Sugestão de citação: Laurent Angliviel de la Beaumelle (Ed.): "Amusement XXV.", em: La Spectatrice danoise, Vol.1\025 (1748), S. 193-199, etidado em: Ertler, Klaus-Dieter / Hobisch, Elisabeth (Ed.): Os "Spectators" no contexto internacional. Edição Digital, Graz 2011- . hdl.handle.net/11471/513.20.4199 [consultado em: ].


Nível 1►

Amusement XXV.

Citação/Divisa► Quand on est honnêtte homme, on est bientôt Chrétien. ◀Citação/Divisa

Racine le Fils.

I.

Nível 2► Nível 3► Ll <sic> est disgracieux de s’amuser aux dépens des hommes. Leurs travers doivent nous humilier. Un triste retour sur nous-mêmes nous ramène à des réfléxions chagrines sur la foiblesse de notre raison, sur notre pente au vice, sur l’aveuglement de notre esprit, sur les égaremens de notre cœur. Il est, ce semble, naturel de s’en affliger. En rire, paroît d’abord indécent. Mais les Sots & les Vicieux ne sont-ils pas plus affectés d’une raillerie, qu’ils ne le sont d’une Morale débitée d’un ton grave ? Ils ont presque toûjours le bon-mot prêt contre un trait de morale sévère ; mais un trait enjoüé & badin les prend au dépourvu ; ils rient eux-mêmes ; & aux Ris succéde la Réfléxion.

Metatextualidade► A quoi bon ce Préambule, dira-t-on ? A prévenir la critique de quelques-uns de mes Lecteurs, qui pourroient trouver étrange, que je m’amuse aux dépens des Incrédules. Ils méritent si peu [194] d’être ménagés, ils tournent si malignement en ridicule la Réligion, qu’ils ne sçauroient trouver mauvais, qu’on les tourne eux-mêmes en ridicule. D’ailleurs, il n’y a pas moïen de raisonner avec eux ; ils ont plus besoin d’Ellébore que de raisonnemens. C’est peine perduë. Une Prophétie est obscure, donc elle ne prouve rien. Une autre est d’une clarté Historique, donc elle est supposée. Eh ! Messieurs ! Comment faut-il qu’elles soient pour vous plaire ? Soïez d’accord avec vous-mêmes. Puis, on vous répondra. Porphyre reprochoit aux Chrêtiens, que les Prophéties ressemblent plutôt à des Histoires du passé qu’à des prédictions de l’avenir. Quinze Siécles àprès, on vient leur reprocher qu’elles sont trop obscures, embroüilles, & enigmatiques. De quel côté se tourner ? ◀Metatextualidade

II.

Je veux vous décharger, me dit un Incrédule, du pénible fardeau de croire. Mais comment s’y prend-il ? En voulant me persuader les choses les plus incroïables. N’est-ce pas se moquer du Monde ? N’est-il pas plus difficile de croire que douze Soldats ont fait sans secours & sans armes la Conquête du Genre humain, en ont imposé grossiérement à tout l’Univers, ont avancé des faits sur lesquels on pouvoit leur donner aisément le Dementi, que les Païens séduits par leurs Impostures ont quitté une Réligion sensuelle pour une Réligion ennemie des sens, & l’ont quittée sans preuves de la Vérité de celle-ci, que des milliers d’hommes ont pris des prestiges pour des Miracles, & ont été assez extravagans, assez fanatiques pour sceller de leur sang des mensonges nouveaux, qu’il ne l’est de reconnoître en cela le doigt de Dieu, les traces de la Vérité ? N’est-il pas plus difficile de croire, que l’Homme n’est qu’un être matériel, que les admirables Opérations de son esprit doivent leur Existence au sang & aux Esprits animaux, qu’il ne l’est de distinguer en lui avec la Raison & l’Expérience deux substances différentes ? Il en va de même de tout le reste. Si vous en exceptez un seul Dogme du Christianisme, il est infiniment plus aisé comme plus raisonnable de croire tous les autres que de ne les croire pas. En un certain sens, les Incrédules méritent bien le titre d’Esprits-forts, qu’ils ambitionnent. Accordons le leur. Mais du moins qu’ils ne [195] viennent plus nous dire, qu’ils veulent nous soulager d’un fardeau insupportable.

III.

Nous pouvons sans crainte leur permettre d’avancer, que le Christianisme n’est qu’une pure fable. Comme ces Messieurs ne sçauroient absolument en donner la moindre preuve, nous les en dispenserons généreusement en faveur du service signaglé <sic> qu’ils rendront au genre humain. Que tous les hommes soient leurs Prosélytes. Le monde deviendra un Paradis terrestre. La Bonne-foi régnera dans le Commerce ; l’union dans les familles. La vertu triomphera. L’Intérêt ne pourra plus rien sur le cœur humain. Qu’il soit attaqué par l’attrait du vice, on lui opposera la barrière puissante de l’Incrédulité. Le Magistrat n’aura pas besoin de faire des loix, encore moins de veiller à leur éxécution. Plus de Bourreaux, plus de Cours de Justice. Le plus fort cédera toûjours au plus foible. Le Siécle d’Or revivra sur la Terre. Ne croire ni Dieu ni diable, c’est la vraïe sagesse, c’est le chemin du vrai bonheur c’est l’unique moïen de rendre les hommes vertueux & la Société florissante.

Princes ! y pensez-vous, de regarder la Réligion comme l’appui le plus ferme de votre Thrône, comme la baze de l’Ordre ? Ecoutez ces nouveaux Apôtres. Ils vous enseigneront l’art de croire & l’art de régner. Permettez-leur de dogmatizer dans vos Etats. Hubbes en convaincant vos Peuples, qu’il n’y a nulle distinction entre le juste & l’injuste, que la vertu & le vice ne sont que des êtres de raison, les affranchira de l’importune servitude des remords. Mandewil (1 *) leur apprendra (ô l’utile Docteur !) à se [196] tromper mutuellement, & cela pour leur avantage mutuel. (2 *) Toland, les dispensera du soin d’aimer & d’invoquer leur Créateur, & leur prouvera, que Bacchus & Vénus sont les seules Divinités qu’on doit adorer. (3 **) Collins leur ouvrira les yeux sur la tyrannie du clergé, & les convaincra que la Réligion n’est qu’un manteau dont on se sert pour authoriser toutes sortes de violences & d’injustices. Bayle répandra dans leur esprit les semences d’un Pyrrhonisme Universel, à la faveur duquel vous pourrez tyranniser à votre gré vos sujets, qui douteront si vous êtes des Tyrans ou si vous ne l’êtes pas. Hatez-vous de faire annoncer à vos Peuples ces salutaires principes. C’est ce que vous pouvez faire de mieux pour le bien de vos Etats.

IV.

On est surpris de voir un si grand nombre d’esprits-forts. Pour moi je le suis de ce que, de la manière dont les hommes raisonnent, il n’y en a pas d’avantage. Le vice est aujourd’hui infiniment plus commun que la vertu. Ne seroit-il pas naturel que le Déïsme, qui favorise l’un, fût plus commun que l’attachement à une Réligion qui ne nous porte à l’autre que par des motifs purement spirituels, & qui ne nous promet des récompenses que dans une vie à venir. L’Incrédulité enseigne à ses Sectaturs <sic> l’art de contenter leurs sens par toutes sortes de voïes, après que leur corruption les a affranchis de toute contrainte. Le Christianisme n’enseigne aux siens que l’art de souffrir & de mépriser les plaisirs. N’est-il pas étonnant, que tous les vicieux ne s’étourdissent pas sur des vérités qui condamnent leurs penchans ? Ils sont si sujets à se faire [197] illusion ! La raison est si peu éclairée, quand les Passions dominent ! Que la Réligion doit être puissante, puis qu’elles ont tant de peine à la chasser des cœurs mêmes qu’elles tyrannisent !

V.

On n’a point encore réduit les Incrédules au silence ; & vraisemblablement on ne les y réduira jamais. Leur cœur séduira toûjours leur esprit. Tant que l’un sera fermé à la Vertu, l’autre sera inaccessible à la vérité. Les Passions furent de tout tems les sources de l’Incrédulité. Guerissez les Esprits-forts de leur Libertinage, de leur orgueil, vous les guérirez bientôt de leur impiété.

Ils se plaignent qu’on tâche de les rendre odieux. Mais, de bonne-foi, ne sont-ils pas tels qu’on les dépeint. Libertin & Déiste, ne sont-ce pas des mots presque synonymes ? Qui sont ceux qui soutiennent la Matérialité de l’Ame ? Ceux qui sont intéressés à sa non éxistence, & qui ne peuvent étouffer leurs remords sans la persuation de leur Anéantissement. Qui sont ceux qui se joüent des récompenses à venir ? Ceux à qui leurs désordres ôtent l’esperance d’y avoir part. Qui sont ceux qui nient l’Existence d’un être suprême ? Ceux qui violent les loix de la Morale, qu’il a gravées dans tous les cœurs. Que les Déïstes deviennent vertueux ; qu’ils nous arrachent ce lieu-commun, tant de fois rebattu ; que, pour l’honneur de leur parti, ils cachent leurs déréglemens, qu’ils cessent de débiter leurs Maximes de Morale relâchée, on leur rendra justice, & l’on admirera autant leur probité qu’on déplorera leur aveuglement. Quel est le Théologien, qui a noirci les mœurs de Bayle & de Spinosa ?

« Nous vous tenons, dira-t-on. Ces deux Incrédules ne prouvent-ils pas, qu’on peut être fort honnête-homme & fort mauvais Chrêtien. Il ne sert de rien de nous dire, qu’ils ont été meilleurs que leurs Principes, parce que c’est supposer ce qui est en question. »

Il est vrai qu’on ne sçauroit nier, que l’Incrédulité n’aît eu & n’aît peut-être encore des Partisans, à qui l’on ne sçauroit reprocher aucun vice connu ; & qu’il est possible, que l’Irréligion soit [198] une suite des faux jugemens de l’esprit ; mais il n’est pas moins certain, que c’est là le plus petit nombre. Je n’en veux d’autre preuve que les abjurations, que font tous les jours les Déïstes aux approches de la Mort, qui semble destinée à les convaincre. Il est donc constant, qu’à parler en général, le Déïsme est l’azyle d’une Conscience qui bourrelée par ses remords, ou genée dans ses penchans, cherche à s’affranchir d’une crainte importune, & à sortir d’une prison, qui enchaîne ses désirs déréglés.

Or je demande, si cela seul n’est point un Préjugé légitime, qui nous authorise à le rejetter sans éxamen. En effet à quoi bon réfuter des gens, à qui le plaisir de penser comme le petit nombre tient lieu de Conviction, dont tous les Raisonnemens n’ont d’autre but que de bannir la Vertu, qui tournent éternellement autour du cercle étroit des mêmes objections, mille fois réfutées ?

VI.

Tout a éte <sic> dit de part & d’autre. Le procès est suffisamment instruit. Cent nouveaux Plaidoïers en faveur du Déïsme ne diront rien de neuf. Cent nouvelles réfutations de ces Plaidoïers n’auront pas plus le mérite de la Nouveauté. Cependant comme les Déïstes triomphent, quand on laisse leurs ouvrages sans réponse, & qu’ils prennent pour un avantage ce qui n’est qu’une suite du mépris qu’on a pour eux, il est bon de leur arracher cette chimérique Satisfaction.

Mr. de Holberg dit dans sa 2. Lettre qu’il seroit à souhaiter, qu’on proposât des prix pour ceux, qui auroient le mieux défendu le Christianisme contre les Déïstes. Ce Projet a été déjà exécuté depuis long-tems par la belle (4 *) fondation que fit le Chevalier Robert Boyle de la Chaire destinée à des Sermons bien païés sur les objections des Incrédules. Les plus sçavans Théolo-[199]giens Anglois (& quel païs en produit un plus grand nombre que l’Angleterre ?) y ont plaidé pour la vérité. La Réligion a été aussi bien prouvée qu’elle peut l’être, & les Incrédules victorieusement repoussés. Parker, Ditton, Jenkin, Lardner, Richardson, Bentley, Sickes, Smallbroke, Chandler, Burnet, Sherlock, Stackhouse parmi les Anglois, Fénélon, Huet, Houteville, Abadie parmi les François, Grotius, le Clerc, Martin, Bernard en Hollande, Turrettin à Genève &c. ont porté les plus rudes coups à l’Incrédulité. Tous les Matériaux sont prêts ; il s’agit moins d’en tailler de nouveaux que de faire un choix judicieux des meilleurs, pour élever sur des fondemens inébranlables l’édifice de la Vérité. Il seroit três-utile à la Réligion qu’une Société d’habiles gens mît la main à cet ouvrage, & rangeât dans un Ordre méthodique les preuves de la Divinité du Christianisme, tirées des bons auteurs qui ont écrit sur cette matière. Il ne faudroit pas oublier les objections des Incrédules ; on devroit les rapporter dans toute leur force, de quelque nature qu’elles fussent. Toutes les Communions Chrêtiennes sont également intéressées à cet ouvrage, qui rendroit les Chrêtiens plus éclairés & les Déïstes plus rares. Mais comme ce travail seroit d’une grande étenduë & occuperoit plusieurs Sçavans, il faudroit qu’un Prince encourageât cette entreprise par ses bienfaits. ◀Nível 3

Metatextualidade► Est-il nécessaire d’avertir les Lecteurs que cette Feüille n’est pas de moi ? Je la dois à un inconnu, qui m’en a envoïé quatre sur cette matière. Je les donnerai au Public, si celle-ci ne déplait pas. ◀Metatextualidade ◀Nível 2 ◀Nível 1

1(*) Auteur de la Fable des Abeilles, ouvrage que plusieurs bonnes plumes ont réfuté victorieusement. Cet Ecrivain dit dans son second Volume, que tout ce qu’il a avancé dans le prémier contre la Réligion Chrêtienne n’est qu’une Ironie. Peut-on attendre que la vérité sorte de la bouche d’un homme, qui soutient, que le Mensonge est extrêmement avantageux à la Société civile ?

2(*) Le Dr. Clarke honora son Amyntor d’une réponse, sous ce titre : Clark’es Réfléxions on Amintor. Toland addressa quelque tems avant sa mort une Lettre à Mylord Evêque de Londres dans laquelle il faisoit son Apologie & se disoit bon Anglican.

3(**) Collins, Auteur des recherches Philosophiques sur la Liberté de Penser, raisonnoit en franc Déïste, & vivoit en bon Chrêtien. Il étoit Magistrat dans la Province d’Essex. Il mourut le 13. Xbre 1739.

4(*) Mr. Racine dit dans une note de son Poëme sur la Réligion, qu’il est surprenant, qu’on ait fait en Angleterre une pareille fondation. Il l’est bien plus, ce me semble, qu’on n’en aît pas fait à Paris une semblable.