Sugestão de citação: Justus Van Effen [Joseph Addison, Richard Steele] (Ed.): "Discours CIV.", em: Le Mentor moderne, Vol.3\104 (1723), S. 1-8, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4363 [consultado em: ].


Nível 1►

Discours CIV.

Citação/Divisa► Hic murus aheneus esto
Nil conscire sibi

Horace.

Une bonne Conscience est une muraille d’Airain. ◀Citação/Divisa

Nível 2► Il y a dans le monde une sorte de Chevaliers errants, qui different beaucoup de ceux, dont les Romans nous donnent le charactere ; ces derniers entreprenoient presque toutes leurs avantures, pour vanger l’honneur de filles, au lieu que les autres font leurs avantures principales de tromper l’innocence, & de ruiner d’honneur les <sic> belles, qui se fient à la tendresse seductrice de ces imposteurs.

[2] Les hommes d’un certain rang, qui passent presque toute leur vie, à former & mettre en exécution de si abominables desseins, devroient considerer, qu’ils se rendent plus vils & plus méprisables que la canaille la plus abbaissée par la fortune, & par la naissance. Les grands titres & une longue suite de glorieux ancetres avilissent un mechant-homme, comme ils ajoutent un nouvel éclat au mérite d’un homme de bien.

Nível 3► Le merite éclatant de tes nobles ayeux

Te placent dans un jour, qui t’attire nos yeux ;

En nous developpant tes vertus & tes vices,

Il te rend notre horreur, si tu n’es nos delices. ◀Nível 3

Je me suis étonné plus d’une fois de ce que ces ennemis de l’innocence, quoique inaccessibles aux sentimens du veritable honneur, ne soient pas arrestez du moins par un reste d’humanité. Comment peut-on se resoudre à repandre la douleur & l’infamie sur toute une famille, à percer le cœur d’une tendre Mere, & à recompenser la tendresse credule d’une fille abusée, par un deshonneur ineffaçable qu’on repand sur toute sa vie? Il me paroit qu’une legere [3] attention à des suites si funestes devroit calmer la plus violente passion, dans un cœur susceptible de la moindre sensibilité genereuse ! Est il possible qu'on veuille se procurer à un tel prix quelques moments agréables ? est il naturel, que des personnes, qui ne nous ont jamais offensé, payent si cherement la satisfaction la plus passagere dont nous puissions jouir ! Satisfaction encore, qui certainement nous doit tourmenter un jour par les remords les plus cruels & les plus déchirants, qui en sont les effets inévitables.

Metatextualidade► Ce qui m’engage dans ces réflexions ce sont deux lettres, qui me sont tombées entre les mains depuis peu. L’une est la copie de celle qu’une Mere a écrite a un grand seigneur, par qui sa fille a eté deshonorée. L’autre me vient d’un Cavalier, qui a trouvé bon de me communiquer la prémiere. J’avoue que dans celle-ci il y a des sentimens que je ne saurois approuver ; mais il me semble pourtant qu’on peut les pardonner a un cœur, qui n'est pas encore revenu des premiers mouvements, de la plus sensible affliction. Quoiqu’il en soit, le lecteur y verra la plus vive image de la [4] situation où une Mere doit etre, dans une conjoncture si atterrante.

Voici la Lettre du Cavalier. ◀Metatextualidade

Nível 3► Carta/Carta ao editor► Monsieur,

Il y a quelques jours que j’allai voir un de mes fermiers, dont la femme qui a servi dans notre famille, & qui a eu même éducation avec ma Mere, se distingue par ses manieres & par ses sentimens de toutes les personnes de sa sorte ; je trouvai cette femme infortunée baignée dans ses larmes, & accablé d’une douleur, qui alloit jusqu’à la stupidité. Ses yeux paroissoient éteints, & tout son air exprimoit nieux <sic> l’Etat afreux de son ame, que l’auroient pu faire les termes les plus pathetiques. Elle s’appuioit sur une table ayant devant elle une lettre qu'elle venoit d'écrire a un homme de qualité, qui s’est attiré une affreuse reputation par son habileté à debaucher des jeunes villagoises. Elle voulut bien me faire lire cette lettre, & j’y vis avec douleur, que sa fille infortunée etoit du nombre de celles que ce seigneur a sacrifiées a ses passions. Je vous en envoye [5] ici une copie ; si vous voulez bien la donner au public, elle fournira peut-être de salutaires réflexions, à ceux d’entre les gens de qualité, qui lachent la bride à un penchant furieux, qu'ils ont en commun avec les plus vils des hommes. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3

Seconde Lettre.

Nível 3► Carta/Carta ao editor► Monseigneur,

Je n’ai découvert que de hier le cruel affront que vous avez fait a ma fille. Il faut donc que vos abominables plaisirs d’un moment répandent une amertume éternelle sur ma vie, sur la vie d’une personne, dont vous n'avez jamais reçu la moindre offense ? Cette seule consideration auroit du detourner une ame noble d'une action si indigne & si lâche ; mais qu’est-ce que c’est encore que mon malheur au prix de celui où vous precipitez ma fille infortunée, que vous punissez si afreusement de sa tendresse aveugle pour vous ? Une affliction aussi durable que son infamie doit être son partage inevitable. A moins quelle <sic> ne s’arrache à ce malheur, par un malheur infiniment plus grand, en renonçant [6] pour jamais à la vertu, & en se livrant à une prostitution publique. Voilà, Monseigneur, la recompense qu’elle reçoit de vous, pour vous avoir sacrifié inconsiderement tout ce qu’elle avoit au monde de precieux, sa vertu, & sa reputation. Que diriez-vous si mon fils eût agi de cette maniere avec une de vos Filles ; cette seule idée allume dans votre ame la fureur & la rage, j’en suis sûre ; vous croyez que mille morts ne le puniroient pas assez d'un pareil attentat sur l’honneur de vôtre Famille. Quoi, Monseigneur, l’honneur de vôtre Fille, que la perte de sa reputation ne priveroit pas d’une vie commode & même agreable est-elle d’un plus grand poids, que l’honneur de vôtre malheureuse Maitresse, dont il étoit l’unique bien ? Faut-il que mon Fils destitué de tous les avantages d’une belle éducation modére ses desirs, & vous, Monseigneur, aurez-vous la prérogative de vous abandonner sans réfléxion à l’impetuosité des vôtres ? Puisse une honte éternelle s’attacher à un titre, qui exemte de toute consideration ceux qui le portent, & qui les confond avec les brutes. Maudit en soit à jamais le faux éclat, qui a sû eblouïr assez ma [7] Fille, pour la faire courir à sa propre ruïne. Est-ce dans cette vûë, que le rare merite & ces brillantes vertus de vos âncetres ont été honorez <sic> de la Pairie ? est-ce afin que cette dignité vous servit d’intriguante dans vos passions brutales, & quelle vous donnast <sic> le privilege funeste d’opprimer l’innocence, & de deshonorer ceux qui sont hors d'état de se défendre contre vous ? S’il en est ainsi, nos Loix, si elles sont sages, doivent renverser l’ordre des recompenses. Elles doivent reduire les gens de mérite à la mendicité ; afin que leurs descendants forcez à se soûtenir par leur industrie & par leurs talents soient garentis du vice, & ne songent point à plonger des familles entieres dans un abîme de malheurs. Que deviendrai-je, Mere infortunée ! un enchainement de pensées affligeantes s’étendra sur tous les jours de ma vie ; que dis-je ? vôtre crime mexpose <sic> au peril d’être malheureuse dans toute l’Eternité ; comment oserai-je demander à Dieu le pardon de mes pechez, moi qui sens l’impossibilité, où je suis, de vous pardonner jamais les vôtres ; moi, dont la voix mourante vous accablera encore de maledictions. Quand je verrai arriver le jour du Jugement, [8] jour formidable, auquel vous ne songez guéres, je tiendrai dans mes bras ma Fille malheureuse, & mes cris attireront la vangeance celeste sur vôtre teste criminelle. Oui, Monseigneur, dans l’état horrible ou se trouve mon ame, il me semble que je me ferois une espéce de felicité d’être condamnée à être vôtre bourreau éternel ; avec quel plaisir n’insulterois-je pas à vôtre rang par des respects moqueurs ? quelle satisfaction pour moi, de fatiguer vos oreilles par la repetition continuelle d’un titre, qui vous à <sic> inspiré l’audace de tenter la vertu de ma Fille, & qui l'a assez étourdie, pour se livrer à vôtre volupté detestable !

En tâchant de soulager ma douleur par des reproches, que vous meritez si bien, je n’ai pas peur d’éxciter dans vôtre ame une repentance, qui puisse vous faire obtenir le pardon de vôtre crime. Vous vous repentiriés en vain ; vous n’avez pas seulement violé les Loix Divines, vous m’avez fait encore une offense cruelle, un affront irréparable ; & si je ne vous pardonne point, n’attendez pas votre pardon du juste Juge de l’Univers.

Monseigneur,

Votre Conscience vous dira qui je suis. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3 ◀Nível 2 ◀Nível 1