La Spectatrice danoise: Amusement LI.
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Amusement LI.
Zitat/Motto
On commence par ètre Dupe ;
On finit par ètre Fripon.
On finit par ètre Fripon.
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Brief/Leserbrief
Madame la Spectatrice ! « Je
suis un jeune homme de Famille, que le Jeu vient de
ruiner pour six mois.
A quoi bon tout ce détail, allés-vous dire ? A
vous intéresser à mon malheur, à vous engager par un
récit fidelle à donner au Public quelques morçeaux sur
le Jeu ; car apparemment vous en avés dans votre Porte
Feuille. Je suis surpris que vous n’aiés pas encore
traité cette Matiere. Elle offre un vaste champ à vos
réfléxions. Donnés sans quartier sur tous ces joüeurs,
qui mettent entre les mains du hazard le plus clair de
leur bien. Je saurai bon gré au guignon, qui m’a fait
perdre mon argent, si je vous donne occasion de traiter
ce sujèt de maniére à retirer du précipice du Pharaon
quelques-uns de mes Compatriotes &c. »
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Allgemeine Erzählung
Malheureusement pour
moi, je fûs hier dans un Brelan, où je perdis huit
cent Ducats, sans compter ma Montre,
un Diamant & ma Tabatiére : & ce que vous
aurés peine à croire d’un Gentilhomme, peu s’en
est fallu, que je n’aїe mis mon Epée sur un As. Je
fus assés heureux, pour que mon Cocher, après
s’être ennivré, dormît toute la nuit d’un profond
sommeil ; car, s’il fut venu à trois heures,
suivant mes ordres, j’aurois certainement perdu
& Carosse & Chevaux. Ce matin, à mon
retour chés moi, j’ai fait un tapage de Diable :
je suis pourtant naturellement doux. Ma bile s’est
calmée peu à peu ; & le sommeil s’est emparé
de mes sens. Mais mon imagination, pleine de
Parolis, m’a retracé les idées du Jeu. J’ai rêvé
que je joüois ; c’est dire que je perdois. Plut au
ciel que je ne perdisse qu’en songe ! Cette
nouvelle scène de malheur m’a fort agité ; je me
suis réveillé en sursaut ; j’ai appellé mes
Valèts, les ai grondé, & ai bu du Thé. J’ai
repris insensiblement mes esprits. L’étude, me
suis je dit, calmera ma mauvaise humeur ; mais
point dutout <sic> ; à peine ai-je eu ouvert
un Livre, qu’il m’est tombé des mains. J’ai voulu
écrire un billet-doux à une femme, qui me veut du
bien. Mais l’ennui m’a dit par le canal du
bâillement son interprète ; que je devois le faire
court. A la premiére Ligne, j’ai sué : à la
seconde, des expressions les plus vives j’ai passé
aux plus froides : à la troisiéme, j’ai juré assés
rondement. J’ai fini par mettre le tout en mille
piéces. Je me suis avisé de m’en demander le
Pourquoi ? Mais je ne me suis répondu, qu’en
m’écriant : Parbleu ! perdre en un instant
huit-cent Ducats, moi qui n’en perdis jamais au
Pharaon audelà de Dix ! Cette perte m’est d’autant
plus sensible, que j’avois déjà fait mes petits
arragemens pour six mois. J’en destinois quatre
cent â mes besoins ; cent à l’achat de quelques
Livres ; cinquante à la Fillette ; cent à un habit
sur lequel j’avois consulté nos Petits-Maîtres les
plus connoisseurs, nos petites-Maitresses les plus
expertes dans la science de la parure, les plus
entenduёs en bonne mine, les plus
avides de jolis hommes ; & le réste à mes
fantaisies & à mes amis. Voilà mon plan
dérangé. Je suis reduit à recourir à un Usurier ;
à renoncer pour un tems à la Grїsette ; à me
passer d’un habit duquel j’attendois plus d’une
conquète ; à fuir les piquinis dispendieux ; à
mener, six mois durant, la vie d’un homme isolé,
moi qui aime la dissipation. Avoüés-le, Madame !
tout cela est bien dur ; ou je ne m’y connais pas.
Exemplum
Une
Bourgeoise retranche à sa Famille un quarteron de Beurre
pour aller une fois aux Spectacles ; elle prend cette
dépense sur les Boiaux de ses domestiques ; tandis-que la
Femme de qualité hazarde au jeu la fortune de ses enfans.
Exemplum
Qu’une <sic> homme soit un
débauché ; l’âge le corrige ; qu’il soit joüeur ; il ne peut
ètre guéri que par l’impuissance de joüer. Lui & les
siens vont tôt ou tard à l’Hopital.
Exemplum
Quels reproches n’a-pas à se
faire un Pére, à qui son Fils ainé demande le bien qu’il
devoit hériter de ses Ancètres, ses Cadets leur légitime,
ses Filles leur dot ? Qu’on se repent alors d’avoir passé
les Nuits autour d’un Tapis verd !
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Allgemeine Erzählung
« Quoi ? me disoit le Lapon ;
(car c’en étoit un quel’homme à qui je tenois ce
discours) Parmi vous le bon sens n’est pas éclipsé par
ses accès de folie journaliere ? non, lui répondis-je,
nous avons l’Art d’unir les qualités qui paroissent les
plus incompatibles. Mais du moins, me dit il, vous devés
avoir beaucoup de ce métal jaune que vous répandés avec
tant de profusion. Nous en avons fort peu, repris-je ;
& le peu que nous avons, nous aimons à le dépenser,
& c’est la mode de le dépenser à ce jeu-la.
J’entens, dit-il, en branlant le <sic> tète ; mais
sans doute que vous ne depensés ici que votre superflu :
Vous n’y ètes pas, lui repartis-je : La plupart de ces
Joüeurs ajoutent ce qu’ils ont pour leurs plaisirs ce
qu’ils devroient emploier à leurs besoins les plus
pressans. Vous ètes donc bien généreux, bien détachés
des richesses, repliqua-t’il ; ce sont des contes que
tout ce qu’on nous dit de votre avarice. Rien de plus
vrai, que ces contes-là ; & tous ces Joüeurs ne sont
aprésent <sic> si prodigues, que parcequ’ils sont
extrèmement avares. » Mon homme ne pouvoit ajuster
toutes ces idées contradictoires, je ne pûs le tirer de
l’embarras ou ces vérités paradoxes le jettoient. J’en
abandonnai la solution à ses réfléxions sur nos usages
& notre caractère ; & je me promis bien
d’insérer cette conversation dans une de mes Feüilles.