles l’étoient, il y auroit long-temps, que toute l’espece des Lions seroit entierement détruite. N’ayez pas peur que j’oublie dans le recueil, que je promets ici à vous & au public, l’Histoire d’Androcle ce fameux Esclave fugitif, qui pour un leger bienfait reçut des marques de reconnoissance si essentielles d’un des plus terribles Lions de toute la Numidie.

Discours CXVII. Quibus incendi jam frigidus ævoLaomedontiades, vel Nestoris hernia posset. Des beautez capables de ranimer le vieux Fils de Laomedon, & de rallumer l’amour dans le cœur de Nestor affoibli par l’âge. J’ai reçu, il y a quelque tems, une Lettre d’un fameux Astrologue, & je l’ai luë avec un très sensible plaisir. Il observe que mon Lion a été érigé dans le Caffé de M. Button, précisément dans le tems que le Soleil étoit dans le signe de Leo. Il dit encore qu’il tire un bon augure du nom de Batême de ce Monsieur, qui s’appelle Daniel, & qui par là paroît fort propre à loger avec le Lion sous un même toit. Il ajoûte que dans une conversation, avec ledit Maitre du Caffé, il a découvert l’instant de l’érection de mon Animal, & que par le moyen d’autres lumieres, qu’il a reçuës, il s’est trouvé en état de tirer l’Horoscope du Lion. J’apprends aussi par la Lettre de ce misterieux Philosophe, qui le signe de Leo précede dans le Zodiac immédiatement celui de Virgo ; ce qui designe la tendresse naturelle de cette genereuse bête, non seulement pour les Vierges, mais encore pour les Matrones sages & vertueuses, dont l’ame conserve une Virginité éternelle. De là mon Astrologue croit pouvoir prognostiquer avec certitude, que les rugissements de mon Lion auront de grandes influences sur les Dames, en réglant leur conduite, en épurant leur cœur, & en réformant leurs manieres. De plus il m’enseigne, que par les Systêmes Astrologiques les plus exacts on observe, que le Lion influë d’une maniere toute particuliere, sur les jambes & sur la gorge, & qu’il tempere le venin du Scorpion, dans les parties, qui sont de ressort de cette constellation dangereuse. Sur ce fondement il prédit que mon Lion attaquera avec grand succès les corps sans tour de gorge, aussi-bien que les Jupes courtes, & que dans quelques mois d’ici on ne verra, dans toute la Grande-Bretagne aucune gorge nuë, aucun pied découvert. Enfin il veut me persuader qu’il a prévu par les régles de son art, il y a déja cinq ans, que précisément dans ce tems ici le Pape & moi nous unirions nos efforts, & que nous réussirons à produire des révolutions surprenantes dans l’ajustement du Beau-Sexe. Il m’est venu encore une autre Lettre d’une personne qui a le génie plus vif, & l’imagination plus seconde. Persuadé, que les femmes ont un penchant presque invincible à se dépouiller, & qu’il n’est presque pas faisable de leur arracher cette fantaisie, il prétend qu’il faudroit capituler avec elles, & trouver un milieu entre l’habillement & la nudité. Conformement à cette idée, il leur propose de rappeler la mode de leurs Ayeules les Bretonnes, ou les Pictes, & de peindre les parties découvertes de leur corps, de telles figures, qu’il leur plaira de choisir. La gorge d’une Coquette peut briller, selon lui, d’un Cupidon, avec un arc à la main tout prêt à tirer ; celle d’une Prude pourroit se distinguer par une Pallas, qui auroit dans la main droite sa terrible Egide. En un mot, il pense que par cette méthode, les Dames trouveroient les moyens de faire de très-ingenieuses découvertes de leur humeur, de leur caractere, & de leurs desseins. Mais avec la permission de mon Correspondant, il m’est impossible d’être de son avis, & de souscrire jamais à un projet qui va tout droit à gâter la peau de mes charmantes Compatriotes ; je leur défie de trouver jamais des couleurs, qui leur aillent la moitié si bien, que celles, qu’elles doivent à la Nature. Quand même elles remplaceroient leur vive blancheur par la figure du Soleil, que leurs Ancêtres les Pictes faisoient peindre sur leur corps, elles perdroient au change, & elles cacheroient quelque chose de plus beau, que ce qu’elles exposeroient aux yeux. Ces Reflexions dont personne, je croi, ne me contestera la justesse, m’attachent à mon premier dessein de réformer l’ajustement des Dames, par rapport à la gorge, & aux jambes ; elles n’ont qu’à hausser leurs Corps, & baisser leurs Jupes, & mon affaire est faite. Je veux bien pousser ma condescendance jusqu’à leur donner du tems, pour déliberer là-dessus, & voici la derniere fois que mon Lion rugira sur ce sujet pendant cette saison ; je trouve à propos de le declarer publiquement, afin d’épargner à mes Correspondans la peine qu’ils pourroient se donner, d’ici à l'hyver prochain, pour me fournir des informations touchant le tour de gorge. Qu’ils sachent donc, que je ne compte pas de traiter cette matiere sur nouveau frais, qu’à la fin de l’Automne, lorsque la rigueur du temps pourra me procurer de nouvelles raisons pour pousser mon projet. Lettre a l’Auteur. Venerable Mentor. Tout le monde est également charmé de la voix de vôtre Lion, & les connoisseurs trouvent dans ses rugissemens contre le tour de Gorge de la mélodie, & même du Chromatique. Il faut esperer que nos Dames les écouteront avec docilité, & qu’elles seront trop sensées, pour l’agacer davantage. C’est un terrible sire, & vous avez parfaitement bien remarqué, qu’il n’est composé que de Mâchoires & de Griffes ; je vous assure, Monsieur, que j’ai un très-grand respect pour lui, & que depuis long-temps je songe à trouver les moyens de donner quelques marques de ma gratitude à ce genereux Animal, qui prend si fort à cœur les interêts de la Patrie. Après maintes déliberations sur ce sujet, je me suis résolu à la fin, à compiler à son honneur & gloire une Histoire de toute son espece, en recueillant de tous les Auteurs les particularitez qui peuvent lui être avantageuses. En executant ce dessein je n’aurai pas le moindre égard pour tout ce qu’Esope a debité sur la Gent Lionne. Je le soupçonne fort ce malin bossu d’avoir été un Whig outré, & un franc Républiquain : le moyen d’en juger autrement, quand on prend garde à la maniere dont il s’acharne contre le Roi des bêtes. Il n’y a rien qui me manque, que du temps, pour faire voir que tout ce que ce Fabuliste nous a débité sur le chapitre de ce noble Animal est faux & controuvé, & peut-être qu’un jour je procureray cette satisfaction aux justes Estimateurs du mérite. Les Auteurs de Romans sont encore des Messieurs, pour l’autorité desquels j’aurai fort peu de respect. Ils paroissent tous nez avec une antipathie invincible contre les Lions, & par tant où ils les rencontrent, ils ne leur donnent pas plus de quartier, qu’aux Géants. Il n’y a pas un seul Chevalier de la Table ronde, qui n’ayant autre chose à faire ne rencontre aussi-tôt, point nommé, quelque terrible Lion, & qui ne le terrasse dans un tour de main, simplement pour amuser sa valeur. Il semble à entendre parler ces Auteurs, que tout Chevalier errant soit en vertu de sa profession, en état de guerre avec ces bêtes estimables, & qu’il les haïsse plus que chose au monde, excepté seulement les Dragons. Pour moi, j’avouë franchement, que je ne crois point du tout toutes ces Histoires-là veritables ; si elles l’étoient, il y auroit long-temps, que toute l’espece des Lions seroit entierement détruite. N’ayez pas peur que j’oublie dans le recueil, que je promets ici à vous & au public, l’Histoire d’Androcle ce fameux Esclave fugitif, qui pour un leger bienfait reçut des marques de reconnoissance si essentielles d’un des plus terribles Lions de toute la Numidie.