La Spectatrice danoise: Amusement XL.
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Amusement XL.
Citation/Motto
Que ferois je à la Cour, moi qui ne suis,
Seigneur !
Hipocrite, jaloux, médisant, ni flatteur ?
Hipocrite, jaloux, médisant, ni flatteur ?
Boursault Esope à la Cour.
Level 2
A la Cour, le mérite est plus
nécessaire que partout ailleurs & cependant le vrai merite
est quelquefois le plus grand obstacle à l’élévation d’un homme.
Voici une Histoire qui en fait foi.
Combien de Polydors à la Court ! Un mérite distingué n’y
parvient que rarement aux premiers emplois. La raison est aisée
à trouver. Le Prince ne voit les choses que par le canal de ceux
qui l’approchent. Ce sont eux, qui guident son cœur & ses
yeux. Or, ils sont intéressés à éloigner autant qu’ils peuvent,
à laisser dans l’oubli un mérite qui cherche à se pousser. Ils
en conçoivent de la défiance & de la jalousie ; Aussi, loin
de concourir à son élévation, ils y mettent quelquefois des
obstacles invincibles. Un jeune Seigenur d’un
mérite distingué donne une envie secrette. Cette envie dégénère
en haine ; & cette haine porte des coups d’autant plus
dangereux, que ceux qui la nourrissent dans leur cœur, en
connoissent l’injustice, & la cachent avec soin. Que le cœur
de l’homme est gâté ! Il ne sçauroit aimer ceux qui le forcent à
l’admiration ; & il cherche à les détruire, pour les réduire
au niveau de sa mediocrité. La conduite
des Courtisans est conforme à la prudence de la Politique. Il
est mille fois arrivé, que des Protégez se sont servis du crédit
de leurs Protecteurs pour s’emparer de leurs postes ; Tel à qui
nous avons ouvert la porte de la fortune a fait ensuite tous ses
efforts pour ruiner la notre, semblable à cet oiseau, des plumes
duquel on se sert, pour empaner la fléche qui le tuё. Ils
sçavent que la reconnoissance n’est pas la vertu de la Cour,
& que les Vipéres ont souvent piqué le sein du bienfaiteur,
qui les avoit rechauffé. Suivant ce système, ils ne songent qu’à
travailleer <sic> pour eux memes. Dailleurs, qui prime,
craint de ne plus primer ; Et l’on ne se résout jamais à arroser
un arbre, qui pourroit étendre ses racines jusques sur notre
terrain, & obscurcir par son ombrage l’éclat de notre
gloire. C’est là le Bréviaire de la Cour. Mille éxemples
instruisent les Ministres de ce qu’ils ont à craindre ; Ils
agissent en conséquence, parcequ’ordinairement quelque zéle
qu’ils aїent pour le bien de l’Etat, ils sont encore plus zélez
pour leurs intérêts particuliers. Une grande réputation étant
donc presque aussi nuisible qu’une mauvaise, le
jeune Seigneur qui veut s’ouvrir le chemin de la fortune, doit
prendre garde de ne pas trop faire voir son mérite. Car ce n’est
que l’éclat du mérite, qui est défavorable. C’est là le
chef-d’œuvre de la politique. Il faut, à l’aide d’une hypocrisie
d’une nouvellé espèce, couvrir sa vertu, feindre de petits
défauts, se dérober au babil de la renommée.
En diminuant sa gloire, on émousse les
traits de l’envie. On parvient d’autant plus sûrement à ses
fins, qu’on n’est point regardé comme une concurrent redoutable.
Surpasser les autres, & se dire leur inférieur, ne rien
oublier pour se faire connoitre, & se piquer d’être ignoré,
faire de belles actions, & se parer d’une grande modestie,
attribuer l’honneur de ses exploits à la justesse du plan des
Ministres, & ne se réserver que la gloire de l’éxécution
& le mérite de l’obéїssance, c’est le plus sûr moїen de
tirer parti de son mérite. Mais la jeunesse étourdie, vaine,
imprudente na <sic> sait point prendre ces sages mesures.
Elle s’imagine, qu’il ne faut simplement qu’aller
droit au but. Aussi est-ce un prodige, si elle y arrive. Loin de
cacher son mérite, elle tâche d’en montrer plus qu’elle n’en a.
Mais plus on se loûe soi même, moins on est loûé des autres.
Plus on fait d’efforts pour les éclypser, & moins on
s’apperçoit de ses efforts, moins on rend justice au succès. Un
homme qui cherche à s’avancer par son mérite, se résout par cela
même à dépendre de l’opinion d’autrui ; mais les hommes sont
d’ordinaire assez injustes pour se roidir contre tout ce qu’on
fait pour les forcer à l’estime. Ils ne veulent pas qu’on la
leur arrache. Ils aiment mieux la donner gratuitement. Ils
veulent, que ce soit un présent, & non un devoir ; qu’on
leur en aît obligation, & non y être obligez. C’est bien pis
à la Cour, où l’on est plus difficile sur le mérite, où la
rivalité se joint au penchant qu’a l’homme de ne pas juger
équitablement de son semblable, & d’être blessé de l’éclat
d’une gloire naissante. Il est d’autres causes, qui concourent à
la rare élévation des personnes d’un grand mérite. Un homme
vertueux, & sensible à l’honneur, ne recherche que les
emplois qu’il est capable de remplir dignement : Et souvent, un
excès de modestie lui ferme les yeux sur sa capacité. Dailleurs,
pour l’obtenir, il n’emploїe que les voїes honnêtes &
légitimes ; Il ne connoit point les détours, ni les souterrains.
Il laisse aux Ames basses, & à ceux qui n’ont ni vertus ni
talens, le soin de s’avancer en ourdissant la trame d’une
intrigue, en flattant les passions de leurs protecteurs, en
importunant par des sollicitations éternelles les dispensateurs
des graces de la cour, en les achetant à beaux deniers comptans.
Car, dans ce Siécle, tout est vénal. On ne s’éléve qu’en
rampant. L’homme de mérite rougiroit de devoir sa grandeur à une
bassesse. S’il ne réussit pas, il s’en console aisément ; il se
dit, qu’il est infiniment plus glorieux de mériter une chose que
de l’obtenir. On ne le verra jamais faire une Cour
servile, & grossir la foule dans une anti-chambre. Vertueux,
il ne sauroit être habile Courtisan. Les moiens en usage pour
parvenir, quels sont-ils ? Caresser un valet de chambre tout
puissant, faire les yeux doux au beau séxe, qui se laisse
souvent surprendre par les sens, à qui l’envie de plaire est
naturelle, & à qui l’on plaît à coup sûr en flattant sa
passion dominante par un respect & un amour réels ou
simulés, fraper à toutes les portes, plier devant les personnes
les plus méprisables, rendre hommage à leurs plus grands
défauts, en les érigeant par une flatterie adroite en autant de
qualités, se présenter, solliciter, demander sans cesse, ramper
de mille maniéres différentes. L’homme de mérite croiroit
s’avilir par de manège aussi humiliant pour un grand cœur, que
nécessaire pour la fortune. Les talens sont naturellement
fièrs ; le mérite est incompatible avec cette basse Politique ;
La noblesse des sentimens du cœur, l’élévation de l’ésprit
donnent une certaine roideur, qui ne permèt pas de se ravaler.
En un mot, à la cour, on ne va guére loin, quand on ne vole que
sur les aîles du mérite. La faveur est depuis lon-tems broüillée
avec la vertu. Heureux, qui, parvenu sans bassesse, à scû mettre
dans son tort la fortune ! Plus heureux, qui n’a pas daigné s’en
donner la peine ! On se plaint quelquefois de la disette de
grans hommes. On ne trouve pas, dit-on, des sujèts propres à
remplir certains postes, qui demandent une grande étenduё de
génie : on se trompe ; ce sont pas les bons sujèts qui
manquent ; ce sont les connoisseurs éclairez. Il arrive très
souvent, qu’un homme d’un beau génie meurt, sans s’être fait
connoitre, qu’un Courtisan languit dans un recoin de Province,
tandis qu’il pourroit gouverner l’Etat, qu’un Militaire vieillit
dans les emplois subalternes, tandis-qu’il seroit digne des
premières places ; Il seroit à souhaiter, que ceux qui sont dans
les charges les plus éminentes eûssent assez de
discernement pour connoître les Talens ; assez de zéle pour
s’appliquer soigneusement à les découvrir, dans quelque état
qu’ils fussent ; assez de désintéressement pour les encourager ;
assez de grandeur d’ame pour n’en être point jaloux ; assez de
courage pour ouvrir indistinctement à toutes les personnes de
mérite la porte des honneurs. Mais y pensé je ? Est-ce à moi de
réformer la Cour ? Et pourquoi souhaiter ce qu’on ne sauroit
espére ? Une autre cause des obstacles que trouve à la Cour
l’élévation des gens de mérite, c’est la foiblesse de quelques
Princes. On en a vû, qui ont laissé prendre sur eux un tel
pouvoir à leurs Favoris & à leurs Ministres, qu’ils ne
pouvoient se résoudre à leur déplaire, en agissant sans les
consulter. Ils ont toûjours été, pour ainsi dire, en tutelle. Un
Courtisan leur plaisoit par son mérite : Ils n’osoient l’élever,
sans prendre conseil. J’ai lû ce matin un trait d’Historien
assés singulier.
Après tout ce que nous venons de dire, on ne doit pas
être surpris de voir dans les Cours un si petit nombre de gens
de mérite. Il est même étonnant, que ce petit nombre triomphe de
tant d’obstacles. L’Histoire me fournit mille éxemples de
l’éxactitude, avec laquelle les personnes en place traversent
les grans génies.
Devois je croire, en composant cet essai sur la Cour que
je serois obligé de vous assurer, ami Lecteur, que la Cour de
Copenhague est exceptée de l’idée peu flatteuse, que j’ai donnée
des Courtisans ? Qui ne sait, qu’il n’en est dans le monde
aucune, où régne moins cet esprit d’intrigue, qui <sic>
j’ai tâché de dépeindre ? La raison, je la donne à déviner à
<sic> gens plus habiles que moi. Peut-ètre me
soupçonnerés-vous de ne pas parler sérieusement. Mais pourquoi ?
Je ne sai point flatter ; &, quand mème je saurois cet art,
je ne l’éxercerois point en faveur des Courtisans. Ne sont-ils
pas assès elevés, & en mème tems assés persuadés de leur
élévation ? Flatter la Cour, c’est dégrader l’humanité, Je viens
à vous, Messieurs, qui avés pris feu à la lecture des vérités
dures qui <sic> j’ai écrites sur la Cour. En deux mots ;
si j’ai frapé au but, vous avés tort de vous plaindre ; vous
vous décélés ; vous vous trahissés vous-mèmes : Si non, Vous
vous ètes gendarmé sans fondement contre la Spectatrice. Du
reste, je vous renvoїe à La Bruyere.
Level 3
General account
Polydor parût fort jeune à la
Cour. A un air de noblesse, qui présageoit, qu’il ne
démentiroit pas la gloire, que ses illustres Ancêtres
lui avoient laissée à soutenir, il joignoit de beaux
Talens, cultivés & perfectionnez par une bonne
éducation. Les qualités du cœur, il les possédoit au
supréme degré. Il l’avoit droit, généreux, compatissant,
véritablement noble. Son esprit étoit éclairé, étendu,
délicat. Il n’avoit rien oublié pour l’orner de belles
connoissances, de connoissances utiles à sa patrie &
a lui même. Capable de toutes les sciences
& de tous les arts, il s’étoit borné à une teinture
de ceux qui sont inutiles à un homme de condition, &
s’étoit attaché à approfondir ceux qui sont nécessaires
au bien de l’Etat, & au Gouvernement des hommes. La
Politique & l’Art militaire faisoient ses délices.
Il les avoit étudié comme le moïen le plus sur de
parvenir, parceque ces deux sciences étoient peu
cultivées dans sa Patrie. Une grande facilité à
s’enoncer accompagnoit ces belles qualités. En un mot,
le mérite de Polydor étoit extraordinaire &
brillant. Au lieu de le cacher, il le montra. Aussitôt
l’envie éleve contre lui ses plus noires vapeurs, &
la calomnie ses nuages les plus épais. Néanmoins il plût
au Roi, qui lui donna une Compagnie, & le fît
Gentilhomme de la Chambre. Ces deux charges ne
contentoient pas son ambition, & comme elles ne
suffisoient pas pour l’occuper, il s’adonna à l’étude.
Après avoir langui quelques années dans ces emplois
subalternes, il alla chercher de la gloire en France, où
on lui donna un Régiment. Après la Paix, on voulût l’y
fixer, mais l’amour de la Patrie l’emporta sur l’apas
des offres tentantes, qu’on lui fit. Il y retourna ; ses
belles actions ne fûrent comptées pour sien. Dans les
païs Etrangers, Colonel, il redevint dans le sien
Capitaine, & il fût obligé de se contenter du titre,
qui le ruinoit sans l’avancer. Pour se mettre au fait
des Négociations, dont il sçavoit parfaitement la
Théorie, il demanda & obtînt la permission de suivre
en Angleterre un de ses Oncles, qui y alloit en
Ambassade. Il y passa trois ans, & s’y perfectionna
dans le grand art de négocier. L’Ambassadeur mourût. On
chargea Polydor d’une affaire épineuse. Il l’a traita
avec toute la dextérité d’un Politique consommé. Il se
hâta d’informer la Cour du succès, mais la réponse qu’il
recût ne contînt, que des loüanges & son rappel. On
crût lui dorer la pillule, en lui permettant de porter un Cordon de foïe rouge, frivole
honneur qui n’aboutissoit à rien, & qui le rendoit
plus élevé, sans le rendre plus grand. Pour s’étaïer
d’une puissante Protection, il fît la Cour à la Niéce
d’un Ministre ; mais celui-ci, après l’avoir lon-tems
amusé, la donna à un Fat, duquel il ne prenoit aucun
ombrage. Polydor sentît cet affront, comme il le
devoit ; mais il ne se rebuta point. Il s’attacha à la
Fille du Favori, riche héritiére. Mais le Ministre, qui
craignoit qu’il ne se vengeât, mit tout en œuvre pour
anéantir sa poursuite, & y réussît. Pour le
consoler, il persuada au Roi de le gratifier d’un Titre
de plus. La place de Chef général des Ingénieurs vînt à
vaquer. Il étoit le seul homme de Guerre, qui pût
remplir cette charge éminente, car le Génie étoit son
fort. Il la brigua : mais quoiqu’on eût dû absolument la
lui donner, quand même il ne l’auroit pas demandée, on
l’en éloigna, parcequ’elle l’approchoit trop du
Généralat, & que ses talens auroient été trop en
vuë. On en gratifia l’ignorance d’un esprit borné, à qui
la cabale donnoit libéralement les lumiéres de Vauban
& de Coëhorn : On craignît, qu’il n’offrît ses
services à une autre Couronne ; on crût l’affectionner à
l’Etat, qu’on ne vouloit pas absolument qu’il servît en
érigeant un de ses Terres en Comté, grace, dont il ne
fit aucun cas, parcequ’on ne lui avoit pas permis de la
mériter. La Fortune commença enfin à se radoucir : Dans
un besoin pressant, on eût recours à lui, comme au seul
homme capable de sauver le Roïaume. Il fût admis au
Conseil. Ses avis fûrent suivis ; & l’on ne s’en
repentît pas. Mais le nouveau Secretaire d’Etat ne fît
qu’un <sic> courte apparition dans le Ministére.
La supériorité de ses lumiéres montroit la médiocrité
des autres, son intégrité accusoit leurs concussions :
Son zéle découvroit leur négligence. Ses
succès déposoient contre leur incapacité. Ils se
liguérent contre lui ; trop habile pour se soutenir,
trop vertueux pour se venger, il succomba. Le Prince le
remercia, & lui fit présent de quelques Aunes de
Ruban bleu, dont il lui ordonna d’aller étaler dans une
Province, dont il lui donna le Gouvernement. Quoique ce
ne fût pas un Thêatre pour ses vertus, elles y
brillérent, & l’éclat en vint jusqu’à la Capitale,
où il fût rappellé. Le Roi, après avoir mûrement pesé
tous les talens, résolut de lui confier l’éducation du
Prince Roïal : Mais, quoique Polidor eût pour lui le
sufrage du Monarque, la voix du Public &
l’insuffisance de tous les rivaux, il échoüa. Ses
ennemis le noircirent, & firent tomber le choix du
Souverain sur une de leurs Créatures. Ennuié de la Cour,
Polydor se retira dans sa Comté. Il gagna sur son cœur
de ne desirer ni biens ni grandeurs. Il comprît, que le
vrai bonheur est incompatible avec les troubles de
l’ambition, & que le mérite ne simpathise point avec
les faveurs de la fortune. Son seul deplaisir dans sa
solitude fût le regrêt de ne ne <sic> l’avoir pas
compris plutôt, & d’avoir passé les plus beaux jours
de sa vie, hors de cette volupté pure, qui naît de la
tranquillité de l’ame, comme la tranquillité naît de la
victoire qu’on remporte sur ses passions.
Example
Presque tous les Courtisans pensent ce que disoit un
Bourgeois d’Athènes, à qui l’on demandoit, pourquoi il
opinoit pour l’éxil d’Aristide, qu’il ne connoissoit pas.
C’est, répondît il, que je suis la d’entendre dire, qu’il
est le meilleur Citoїen de la République.
Example
Brutus ne se mît à couvert de la cruauté de
Tarquin, qu’en faisant semblant d’être imbécille :
Example
Sixte-quint ne parvînt au
Pontificat que par une dissimulation de ce genre.
Example
Le Cardinal de Fleury ne s’éleva
au plus *1haut degré
de puissance, où un Ministre soit monté, qu’en cachant avec
soin son ambition, en se couvrant de grands dehors de
simplicité, en affectant un grand éloignement des affaires,
& même une espèce d’incapacité & d’ignorance de la
Politique.
Level 3
Example
Jaques I, Roi d’Angleterre,
ennuié de Carr, Comte de Sommerset, son Favori, donna
son affection à George Villiers, jeune Gentil-homme,
dont les charmes l’avoient ébloüi. Ce Prince eût
pourtant bien voulu, que Sommerset n’en concût pas de la
jalousie ; car, quoiqu’il ne l’aimât plus, il n’avoit
pas le courage de s’en débarasser. Il suggéra donc
lui-même à Villiers d’aller rendre visite au Comte,
& de lui demander sa protection, comme devant être
de ses créatures. Villiers obéît ; & abordant
Sommerset ; « Mylord, lui dit il, je souhaite devenir un
de vos Serviteurs, & vous prie de vouloir prendre
soin de ma fortune à la Cour. Vous assurant de la
fidelité la plus respectueuse & la plus soumise. »
Le Favori, qui craignoit d’être éclipsé par ce nouveau
venu, ne pût dissimuler son chagrin. « Je n’ai pas
besoin de vôtre service, lui répondit-il ; Et vous ne
devez pas compter sur moi. Au contraire,
je vous tordrai le coû, si je le puis ; & c’est tout
ce dont vous devez être assuré de ma part. » Ce même Roi
étoit si foible, que sur le point de le condamner à la
mort, pour cause d’empoisonnement, il lui fît les plus
tendres adieux. « Au nom de Dieu, lui dit il, dis moi
quand je te reverrai. Sur mon ame ! je ne mangerai ni ne
boirai jusqu’à ce que tu reviennes » ; Ensuite se
jettant sur son coû, il le baisa 3. ou 4. fois, en lui
disant, « au nom de Dieu, donne de ma part ces baiser à
ta Femme. » Mais à peine Sommerset fût-il monté en
Carosse, que Jaques I dit tout haut. « Voilà qui est
fait, il ne me reverra de sa vie. » *2
Level 3
Example
Louvois sacrifioit souvent le
bien de la France à la jalousie qui l’animoit contre
Turenne. Il auroit souhaité, que ce Général fut battu ;
& il arrangeoit toujours les choses de façon, qu’il
n’avoit jamais que de petites Armées à commander. Mais
le Vicomte, toujours victorieux, triomphoit également de
l’envie de ses ennemis, & de la supériorité des
ennemies de son Maître.
Level 3
Example
La conduite du Cardinal
Albéroni doit faire trembler tout Ministre, porté à
élever le mérite. D’une naissance au dessous de la
médiocre, il parvint à une Cure d’Italie. Il s’attacha
au Duc de Vendôme, & se procura la protection &
la confiance de Madame des Ursins. Cette Princesse
gouvernoit l’Espagne. Le Roi, qui
étoit veuf, songeoit à un second Mariage. Voiant qu’elle
ne pouroit l’émpècher, elle voulut lui donner de ses
mains une Princesse, sur laquelle elle put compter,
& qui par reconnaissance maintînt son crédit. Elle
s’ouvrit à l’Abbé Albéroni, qui alla sécretement à Parme
négocier cette affaire, qui fut bientôt conluё. Il
conduisit la Princesse de Parme en Espagne. Mais, il
passa les limites de sa commission. Il eut l’adresse,
dirai je ? la lâcheté d’immoler à ses intérèts & à
l’espoir de son avancement sa bienfaitrice. Il
instruisit la Reine du pouvoir de la Princesse des
Ursins sur l’esprit du Roi d’Espagne, & lui insinua,
qu’elle n’en pourroit avoir autant, qu’après avoir
détruit celui de cette Princesse. La Reine avoit trop de
pénétration & de lumières pour ne pas voir que son
interèt éxigeoit qu’elle suivit ce conseil. Aussi,
dès-qu’elle fut en Espagne, la Princesse des Ursins fut
elle disgracieé, & renvoiée hors du Roiaume. L’Abbé
Albéroni se vit, par ce arrifice <sic>, seul
maitre de la confiance de la Reine, qui le récompensa
bien de ses salutaires mais perfides avis. Si la
Princesse des Ursins fut rentrée en grace, certainement
les plus grands génies n’auroient pas été ceux, quelle
auroit le plus favorisés.
1* Ceci n’est point une hiperbole. Ximemès, Greffenfeld, Vlefeld, Richelieu, Mazarin fûrent extrêmement puissans ; mais ou leur autorité fut traversée, ou ils la perdirent enfin, aulieu que celle de Fleuri, a été sans bornes, & sans troubles. Il faut prendre au rabais ce que dit dans son eloge l’Historien de l’Academie des Sciences ; qu’elle couloit de source, & qu’elle se ressentoit de la simplicité des moїens, qui l’avoient fait naître.
2* The History of England during the Reigns of the Royal house of Stuart &c. By Oldmixon.