Amusement LVII. Laurent Angliviel de la Beaumelle Moralische Wochenschriften Klaus-Dieter Ertler Herausgeber Hannah Bakanitsch Mitarbeiter Karin Heiling Mitarbeiter Elisabeth Hobisch Herausgeber Anna Karnel Mitarbeiter Sarah Lang Gerlinde Schneider Martina Scholger Johannes Stigler Gunter Vasold Datenmodellierung Applikationsentwicklung Institut für Romanistik, Universität Graz Zentrum für Informationsmodellierung, Universität Graz Graz 25.09.2018 o:mws.6668 La Beaumelle, Laurent Angliviel de: La Spectatrice danoise, ou l'Aspasie moderne, ouvrage hebdomadaire. Tome I. Copenhague: s.i. 1749, 481-484 La Spectatrice danoise 1 057 1749 Dänemark Ebene 1 Ebene 2 Ebene 3 Ebene 4 Ebene 5 Ebene 6 Allgemeine Erzählung Selbstportrait Fremdportrait Dialog Allegorisches Erzählen Traumerzählung Fabelerzählung Satirisches Erzählen Exemplarisches Erzählen Utopische Erzählung Metatextualität Zitat/Motto Leserbrief Graz, Austria French Frauenbild Immagine di Donne Image of Women Imagen de Mujeres Image de la femme Imagem feminina Politik Politica Politics Política Politique Política Denmark 10.0,56.0 Belgium Fontenoy Fontenoy 3.47355,50.56756 France Paris Paris 2.3488,48.85341 France 2.0,46.0 Austria 13.33333,47.33333

Amusement LVII.

Le serieux vous ennuîe : Vous n’aimés que le badinage ; c’est votre tour d’esprit ; mais ce ne fut jamais le mien. Naturellement froide, mélancolique, & pesante je ne badine qu’avec effort. Je ne sai comment nous pourrons nous accorder, puisque la gaîté me coute autant pour le moins qu’à vous la gravité. Je ne vous envie point votre humeur enjoüée, votre passion pour les bagatelles, votre goût pour les riens. Bien plus : je vous trouve fort à plaindre. Vous haïssés le sérieux ; vous ètes fatigué de quelques pages raisonnées ; vous vous dépités contre qui veut vous engager à faire usage de votre bon sens ; à coup sur, vous avés l’esprit malade. L’Ame est en délire, quand, aulieu d’écouter la voix de la raison, elle n’obéit qu’aux ordres de l’imagination. Vous ne vous porterés bien, que lorsque vous aimerés à réfléchir.

En attendant cette guérison, je vais vous donner deux Piéces badines. C’est du fruit nouveau.

Placet d’un Actrice à un ministre d’etat

« Monseigneur ! vous voiés à vos piés une nouvelle convertie. Voici le fait. Séduite par les discours flatteurs d’un Courtisan de Vos Amis (& qui ne s’y seroit laissé prendre ? Il étoit si aimable !) je me livrai tout entiére à ses desirs, & ses desirs n’étoient pas extrémement vertueux. Jamais, si j’ose le dire sur les Autels de Cythère, plus gentille victime ne fut offerte : mais que le Sacrificateur le méritoit peu ! En satisfaisant ses desirs, il créoit les miens. Je me promettois une abondante moisson de plaisirs ; & je n’ai trouvé que sécheresse & qu’années stériles : car l’Ingrat dissipoit encor ailleurs le peu de Patrimoine qu’il tenoit du Dieu d’Amour. Lasse d’un pareil commerce, j’y renonce absolument.

Seigneur ! le crime s’use ainsi que la vertu ; Mais envain de remords le cœur est combattu,Si la Brebis depuis lon-tems perduë,Par le Pasteur au Bercail n’est renduë.

En recevant mon abjuration, Monseigneur, tendés-moi une main charitable, afin que le Ciel me dédommage de ce que je perdrai en renvoiant mon Inutile :

Ordonnés donc qu’on me délivreTous les ans mille écus au moins,Pour subvenir à mes besoins ;Car la vertu ne fait pas vivre.Et puis de vos conseils implorant le secours,La Grace dans mon cœur aura son libre cours :Cette somme est assés bornée,Si vous comptés par chaque annéeCe que me valoit le péché. J’y perds moitié ; je n’en puis rien rabattro <sic> :Que peu voudroient quitter à ce prix le Théâtre !Des Filles de Vénus j’en connais plus de quatre,Que Vous seriés bien empéchéDe sauver à si bon marché. »

L’autre Piéce est une Epitre de M. de Voltaire à Mr. le Maréchal Duc de Richelieu, au sujet de la Statuë que les Génois lui ont élevé.

Je la verrai cette Statuë, Que Gene élève justementAu Héros qui l’a défenduë :Votre Grand-Oncle moins brillantVit sa gloire moins étenduë :Il seroit jaloux à la vuëDe cet unique monument.Dans l’âge frivole & charmant,Où le plaisir seul est d’usage,Où Vous reçûtes en partageL’art de tromper si tendrement,Pour modéler ce beau visage,Qui de Vénus pâroit la Cour,On eut pris celui de l’Amour,Et surtout de l’Amour volage ;Et quelques traits moins enfantinsAuroient formé la vive imageDu Dieu qui préside aux Jardins. Ce double & charmant avantage Peut diminuer à la fin :Mais la gloire augmente avec l’age :Du Sculpteur la modeste mainVous fera l’air moins libertin ;C’est de quoi mon Héros enrage On ne peut filer tous ses joursSur le Thrône heureux des Amours :Tous les plaisirs sont de passage ;Mais Vous saurés régner toujoursPar l’esprit & par le courage. Les traits du Richelieu coquèt, De cette aimable créature,Se trouveront en mignatureDans mille Boëtes <sic> à portrait Macé mit votre figure.Mais ceux du Richelieu vainqueur,Du Héros soutien de nos armes ;Ceux du Pére & du DéfenseurD’un République en allarmes ;Ceux de Richelieu son vengeurOn pour moi cent fois plus de charmes. Pardon, je sens tout le travers De la Morale où je m’engage : Pardon ; vous n’ètes pas si sage, Que je le prétends dans ces vers :Je ne veux pas que l’UniversVous croïe un grave personnage.Arpès ce jour de Fontenoi.Où, couvert de sang & de poudre,On Vous vit ramener la foudreEt la victoire à votre Roi Lorsque prodiguant votre vie,Vous eûtes fait pâlir d’effroiLes (*(*) Le trait est un peu fort.) Anglais, l’Autriche & l’Envie,Vous revintes vite à ParisMêles les Mirtes de CyprisA tant de palmes immortelles,Pour vous seul, à ce que je vois,Le tems & l’Amour n’ont point d’ailes ;Et vous servés encor les Belles,Comme la France & les Génois.

Amusement LVII. Le serieux vous ennuîe : Vous n’aimés que le badinage ; c’est votre tour d’esprit ; mais ce ne fut jamais le mien. Naturellement froide, mélancolique, & pesante je ne badine qu’avec effort. Je ne sai comment nous pourrons nous accorder, puisque la gaîté me coute autant pour le moins qu’à vous la gravité. Je ne vous envie point votre humeur enjoüée, votre passion pour les bagatelles, votre goût pour les riens. Bien plus : je vous trouve fort à plaindre. Vous haïssés le sérieux ; vous ètes fatigué de quelques pages raisonnées ; vous vous dépités contre qui veut vous engager à faire usage de votre bon sens ; à coup sur, vous avés l’esprit malade. L’Ame est en délire, quand, aulieu d’écouter la voix de la raison, elle n’obéit qu’aux ordres de l’imagination. Vous ne vous porterés bien, que lorsque vous aimerés à réfléchir. En attendant cette guérison, je vais vous donner deux Piéces badines. C’est du fruit nouveau. Placet d’un Actrice à un ministre d’etat « Monseigneur ! vous voiés à vos piés une nouvelle convertie. Voici le fait. Séduite par les discours flatteurs d’un Courtisan de Vos Amis (& qui ne s’y seroit laissé prendre ? Il étoit si aimable !) je me livrai tout entiére à ses desirs, & ses desirs n’étoient pas extrémement vertueux. Jamais, si j’ose le dire sur les Autels de Cythère, plus gentille victime ne fut offerte : mais que le Sacrificateur le méritoit peu ! En satisfaisant ses desirs, il créoit les miens. Je me promettois une abondante moisson de plaisirs ; & je n’ai trouvé que sécheresse & qu’années stériles : car l’Ingrat dissipoit encor ailleurs le peu de Patrimoine qu’il tenoit du Dieu d’Amour. Lasse d’un pareil commerce, j’y renonce absolument. Seigneur ! le crime s’use ainsi que la vertu ; Mais envain de remords le cœur est combattu,Si la Brebis depuis lon-tems perduë,Par le Pasteur au Bercail n’est renduë. En recevant mon abjuration, Monseigneur, tendés-moi une main charitable, afin que le Ciel me dédommage de ce que je perdrai en renvoiant mon Inutile : Ordonnés donc qu’on me délivreTous les ans mille écus au moins,Pour subvenir à mes besoins ;Car la vertu ne fait pas vivre.Et puis de vos conseils implorant le secours,La Grace dans mon cœur aura son libre cours :Cette somme est assés bornée,Si vous comptés par chaque annéeCe que me valoit le péché. J’y perds moitié ; je n’en puis rien rabattro <sic> :Que peu voudroient quitter à ce prix le Théâtre !Des Filles de Vénus j’en connais plus de quatre,Que Vous seriés bien empéchéDe sauver à si bon marché. » L’autre Piéce est une Epitre de M. de Voltaire à Mr. le Maréchal Duc de Richelieu, au sujet de la Statuë que les Génois lui ont élevé. Je la verrai cette Statuë, Que Gene élève justementAu Héros qui l’a défenduë :Votre Grand-Oncle moins brillantVit sa gloire moins étenduë :Il seroit jaloux à la vuëDe cet unique monument.Dans l’âge frivole & charmant,Où le plaisir seul est d’usage,Où Vous reçûtes en partageL’art de tromper si tendrement,Pour modéler ce beau visage,Qui de Vénus pâroit la Cour,On eut pris celui de l’Amour,Et surtout de l’Amour volage ;Et quelques traits moins enfantinsAuroient formé la vive imageDu Dieu qui préside aux Jardins. Ce double & charmant avantage Peut diminuer à la fin :Mais la gloire augmente avec l’age :Du Sculpteur la modeste mainVous fera l’air moins libertin ;C’est de quoi mon Héros enrage On ne peut filer tous ses joursSur le Thrône heureux des Amours :Tous les plaisirs sont de passage ;Mais Vous saurés régner toujoursPar l’esprit & par le courage. Les traits du Richelieu coquèt, De cette aimable créature,Se trouveront en mignatureDans mille Boëtes <sic> à portrait Où Macé mit votre figure.Mais ceux du Richelieu vainqueur,Du Héros soutien de nos armes ;Ceux du Pére & du DéfenseurD’un République en allarmes ;Ceux de Richelieu son vengeurOn pour moi cent fois plus de charmes. Pardon, je sens tout le travers De la Morale où je m’engage : Pardon ; vous n’ètes pas si sage, Que je le prétends dans ces vers :Je ne veux pas que l’UniversVous croïe un grave personnage.Arpès ce jour de Fontenoi.Où, couvert de sang & de poudre,On Vous vit ramener la foudreEt la victoire à votre Roi Lorsque prodiguant votre vie,Vous eûtes fait pâlir d’effroiLes (*(*) Le trait est un peu fort.) Anglais, l’Autriche & l’Envie,Vous revintes vite à ParisMêles les Mirtes de CyprisA tant de palmes immortelles,Pour vous seul, à ce que je vois,Le tems & l’Amour n’ont point d’ailes ;Et vous servés encor les Belles,Comme la France & les Génois.