Le Spectateur français ou Journal des Mœurs: No IV.
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Retrato alheio
Nível 3
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Nível 3
Carta/Carta ao editor
Paris, ce 9 Juillet 1776.
« Après m’avoir calomnié **3, comme vous l’avez fait, Messieurs, dans votre Journal du mois de Juin, page 451, vous ne trouverez pas mauvais que je vous démente publiquement, & que je me serve du Journal de Théâtre, dans lequel il est libre à tous les Artistes de confondre l’imposture, l’ignorance & la méchanceté de la plupart de ceux qui les attaquent. Avant de dénigrer un homme qui a toujours ambitionné, plus la gloire que la fortune, & pour lequel le Public n’a cessé d’avoir de l’indulgence, n’auriez-vous pas dû consulter les Auteurs vivans, auxquels j’ai eu l’honneur d’allier mes foibles talens ? Tous vous auroient certainement attesté, que je n’ai jamais exigé que l’on parodiât ma Musique, & vous vous seriez bien gardé d’avancer de prétendus propos de feu M. Poinsinet à mon égard. Ne croyez pas, Messieurs, que les critiques ou les complimens de Journalistes tels que vous puissent affecter mon ame ; j’ai souffert, sans me plaindre, de bien plus grandes injustices, depuis que j’ai eu le bonheur de recueillir les suffrages du Public ; mais la reconnoissance & le respect que j’ai pour ce même Public, m’engagent à ne pas laisser ternir ma réputation par un mensonge. Signé, A. D. Philidor »Metatextualidade
Réponse à la Lettre de M. A. D. Philidor.
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Carta/Carta ao editor
Citação/Lema
Lettre.
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Carta/Carta ao editor
Réponse.
Nível 3
Carta/Carta ao editor
le chymiste
et
le jeune homme
de qualité.
Apologue. Nível 2
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Narração geral
Discours.
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Citação/Lema
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L’auteur
et
le
journaliste.
Dialogue. Nível 2
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Diálogo
l’Auteur.
Ce n’est pas que j’aie à m’en plaindre ; il m’a trop accoutumé à son indulgence. le Journaliste. En ce cas qu’avez-vous besoin de mes éloges ? l’Auteur. Ils mettront le sceau à l’approbation publique. La certitude que j’ai que votre Journal passera à la postérité la plus reculée . . . . le Journaliste. Point de flatterie, Monsieur, je sais apprécier le mérite d’un Journaliste. Lutter sans cesse contre le mauvais goût, défendre le bon contre la sottise & l’ignorance, qui n’ont d’autre ressource que de méprise ce qu’elles ne connoissent pas ; réprimer les efforts du bel esprit, qui, sentant son insuffisance, & désespérant de se faire un nom par son propre mérite, cherche à s’élever sur les ruines de la célébrité des plus grands hommes ; qui n’ayant pas la force de remplir dans toute leur étendue, les Loix que la raison a tracées au génie, suit les loix bisarres du caprice, se crée un monde à sa fantaisie, substitue à la vraie nature, une nature idéale, se fait un principe de combattre les principes reçus, & met à la place des vérités constantes, des paradoxes absurdes ; encourages les talens par des éloges modérés ; leur indiquer les moyens d’arriver à la perfection, les tenir en garde contre l’orgueil, par une critique honnête ; analyser avec impartialité les productions des Arts ; mettre le Public à portée d’en juger, attendre qu’il ait prononcé avant de juger soi-même, distinguer toujours l’Auteur de son Ouvrage, voilà les principaux devoirs du Journaliste. Il est, ce qu’étoient aux tournois les Officiers des lices, préposés pour que tout dans le camp se passât dans l’ordre, & qu’il ne se commît rien contre les combattans, contre les loix de l’honneur & de la loyauté : ils étoient utiles, leurs fonctions étoient honorables ; mais ils n’avoient pas la prétention de transmettre leurs noms à la postérité, à moins que devenus Chevaliers, ils n’eussent occasion de combattre à leur tour. l’Auteur. A ce compte, vous n’avez pas une grande opinion de la profession que vous faites. C’est, je vous l’avoue, un genre de modestie que je n’aurois pas soupçonné dans un Journaliste. le Journaliste. Eh ! sur quoi, Monsieur, jugez vous que je méprise ma profession ? L’Auteur. Sur vos propres paroles. Ne dites-vous pas qu’un Journaliste ne doit point prétendre à la postérité ?le Journaliste.
Je sais que tout Ecrivain travaille pour elle ; mais comme il y en a très-peu qui y parviennent, je fais plus de cas du talent qui se consacre à l’utilité réelle de ses contemporains, que de celui qui court après une gloire incertaine qui leurs est inutile. J’estime un Journaliste qui remplit les devoirs de sa profession, d’autant plus qu’il a moins de gloire à espérer, & plus de contradictions à essuyer. Cette impartialité qu’on exige de lui, est la qualité qui l’expose le plus. S’il loue, comme c’est toujours avec modération, les Auteurs se trouvent trop peu loués, & crient à l’injustice, s’il critique, c’est encore pis, chaque trait leur paroît une injure, une calomnie, le fiel coule de leur plume, & leurs écrits ne sont remplis que d’invectives grossières, & de satyres contre les trop véridiques Journalistes. l’Auteur. Et moi, tout au contraire, c’est à cause de cette réputation d’impartialité que vous vous êtes faite, que j’ambitionne vos éloges, de préférence à ceux de vos semblables. le Journaliste. Je suis fâché que cela ne se puisse point dans cette occasion. l’Auteur. Mais, Monsieur, vous êtes bien difficile. Je ne vaux pas mieux qu’un autre. . . . Cependant je crois. . . . Enfin chacun a son mérite, & le mien est assez connu. le Journaliste. Vous en avez sans doute, Monsieur ; mais il est question de votre Ouvrage : puisqu’il faut vous parler franchement, je le trouve foible, les mœurs mal peintes, sans imagination, sans idées, sans philosophie, sans agrément ; d’un ton triste sans intérêt, d’un style décousu sans variété ; c’est un enchaînement de mots hasardés, de phrases traînantes, qui ne viennent à la suite l’une de l’autre, que pour remplir la page ; au lieu de plan, un échafaudage de piéces rapportées . . . . . .l’Auteur
Je ne sais, Monsieur, ce que je puis vous avoir fait ; mais à moins d’avoir contre quelqu’un les griefs les plus forts, on ne peut pas en dire de mal. le Journaliste. Du mal de vous ? Qu’a de commun, je vous prie, ce que je dis de votre Ouvrage, avec votre honnêteté ? l’Auteur. Eh ! Monsieur, voilà le langage ordinaire de vos semblables ; ils nous déchirent : l’avide Libraire ne demande pas mieux, pour avoir nos manuscrits à vil prix ; & notre réputation & notre fortune se trouvent également ruinées ; & puis avec une conscience assurée, ces Messieurs se vantent d’être utiles à la république des lettres. Allez, vous en êtes le fleau le plus funeste. Une des phrases que M. L. . . . . . a le mieux tournées, avant qu’il ne fît un Journal, est peut-être celle où il appelle les Journalistes, « des insectes dont on ne soupçonne l’existence que par les piqûres qu’ils font. » Eh bien, Monsieur, je vous démasquerai. J’ai un Ouvrage sous presse : je n’en ai pas encore fait la Préface ; je ne savois de quoi la remplir : je vous la destine toute entière. le Journaliste. Vous êtes bien le maître, vous avez vu combien j’étois peu sensible à vos flatteries ; soyez assuré que vos injures ne me toucheront pas davantage. Cette mode de déclamer contre les Journalistes, dans une Préface, me paroît fort peu propre à prévenir le Public en faveur du Livre. Elle annonce dans l’Auteur, plus de crainte que de sécurité. Il n’y a que les malfaiteurs qui voudroient anéantir les Juges & les Loix : Allez travailler à votre Préface ; si elle est bonne, je serai le premier à lui rendre hommage. l’Auteur. Votre modération me confond. Pardon, Monsieur, vous connoissez la sensibilité des gens de Lettres : vous ne l’avez pas assez ménagée : elle est allée plus loin que je ne voulois : j’ai manqué à ce que je vous dois : je vous prie d’oublier . . . . . le Journaliste. Oui, M. je sens toutes vos craintes ; elles sont mal fondées, rassurez-vous . . . . En vérité vous me faite pitié . . . . Quelle foiblesse ! vous me flattez, vous me priez, vous me menacez, vous revenez à la prière, & le tout pour me séduire, pour obtenir le suffrage d’un homme, qu’au fond vous n’aimez gueres, convenez-en. l’Auteur. Moi ! j’ai toujours fait professions d’être votre ami, & j’ai vu le temps où vous aviez de l’amitié pour moi. Le journaliste. Ce temps n’a rien changé à mes sentimens pour vous ; mais ils ne peuvent pas me faire trouver votre Ouvrage meilleur : quel est donc votre entêtement ? Si votre Ouvrage est mauvais, les éloges ne le changeront point, & s’il est bon j’aurois beau le déprimer. l’Auteur. Mais voilà ce qui vous trompe. Ne voyez vous pas tous les jours des Auteurs, avec les talens les plus médiocres, parvenir aux premiers honneurs de la Littérature, & de grands talens oubliés ? le Journaliste. Ne confondons point. Je conviens que les cabales, les sectes, les partis, parviennent à donner de la célébrité à quelques Ecrivains, plus intriguans que les autres. Mais le fanatisme a beau les vanter, la curiosité peut faire lire leurs écrits une fois, mais c’est pour n’y plus revenir. l’Auteur. Cependant l’auteur n’en passe pas moins pour un homme de génie. le Journaliste. Croyez que les gens d’esprit, ceux même qui les prônent, n’en sont pas les dupes. l’Auteur. Je me flatte du moins que vous ne me confondez pas avec ces intrigans-là.le Journaliste.
Je vous ai déjà dit qu’il étoit ici question de votre Ouvrage, & non de vous. Je suis prêt, si vous le desirez, de donner à votre honnêteté, à votre caractère, à vos mœurs, tous les éloges que vous voudrez ; je n’en saurois dire assez de bien, pourvu que vous n’exigiez pas que j’en dise de votre Ouvrage. l’Auteur. Il faut, Monsieur, que votre cœur soit armé d’un triple airain ; faites ce que vous jugerez à propos . . . . . mais je vous déclare . . . . Adieu.Réflexions
Sur les Monumens Publics.Nível 2
1* Dans ce portrait de Poinsinet, il n’est question que de son esprit & de son talent: je respecte ses mœurs & sa probité : on peut avoir mille ridicules, & être un parfait honnête homme, & Poinsinet l’étoit. On a imprimé une partie des anecdotes de sa vie. Sa crédulité y joue un grand rôle. Le trait suivant, dont j’ai été témoin, n’a pas été connu de l’Auteur de son histoire. Il ne prouve pas moins son ignorance que sa simplicité. Un jour que je sortois de la Comédie, il vint à moi, m’entraîna dans le Parterre, & d’un ton fort mystérieux, il me demanda si je connoissois le Vice-Légat d’Avignon. Je n’ai pas cet honneur, lui répondis-je. « J’en suis fâché, reprit-il ; mais comme vous êtes Languedocien, du moins pourrez-vous me dire s’il a une famille bien nombreuse, & si la Princesse son épouse est aussi aimable qu’on le publie ? » J’ouvrois de grands yeux, & j’étois prêt à répondre par un éclat de rire. « Il semble, m’interrompit-il, que vous soyez étonné de toutes ces questions. » Beaucoup, lui dis-je, & d’abord je les ai prises pour une plaisanterie ; « mais point du tout, s’écria-t-il, c’est une affaire très-sérieuse, & ma fortune en dépend. » Il tira une lettre de sa poche, dans laquelle on lui marquoit qu’il venoit d’être nommé Gouverneur des enfans du Vice-Légat, (qu’il prenoit pour une Tête couronnée). Je le laissai dans son illusion, qui lui fit sans doute passer une nuit très-agréable.
2* Mon frère n’est pour rien dans cette querelle ; il n’a point eu le malheur d’entendre le mot de Poinsinet, & il n’a pas pu le rapporter.
3** Cette calomnie atroce consiste donc à avoit copié le mot d’un Poëte, sur son talent à parodier la Musique de M. A. D. Philodor ! Je proteste que je n’ai point vu dans tout cela, & que je n’y vois encore point de calomnie.