Sugestão de citação: Laurent Angliviel de la Beaumelle (Ed.): "Amusement LIX.", em: La Spectatrice danoise, Vol.1\059 (1749), S. 489-492, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4240 [consultado em: ].


Nível 1►

Amusement LIX.

Citação/Divisa► L’or est utile à tout : Sans lui, rien ne s’achève ;
Quiconque n’en a point sera toûjours rampant :
Entre tous les métaux l’or est le plus pesant ;
Et c’est avec lui qu’on s’élève. ◀Citação/Divisa

Nível 2► Qu’on ne me regarde pas comme un Auteur de profession. J’écris simplement mes idées ; & je les écris en Femme. Un Auteur est un homme qui cherche des réfléxions, qui tache d’en trouver de belles, d’agréables, de frappantes, qui court après des traits d’esprit, qui sans cesse occupé à trouver de jolis tours, sacrifie souvent à ces tours la pensée la plus lumineuse, la raison ? c’est qu’elle lui paroit trop naturelle. Pour moi, je me borne aux réfléxions qui se présentent à moi. Souvent une Aspasie commencée sur un sujet finit par un sujet opposé, parceque je cherche moins à faire un ouvrage régulier, qu’à mettre sur le papier les différents idées qui s’offrent à mon esprit. A proprement parler, je n’écris que par boutade ; voilà pourquoi vous trouvés si peu de connéxion dans mes pensées. Je laisse aller mon imagination où elle veut ; rencontre t’elle un objèt qui lui plaise ? je trempe ma Plume dans l’Encrier : je n’avois d’abord qu’une pensée ; il en vient une autre : je prens du Tabac, il en vient une troisiéme ; & ainsi de pensée en pensée, mon cahier se remplit, souvent sans que je sache, comment cela s’est fait.

Y pensons-nous, dirés-vous, de païer si cher une Feüille dont la façon coute si peu ? Vous êtes les maitres ; mais voudriés-vous que je me fisse valoir, que je disse, pour donner du prix à mon ouvrage, que je suë sang & eau pour le composer ; que je ne vous donne que des morçeaux travaillés ; que ce qui paroit le plus naturel est le fruit d’une contention d’esprit extrème ; que je m’occupe nuit & jour à vous plaire ? Si je vous disois tout cela, vous trouveriés mes Feüilles moins cheres ; n’est il pas vrai ? mais, dites-moi, seroient-elles meilleures ?

[490] Croies-vous, qu’il ne soit pas possible d’écrire joliment, quand on s’attache à surprendre les idées qui tombent dans l’imagination, à se demander raison de ce qu’on pense, à tenir regitre <sic> des réfléxions que ce qu’on voit ou ce qu’on entend produit daus <sic> le cerveau. Moi, je crois qn’oui <sic>. Cette maniére d’écrire à son mérite. Les idées naturelles, je les compare à des fruits muris par la chaleur du Soleil ; & les idées recherchées à des fruits qui doivent leur maturité précoce à l’artifice du Jardinier. Les premiers n’ont-ils pas par dessus les autres certaine saveur, certaine délicatesse ? S’assigner une certaine matiére, en faire l’objèt de ses méditations, la creuser, l’approfondir, l’envisager de tous ses côtés, appeller à son secours les figures de Rhétorique, raisonner à perte de vuë, consulter les Ecrivains qui l’ont traitée, observer dans ses pensées un ordre aussi simétrique, que dans ses périodes, relire le tout avec complaisance & s’en aplaudir ; c’est ce que j’apelle ètre Auteur ; & si voulés <sic>, excellent Auteur ; mais saisir ses pensées dès-l’instant qu’elles passent ; les rendre dans toute leur naiveté sans y toucher de peur d’en ôter la fleur & d’en ternir le coloris ; dire ce que l’on pense, penser sans chercher à penser, c’est ce que j’apelle écrire par sentiment : c’est ce qui fait le charme des Romans de Marivaux & des Lettres de Sévigné.

Metatextualidade► Cette réfléxion m’est venuë à propos d’une Lettre que je viens de recevoir. On m’y demande la solution d’une question. Je me suis dabord mise en frais du Texte que vous venés de lire. Puis, J’ai ordonné à mon imagination de m’envoier une douzaine de pensées là-dessus : elle ne m’a point obéi ; elle ne m’a répondu autre chose que ce que vous venés de lire. Mais seroit-il juste, que vous souffrissiés de ses caprices ? Non assurément ; voici donc la Lettre qu’on m’écrit. ◀Metatextualidade

[491] Nível 3► Carta/Carta ao editor► Madame la Spectatrice !

« Narração geral► Je me trouvai hièr dans une Compagnie, où je passe ordinairement les Avant-soupers, avec deux Etrangers d’un commerce fort agréable. Ils me parurent avoir un mérite égal. Je trouvois autant de noblesse dans les manieres & la figure de l’un que dans celles de l’autre. On m’auroit fort embrassé, si l’on avoit éxigé de moi, que je disse lequel des deux me plaisoit le plus. Je me fis mème cette question & ne pûs la décider. J’étois arrèté par une égalité parfaite.

Ces deux Etrangers, me dit un de mes Amis, doivent partir demain : ils sont tous les deux riches ; mais celui que vous voiés près de la fenètre a plus de trois-cens mille Ecus ; Le bien de l’autre ne monte pas à audela de quatre vingt mille.

J’écoutai ces mots sans beaucoup d’attention. Un moment après, j’éxaminai les deux Inconnus ; & je sentîs que la balance penchoit pour le plus Riche : je ne sai quoi m’entrainoit vers lui ; je souhaitois m’entretenir avec lui plutôt qu’avec l’autre. Il n’est pourtant pas plus aimable, me disois-je ; cela est vrai, me répondoit mon cœur ; mais cependant il me plait davantage. Je ne découvrïs pas d’abord, que c’étoit la particularité que je venois d’apprendre, qui avoit rompu l’équilibre en me déterminant en sa faveur. A la fin, je me l’avoüai.

Oh ! ce fut alors que je querellai ma Philosophie. Cette raisonneuse me répondit doucement, qu’il y avoit certains penchans qu’elle ne pouvoit pas corriger ; que la préférence que je donnois à l’un de ces Etrangers ne pouvoit pas provenir de l’espérance de tirer quelque avantage de ses grands biens, puisque je ne pouvois faire avec lui qu’une connoissance de quelques ques <sic> momens ; que je l’accusois sans raison de m’abandonner, au besoin ; qu’elle m’avoit persuadé que les biens étrangers n’augmentent point le mérite personnel. Elle ajouta, mais [492] d’une voix fort basse, que ma préférence venoit des préjugés ; que les Philosophes mèmes, accoutumés à voir les riches estimés, se laissent entrainer au torrent, & sont Peuple dans la pratique ; qu’à la vérité la Raison apprenoit à l’homme le prix des choses ; mais que la Raison venoit trop tard ; que l’imagination avoit été déjà subjugé par le préjugé. ◀Narração geral

Il fallut se contenter de cette solution. Si Vous m’en donnez une meilleure, vous obligerés sensiblement

Votre très humble Serviteur
E * * * ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 3

Reponse. Carta/Carta ao editor► Les Richesses ne sont pas un mérite ; mais elles sont un bien ; elles servent au bonheur. Peut-ètre n’étiés-vous entrainé vers le plus riche de ces deux Etrangers, que parceque vous vous le figuriés plus heureux, peut ètre mème sans vous en appercevoir. ◀Carta/Carta ao editor ◀Nível 2 ◀Nível 1